Lutte féroce pour l’héritage de Martin Luther King sur Israël
Des activistes des deux bords du conflit israélo-palestinien revendiquent l’héritage du militant des droits civiques, alors que les appels « de Gaza à Ferguson » se répandent dans le pays

BOSTON – Alors que des centaines de synagogues ont organisé des commémorations pour la journée de Martin Luther King (MLK) dimanche 18 janvier, des soutiens d’Israël ont accusé les dirigeants noirs d’autoriser des « écrits discriminatoires » contre Israël et les juifs à se répandre largement dans la communauté noire.
Pendant des décennies, les militants des deux côtés du conflit israélo-palestinien ont revendiqué l’héritage du militant des droits civiques le plus aimé des Etats-Unis, qui a été assassiné en 1968.
Selon qui répond à la question, King était soit un ardent sioniste, soit quelqu’un qui non seulement méprisait Israël, mais a été une victime posthume de « fausses » citations pro-israéliennes fabriquées à son nom.
La lutte acharnée pour l’héritage de MLK a été fortement stimulée pendant l’été 2014, quand des évènements très connotés racialement ont eu lieu à Ferguson, Missouri, en même temps que l’opération Bordure protectrice menée par Israël se déroulait à Gaza.
Traçant un parallèle entre les Palestiniens à Gaza et les noirs à Ferguson, le mouvement « De Gaza à Ferguson » a galvanisé des milliers d’Américains, noirs, juifs, musulmans et autres, à faire d’autres rapprochements sur l’oppression entre le Moyen-Orient et le Missouri.
Selon l’historien et auteur Gil Troy, la légitimité d’Israël a été éprouvée par les attaques dans les communautés noires, des milliers de dirigeants noirs et de célébrités signant des pétitions incitant à rompre tous les liens diplomatiques et économiques américains avec l’Etat juif.
Des signataires noirs américains importants incluent l’icône des droits civiques Angela Davis et le co-fondateur de Black Live Matter (Les vies noires comptent) Patrisse Cullors.
Dans un éditorial de la semaine dernière paru dans le Jerusalem Post, Troy a écrit qu’un nouveau « grand mensonge noir » a remplacé l’ancien « grand mensonge rouge » alors colportée par l’alliance palestinienne soviétique : Israël est un état raciste comparable à l’Allemagne nazie et l’Afrique du Sud. Cette campagne a atteint son paroxysme en 1975 quand les Nations unies ont formellement comparé le sionisme au racisme.
Le « grand mensonge noir »
Dans des cercles universitaires américains, de plus en plus de voix appellent à un effacement à long terme d’Israël via des boycotts et des sanctions. Les universitaires noirs sont bien représentés dans le mouvement, comprenant les dirigeants d’Etudiants pour la justice en Palestine, et des professeurs titulaires de la Californie jusqu’à Columbia.
« Des activistes dans les rues de Ferguson, à New York City, à LA, etc. [ont tracé] des liens avec la violence radicalisée israélienne au nom de la sécurité », a déclaré Robin D.G. Kelley, un professeur d’histoire américaine à l’université de Californie de Los Angeles.
« Ce n’était pas simplement Ferguson et Gaza, a expliqué Kelley lors d’une discussion anti-Israël à l’Université de Columbia le mois dernier. C’était aussi faire des rapprochements entre les frappes de drones à l’étranger, et la mort d’hommes, de femmes, et de transsexuels noirs des mains de la police », a déclaré l’universitaire spécialisé en histoire africaine-américaine.
Dans son éditorial sur le « grand mensonge noir », Troy a demandé aux dirigeants religieux de toutes tendances de « rejeter les calomnies qui se répandent parmi de nombreux noirs américains contre Israël et le peuple juif ». Il a accusé certains des dirigeants noirs de « jouer le rôle que trop de personnes jouent aujourd’hui dans les universités : rejoindre et renforcer le mouvement antisioniste contre Israël et les juifs sur les campus ».
Selon Troy et certains dirigeants juifs américains importants, le « rapprochement » des stratégies d’oppression doit être réfuté à la racine. Troy a exhorté les soutiens d’Israël à parler avec les communautés noires « de leur rôle potentiel dans le conflit au Moyen-Orient », en utilisant la journée de MLK pour commencer.

« S’il vous plaît, expliquez ces trois messages essentiels dans vos discours, vos prières et vos conversations privées pour la journée de Martin Luther King : Gaza n’est pas Ferguson, le sionisme n’est pas le racisme, et Israël n’est pas un état d’apartheid », a écrit Troy.
Qu’est-ce que Martin Luther King avait vraiment à dire sur Israël ?
Beaucoup des citations souvent attribuées à MLK sur le conflit israélo-palestinien proviennent d’un questions-réponses auquel il avait participé avec le rabbin Everett Gendler pendant la convention annuelle de 1968 de l’assemblée rabbinique du mouvement conservateur.
Il lui avait été demandé de réfléchir aux questions avant l’évènement, et il est clair que King avait soigneusement considéré les deux parties du conflit en cours.
« Sur la crise au Moyen-Orient, nous avons des réponses variées. La réponse de certains jeunes militants ne représentent pas la position de la vaste majorité des noirs. Il y en a qui sont obsédés par la couleur [de peau], et ils voient une sorte de mystique à être de couleur, et tout ce qui n’est pas de couleur est condamné. Nous ne suivons pas cette ligne à la conférence des dirigeants chrétiens du sud, et certainement pas dans les organisations du mouvement des droits civiques. »
« Je pense qu’il est nécessaire de dire que ce qui est la base et ce dont il y a besoin au Moyen-Orient, c’est la paix. La paix pour Israël est une chose. La paix pour le côté arabe de ce monde est une autre chose », avait déclaré King.
« La paix pour Israël signifie la sécurité, et nous devons soutenir de toutes nos forces son droit à exister, son intégrité territoriale. Je vois Israël, et n’hésite pas à le dire, comme l’un des plus grands avant-postes de la démocratie dans le monde, et un exemple merveilleux de ce qui peut être fait, de comment une terre désertique peut être transformée en un oasis de fraternité et de démocratie. La paix pour Israël signifie la sécurité, et cette sécurité doit être une réalité. »
« D’autre part, nous devons voir que la paix signifie pour les arabes un réel sens de la sécurité, à un autre niveau. La paix pour les arabes représente le genre de sécurité économique dont ils ont désespérément besoin. Ces pays, comme vous le savez, font partie de ce tiers-monde de la faim, de la maladie, de l’illettrisme. Je pense que tant que ces conditions existent il y aura des tensions, il y aura une quête sans fin pour trouver des boucs émissaires. Donc il y a besoin d’un plan Marshall au Moyen-Orient, où nous élevons ceux qui sont en bas de l’échelle économique et les amenons dans la norme de la sécurité économique », avait expliqué King.
Réaffirmer le narratif d’Israël
Une récente étude Pew, contrastant avec la sinistre vision de Troy, affirme que les Noirs Américains sont plus favorables à Israël qu’aux Palestiniens par un ratio de 2 contre 1. Bien que ce soutien soit moins fort que celui de la population générale américaine, on ne manque pas de personnalités noires – y compris dans le clergé, des gouverneurs, et des célébrités hollywoodiennes – prêtes à soutenir publiquement Israël.
« Les anti-sionistes qui tentent de modifier le point de vue de King sur Israël trahissent son héritage réel », a déclaré le pionnier pro-israélien Dumisani Washington, fondateur de l’institut pour la solidarité noire avec Israël.
En parlant régulièrement du soutien du Dr King au sionisme et à Israël, Washington – un pasteur et orateur fréquent des conférences pro-israéliennes – combat les tendances des communautés confessionnelles associant MLK à des déclarations anti-Israël.

« Ces individus s’exposent aussi aux risques de ne plus se sentir vraiment concernés par les droits de l’Homme », a écrit Washington, qui écrivait un blog pour le Times of Irael.
« Sinon, comment expliquez-vous les attaques incessantes contre la seule démocratie du Moyen-Orient, alors que les vols de Yasser Arafat et Mahmoud Abbas obtiennent un laissez-passer ? Que pourrait avoir à dire le Dr King sur un ‘plan Marshall’ siphonné par les déshonorables dirigeants arabes, alors que leur peuple continue à souffrir ? »
Dans les personnalités médiatiques noires pro-Israël, le commentateur Kevin Jackson fait partie des plus fervents soutiens à Israël et à d’autres causes « conservatrices ».
Connu pour avoir accusé le parti démocrate de « violer les noirs et les Etats-Unis », Jackson a également affirmé que le président Barack Obama faisait partie d’une conspiration musulmane pour contrôler le monde. Sur son site internet « Black Sphere », Jackson ne mâche pas ses mots sur les juifs, les noirs et d’autres qu’il considère comme des traîtres à leur peuple.
« Les juifs libéraux séculaires haïssent leur propre peuple, a écrit Jackson ce mois-ci. Le phénomène le plus proche de celui-ci est la haine des noirs libéraux envers les autres noirs. Et c’est ce genre de haine de soi que les démocrates aiment tant. C’est la capacité des démocrates à faire que les gens se haïssent les uns les autres qui est la marque de fabrique de leur parti. »
Indiscutablement offensant pour certains spectateurs, Jackson est l’une des voix noires les plus impétueuses rejetant le point de vue « De Gaza à Ferguson », ainsi que l’affirmation selon laquelle Martin Luther King serait choqué par le développement d’Israël depuis son assassinat, il y a presque un demi-siècle.

« A Ferguson, la police était là pour surveiller pendant que des voyous brûlaient la ville pour un mensonge », selon un éditorial publié il y a trois mois sur le site de Jackson, au moment où les Palestiniens commençaient une nouvelle campagne d’attentats contre les Israéliens.
« En Israël, l’attente pour les gauchistes juifs qui se haïssent eux-mêmes est qu’Israël ignore le terrorisme des Palestiniens », a écrit Ivin Lee. Faisant écho aux déclarations de King à l’assemblée rabbinique, il a écrit : « En [Israël et à Ferguson], les auteurs deviennent les victimes, et les vraies victimes sont ostracisées pour s’être protégées elles-mêmes ».
Comme le montre le jour férié national annuel commémorant l’héritage de King, la plupart des Américains s’accordent sur la centralité du leader du mouvement des droits civiques.
Sa position sur le conflit israélo-palestinien sera cependant débattue pendant les prochaines années – les deux parties continuant à l’utiliser comme figure de proue.
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