Cela aurait dû être l’une des semaines les plus calmes et les plus festives de la bande de Gaza. Mercredi, le Hamas doit remettre le contrôle des postes-frontières à l’Autorité palestinienne (AP) dirigée par le Fatah, dans le cadre de l’accord de réconciliation.
Avec une délégation de responsables égyptiens qui doit venir dans la bande de Gaza dans les prochains jours, les postes-frontières d’Erez et de Kerem Shalom doivent officiellement être cédés au contrôle de l’AP, la première étape concrète de l’accord de rapprochement entre les factions rivales du Hamas et du Fatah.
Même si ce transfert de pouvoir n’est pas particulièrement spectaculaire puisque les forces de l’AP, et non du Hamas, gèrent déjà les deux postes-frontières, le geste symbolique était dans une certaine mesure le signal d’une nouvelle ère à Gaza.
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Ceci, jusqu’à ce qu’Israël détruise lundi un tunnel terroriste actif s’étendant de l’enclave côtière au sud d’Israël, tuant deux cadres du Jihad islamique, groupe terroriste palestinien, et au moins cinq autres personnes.
Soldats israéliens en patrouille près de la frontière entre Israël et la bande de Gaza, au niveau du kibboutz Kissufim, le 30 octobre 2017. (Crédit : Menahem Kahana/AFP)
La décision d’Israël de faire exploser le tunnel près du kibboutz Kissufim à la frontière a instantanément changé la conversation dans la bande de Gaza. Au lieu de parler unité, réconciliation et situation économique améliorée, les Gazaouis parlent à nouveau de martyrs, d’intensification des hostilités, et de tunnels.
Il semble que l’enclave côtière refuse d’abandonner ses mauvaises manières – Gaza sera toujours Gaza.
L’opération israélienne était sans aucun doute justifiée. La démolition d’un tunnel d’attaque terroriste a été menée sur le territoire israélien, montrant clairement que le tunnel était un acte d’agression du groupe terroriste du Jihad islamique, qui a creusé jusqu’en Israël dans l’objectif de mener à un moment des attaques terroristes.
Il est difficile de trouver une meilleure raison, ou une raison plus légitime, pour qu’Israël agisse.
Cependant, en conséquence de la destruction du tunnel, sept terroristes ont été tués, et 12 autres blessés (au dernier bilan), soulevant la possibilité que le Jihad islamique réponde par des tirs de roquette contre Israël. La réaction israélienne à un tir de roquette serait prompte, et le Hamas serait probablement alors impliqué.
Soldat israélien devant une batterie du Dôme de Fer déployé au niveau du kibboutz Kissufim, près de la frontière gazaouie, le 30 octobre 2017. (Crédit : Menahem Kahana/AFP)
D’une part, il semble que le Jihad islamique a toutes les raisons dont il a besoin pour chercher à se venger de l’attaque contre ses hommes. Le nombre de morts est le plus élevé pour les Palestiniens depuis la fin de l’opération Bordure protectrice de 2014.
D’autre part, le groupe terroriste a de nombreuses raisons de ne pas répondre, et d’abord et avant tout celle de la pression exercée par le Hamas.
La réconciliation ou la guerre ?
L’organisation terroriste du Hamas, qui règne sur la bande de Gaza, ne veut pas d’intensification des hostilités maintenant. Elle veut la réconciliation avec l’Autorité palestinienne.
Yahya Sinwar, le chef du Hamas dans la bande de Gaza, et ses collègues ne cachent pas le fait qu’ils veulent parvenir à trois objectifs dans un futur proche : le calme, le calme, et encore le calme. Et sans le soutien du Hamas et un réel prétexte pour la guerre, il est peu probable que le Jihad islamique ne se précipite pour plonger deux millions de Gazaouis dans une autre guerre.
Malgré la colère après la mort des terroristes, ceux qui vivent dans l’enclave côtière, comme les dirigeants du Jihad islamique, savent qu’ils n’ont pas de réelle raison de réagir maintenant, sinon que de relâcher la pression. Ils savent qu’Israël a agi au sein de ses propres frontières, et tentait d’empêcher une attaque terroriste du Jihad islamique. L’organisation terroriste paie le prix de ses propres actions.
Des membres du Jihad islamique pendant les funérailles d’un membre du groupe terroriste tué dans l’effondrement d’un tunnel, à Khan Younes, dans le sud de la bande de Gaza, le 19 juillet 2016. (Crédit : Abed Rahim Khatib/Flash90)
Un autre facteur rend la guerre plus improbable et permet à de nombreuses personnes en Israël et dans la bande de Gaza de pousser un soupir de soulagement : ce n’est pas un tunnel terroriste du Hamas, même si deux des morts étaient des membres de l’unité navale du groupe terroriste.
Selon le Hamas, les deux hommes tentaient de libérer ceux qui étaient piégés dans le tunnel et suffoquaient en raison des gaz toxiques libérés dans le passage souterrain.
Le Hamas n’affronte néanmoins aucune pression des Palestiniens gazaouis pour une réponse. Au contraire, le peuple de Gaza veut le calme, une amélioration de sa situation économique, et l’unité. Une attaque du Jihad islamique maintenant ne servirait pas ces objectifs.
Que savait Tsahal ?
La réponse cryptique d’Israël pose aussi de nombreuses questions. Quelle est exactement la nouvelle innovation technologique vaguement citée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu qui a permis à Israël de localiser le tunnel ? Si c’était un tunnel construit par le Jihad islamique, combien d’autres tunnels d’attaque du Hamas dont Israël connaît l’existence ?
L’opération était-elle une tentative d’envoyer un message aux Palestiniens et au Hamas sur ce qui arrivera à ceux qui tentent d’infiltrer Israël via des tunnels ?
Que faisaient dans les tunnels deux agents du Hamas, membres de son unité d’élite ?
Membres du Jihad islamique préparant un tir anti-missile contre les forces israéliennes déployées à la frontière gazaouie dans une vidéo de propagande du groupe terroriste. (Crédit : capture d’écran YouTube/Brigades Al-Quds)
La destruction du tunnel visait-elle à contrecarrer une attaque terroriste en particulier, en l’étouffant dans l’œuf ?
Israël savait-il qu’il y avait des agents terroristes dans le tunnel, dont Arafat Abu Murshad, le commandant du centre de Gaza du Jihad islamique, et son adjoint Hassan Abu Hassanein ?
Un porte-parole de l’armée israélienne a indiqué que l’armée ne savait pas que quelqu’un était dans le tunnel.
Pour l’instant, il semble que les morts de deux cadres ne soient rien de plus qu’une coïncidence. Et ce ne serait pas la première fois qu’Israël et les Palestiniens se retrouvent dans cette position, pendant des négociations d’unité palestinienne.
En juin 2006, l’armée de l’air israélienne avait attaqué un camp d’entraînement du Comité de résistance populaire, un groupe terroriste dirigé par Jamal Abu Samhadan, ancien membre du Fatah et du Tanzim. Samhadan était par hasard dans le camp à ce moment, et avait été tué involontairement par les avions israéliens. Cet incident avait entraîné des discussions d’unité palestinienne sur la base du Document de conciliation nationale des prisonniers, publié par Marwan Barghouthi.
Quelques jours après, une attaque terroriste avait entraîné l’enlèvement du soldat israélien Gilad Shalit. Ceci avait mis fin aux négociations d’unité.
L’accord de réconciliation aura-t-il un destin similaire ? Ou le Jihad islamique sera-t-il capable de se contenir ?
Nous le saurons probablement dans les prochains jours.