Macron inaugurera le Centre européen du judaïsme à Paris
Joël Mergui, qui a porté le projet jusqu'au bout, espère faire de ce lieu un atout dans la "lutte contre l'antisémitisme"
Après quatre ans de travaux, le Centre européen du judaïsme (CEJ), grand complexe à la fois culturel et religieux, qui se veut un « lieu d’échanges » pour « toutes les sensibilités juives » va voir le jour dans l’ouest parisien.
Mardi, à 18h, le président Emmanuel Macron viendra inaugurer ces 5 000 m2 de bâtiments : une synagogue de 600 places, des salles de spectacle et d’exposition, des espaces d’études et de conférences, une médiathèque, etc, dont l’aménagement est en cours et va se poursuivre dans les prochaines semaines.
Situé dans le XVIIe arrondissement de la capitale, aux abords de la toute nouvelle Place de Jérusalem proche du périphérique et de la porte de Courcelles, l’édifice est découpé en trois volumes à l’architecture distincte.
« Ce sera d’abord un lieu d’ouverture et d’échanges, qui permettra, au-delà de l’aspect religieux, de mieux connaître l’histoire, les fêtes, la culture, et toutes les nuances et sensibilités qui font les richesses de la communauté juive française », affirme à l’AFP Joël Mergui, président du Consistoire, l’instance représentative du judaïsme.
« Le CEJ offre de vastes espaces modulables pour satisfaire une demande d’équipements adaptés à tous les besoins, est-il détaillé sur le site du Consistoire. Le socle comprend un vaste hall d’accueil et d’exposition ainsi qu’un café et restaurant ouverts aux visiteurs. Non loin du mikvé, un jardin et des terrasses plantées sur toiture sont à la disposition du public, comme espaces de détente ou d’activités culturelles ou cultuelles. »
« S’y côtoieront à la fois des pratiquants très orthodoxes et des Juifs non pratiquants souhaitant venir ici par curiosité ou volonté de revenir aux sources », selon Mergui.
Le responsable communautaire, qui porte ce projet depuis plus de dix ans, se réjouit de l’avoir mené jusqu’au bout, malgré « les années troubles de 2012 et 2015 » – le traumatisme créé par l’attentat perpétré par Mohamed Merah dans une école juive à Toulouse en 2012 et la prise d’otages de l’Hyper Cacher dans l’Est parisien en 2015.
« Il y avait ceux qui voulaient faire leur alyah (le « retour » en Israël, qui a concerné 30 000 Juifs en France pendant la dernière décennie, ndlr). Moi je voulais montrer que la communauté croyait en son avenir », souligne-t-il. « Contrairement à beaucoup de synagogues cachées dans des petites rues – celles de la Victoire, de Nazareth ou de la rue Buffault à Paris – ce lieu est ouvert sur une place. C’est symbolique mais important », dit-il.
« Dans ces temps douloureux du terrorisme et de l’antisémitisme, ce tout nouveau Centre européen du judaïsme, est une forme de résistance, une volonté de faire vivre notre communauté, de la faire rayonner et de l’ouvrir sur le quartier, sur Paris et sur l’Europe », a-t-il expliqué.
Il espère par ailleurs faire de ce lieu une « vitrine du judaïsme européen » – des échanges entre communautés juives de différents pays d’Europe sont prévus -, ce qui sera un atout dans la « lutte contre l’antisémitisme ».
Sur son site, le Consistoire explique que l’endroit aura pour mission de répondre à « trois enjeux majeurs aux niveaux local, national et européen : défendre l’avenir du judaïsme ; en transmettre l’héritage spirituel ; contribuer au ‘vivre ensemble’ ».
Evaluée à un peu moins de 500 000 personnes, la communauté juive française est la première d’Europe.
15 millions d’euros
Le bâtiment, qui accueillera aussi une partie des bureaux du Consistoire, a coûté « 15 millions d’euros hors taxes », indique M. Mergui. « Trois millions proviennent des pouvoirs publics (2 millions octroyés par l’Etat sous le quinquennat Sarkozy, 1 million de la région). Cinq millions sont issus de fondations (Edmont J.Safra, Rothschild, Patrick et Lina Drahi, Mémoire de la Shoah), trois millions de mécènes et donateurs privés, le reste est financé par des emprunts. Des bulletins de souscription sont toujours disponibles, permettant à ceux qui le souhaitent d’apporter leur soutien. Les donateurs qui apportent plus de 10 000 euros bénéficieront d’une pierre gravée à leur nom dans le hall d’accueil.
Le terrain de 1 650 mètres carrés sur lequel a été construit le centre a été mis à disposition du Consistoire par la ville de Paris il y a plusieurs années.
Le centre est situé dans un quartier « où on se sent bien » et « qui garantit un exercice serein de notre foi », affirme le grand rabbin Haïm Korsia, qui y vit et constate un « dynamisme des communautés ».
Depuis plusieurs années déjà, le XVIIe arrondissement, plutôt cossu, et sa proche banlieue (Levallois) attirent une communauté juive diverse – ashkénaze, séfarade – qui trouve écoles, commerces et restaurants casher. Son maire (LR), Geoffroy Boulard évalue cette population à « environ 40 000 à 42 000, sur les 173 000 habitants » dans son arrondissement. Une donnée toutefois non confirmée par le Consistoire.
Non loin de là, à Courbevoie, une synagogue de 200 personnes a été inaugurée au début de l’été. Une nouvelle doit ouvrir prochainement dans le 18e arrondissement de Paris. À Boulogne-Billancourt, un Centre culturel juif est en construction.
Il reste « un défi, maintenant », remarque Joël Mergui : « faire vivre le CEJ » sur la durée.
Sera-t-il ouvert à d’autres courants tel que le mouvement libéral, minoritaire en France, mais dominant dans le monde anglo-saxon ? « Tout le monde est bienvenu », assure M. Mergui. Les rabbins de la synagogue du CEJ seront toutefois « de tradition consistoriale », donc orthodoxes.
Gad Weil, co-président de « Judaïsme en mouvement » (libéral) espère en tout cas qu’il « deviendra ce lieu du dialogue entre toutes les branches du judaïsme ».