L’opposition salue tièdement le retour de Gantz
Lapid s'est réjoui de la décision du chef de HaMahane HaMamlahti de quitter le gouvernement ; Liberman a déploré une décision trop tardive ; les leaders d'extrême-droite lorgnent son siège au cabinet et Gallant garde le silence
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a demandé dimanche soir au dirigeant du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, de reconsidérer sa décision de quitter le gouvernement dans une publication faite, alors que ce dernier prononçait encore son allocution.
« Israël est au beau milieu d’une guerre existentielle sur de multiples fronts », a écrit Netanyahu sur X. « Benny, ce n’est pas le moment d’abandonner la campagne – c’est le moment d’unir nos forces ».
Gantz, dans son allocution en direct, a accusé Netanyahu de « nous empêcher d’atteindre une véritable victoire » et de faire « des promesses vides » aux Israéliens.
Malgré le départ de Gantz, le Premier ministre a promis de poursuivre la guerre à Gaza jusqu’à ce que tous les objectifs de la campagne militaire soient atteints, avec « avant tout, la remise en liberté des otages et l’élimination du Hamas ».
« Ma porte restera ouverte à tout parti sioniste disposé à assumer le fardeau et à contribuer à la victoire sur nos ennemis et à assurer la sécurité de nos citoyens », a-t-il ajouté.
De son côté, le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir a rapidement écrit à Netanyahu pour lui demander d’accueillir de nouveaux membres au cabinet de guerre – et lui en particulier.
Dans une lettre qui a été publiée sur les réseaux sociaux, le ministre ultra-nationaliste a indiqué que le cabinet de guerre, qui est la cellule de commandement militaire gouvernementale – et qui, jusqu’à présent, était formé de Netanyahu, de Gantz et du ministre de la Défense Yoav Gallant — n’avait compris que des ministres qui s’alignaient sur les idées et autres concepts militaires qui ont prévalu jusqu’à présent au sein de l’État juif, les membres ayant un point de vue différent, au sein du gouvernement, étant ignorés et tenus à l’écart.
Il est temps de faire entrer les ministres « qui ont averti en temps réel que les conceptions et les visions acceptées aujourd’hui par tous étaient mauvaises », a écrit Ben Gvir, demandant à intégrer le forum décisionnaire alors qu’il ne dispose d’aucune expérience militaire.
Ben Gvir, qui est largement considéré comme un trublion réactionnaire, avait laissé entendre, dimanche, qu’il prévoyait de réclamer plus de pouvoir pour lui-même et pour sa formation Otzma Yehudit dans le sillage de la démission de Gantz.
« Il est temps de prendre des décisions courageuses et décisives », avait-il écrit.
Son partenaire d’extrême-droite, le ministre des Finances Bezalel Smotrich, a semblé, lui aussi, se porter candidat à un siège au sein du cabinet de guerre. Smotrich n’a aucune expérience militaire.
Dans une déclaration faite peu après la fin du discours de Gantz, Smotrich a affirmé que dans les jours qui avaient suivi l’attaque terroriste meurtrière du Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre, lorsque le leader de HaMahane HaMamlahti avait rejoint le gouvernement dans une démonstration d’unité, il « avait accepté de se mettre de côté et d’être exclu de la prise en charge de la guerre ».
« Depuis, j’ai soutenu des décisions avec lesquelles j’étais clairement en désaccord, simplement parce que l’unité est plus déterminante pour la victoire que de se quereller pour savoir si une initiative est bonne ou moins bonne », a dit le chef d’extrême-droite tout en déclarant qu’à ses yeux, la démission de Gantz du gouvernement était « irresponsable ». Il l’a accusé d’avoir quitté le gouvernement « pour des raisons politiques ».
« Il n’y a rien de moins digne d’un homme d’État que de démissionner d’un gouvernement en période de guerre », a poursuivi Smotrich qui a estimé que « c’est très exactement ce que voulaient [le chef du Hamas Yahya] Sinwar, [le leader du Hezbollah Hassan] Nasrallah et l’Iran ».
Il a lui aussi appelé, comme l’avait fait Netanyahu, « tous les leaders des partis sionistes pour qui l’État d’Israël est important à rejoindre le gouvernement d’unité ».
Le dirigeant du Shas, Aryeh Deri qui avait tenté une dernière fois, samedi, de convaincre Gantz de rester au sein du gouvernement, a indiqué qu’il « regrettait profondément » le départ de ce dernier, sommant le chef de HaMahane HaMamlahti de tenter de mettre les différends de côté et de réexaminer sa décision.
« Ce n’est pas un moment propice aux chamailleries politiques ou à une campagne électorale qui divisera la population », a dit Deri, qui siège au cabinet de guerre sous le statut d’observateur, dans son appel lancé à Gantz.
Le ministre de la Défense, Yoav Gallant – qui, comme Gantz, s’est récemment insurgé face au refus de Netanyahu de déterminer un plan clair pour la gouvernance de Gaza dans l’après-guerre – a pour le moment gardé le silence sur cette démission.
Dans les rangs de l’opposition, certains ont salué l’annonce qui a été faite par Gantz et d’autres ont déploré une décision qui, à leurs yeux, a été prise trop tardivement.
Le leader de l’opposition, Yair Lapid, s’est réjoui de ce retour au bercail du dirigeant de HaMahane HaMamlahti, estimant que sa décision était « la bonne » et qu’elle était « importante ».
« Il est temps de remplacer ce gouvernement extrémiste et défaillant par un gouvernement qui restaurera la sécurité pour la population d’Israël, qui obtiendra la libération des otages, qui reconstruira l’économie et qui rendra à Israël son statut à l’international », a dit Lapid.
De son côté, le leader de la faction Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman, a accueilli plutôt froidement Gantz, écrivant sur X que « mieux vaut tard que jamais » et expliquant que le moment de former « une coalition sioniste » était venu.
Dans une déclaration où il n’a pas épargné Gantz de ses critiques, le nouveau chef d’Avoda, Yair Golan, a expliqué que s’il n’avait « aucun doute sur les bonnes intentions de Benny Gantz au niveau personnel », sa décision de quitter le gouvernement avait été prise « trop tard ».
« Benny Gantz et HaMahane HaMamlahti ont une responsabilité directe dans ce tout ce qui est arrivé dans le pays depuis qu’ils ont rejoint le gouvernement », a accusé Golan.
« La décision prise par Gantz de permettre, de manière artificielle, au gouvernement le plus dangereux et les plus extrémiste de toute l’histoire du pays de ressusciter s’est avérée être une erreur stratégique grave », a-t-il continué, accusant le désormais ex-ministre du cabinet de guerre d’avoir apporté une légitimité à « des fascistes et à des kahanistes ».
Suite à la sortie de Gantz du gouvernement – et à la démission conséquente du député Gadi Eizenkot, membre de HaMahane HaMamlahti, de son siège au cabinet de guerre où il avait un statut d’observateur – le Forum des Familles d’otages et de portés-disparus a indiqué que le changement survenu dans la constitution du panel, après huit mois, ne devait en rien toucher le soutien apporté à un accord qui permettrait de faire libérer les otages et d’arrêter les combats à Gaza.
« L’accord de Netanyahu est encore sur la table et seul cet accord pourra garantir le retour de tous les otages : Les vivants pour qu’ils puissent reprendre leur vie et les défunts pour qu’ils puissent être inhumés », a dit le forum.
Les familles ont aussi répété leur appel lancé au gouvernement en faveur de l’approbation d’un accord, même si le Hamas a paru indiquer qu’il n’en accepterait pas les dispositions si elles ne comprenaient pas un engagement prévoyant la cessation définitive des hostilités.
Dans son discours, Gantz a promis d’apporter son soutien à « tout plan responsable » assurant le retour des otages en Israël et il a présenté ses excuses pour ne pas avoir été en mesure de faire davantage au cours des huit derniers mois.
« Nous avons fait beaucoup mais nous avons échoué en termes de résultat », a-t-il déploré. « Nous n’avons pas pu faire rapatrier un grand nombre d’otages. La responsabilité de cet échec est aussi la mienne ».
Avec le départ de Gantz et de sa formation, le gouvernement de Netanyahu est revenu à ses cinq partis d’origine – le parti de droite du Likud, les factions d’extrême-droite Hatzionout HaDatit et Otzma Yehudit et les partis ultra-orthodoxes du Shas et de Yahadout HaTorah.
La coalition dans son ensemble occupe 64 sièges à la Knesset, forte de 120 membres, et la perte des huit sièges occupés par HaMahane HaMamlahti au Parlement ne met donc pas en péril sa majorité.