Malgré le Brexit et Corbyn, l’alyah depuis le Royaume-Uni diminue
En 2018, 534 Juifs du Royaume-Uni sont venus en Israël contre 770 en 2015 ; pour l'Agence juive, l'immigration n'est "presque jamais motivée par un seul effet d'attraction"
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Malgré la période chaotique entraînée par la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne – perpétuellement reportée – et les scandales liés à l’antisémitisme qui ont éclaté dans le pays, les Juifs britanniques n’affluent pas en masse en Israël.
En fait, les chiffres de l’immigration dans l’Etat juif depuis le Royaume-Uni sont en baisse constante ces dernières années, ce qui peut paraître surprenant au vu de l’instabilité générée par le Brexit et la perspective d’un remplacement de Theresa May au poste de Premier ministre par le chef de l’opposition et dirigeant du Labour Jeremy Corbyn – fervent critique d’Israël qui a été accusé d’antisémitisme.
Selon les chiffres de l’Agence juive, 534 Juifs britanniques ont immigré en Israël en 2018 contre 550 en 2017. En 2016 – année du référendum sur le Brexit, qui avait déterminé la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne – 729 Juifs britanniques avaient fait leur alyah, un chiffre encore une fois légèrement inférieur à celui de l’année antérieure (770).
Cette année, une fois encore, l’émigration en provenance du Royaume-Uni semble être en baisse. Au cours des deux premiers mois de 2019, 60 Juifs britanniques se sont installés en Israël. Ils étaient 77 l’année dernière au cours de la même période.
Les responsables de l’immigration affirment que les prix bas du logement au Royaume-Uni sont un facteur déterminant dans cette baisse, les familles séduites par l’idée d’une nouvelle vie en Israël hésitant actuellement à vendre leurs biens immobiliers. Si les Juifs britanniques s’inquiètent de Corbyn, ils ne s’inquiètent pas dans la mesure où ce dernier est encore dans l’opposition, expliquent-ils.
« L’alyah n’est pratiquement jamais motivée par un seul effet de répulsion ou d’attraction », estime Yigal Palmor, responsable de l’unité des relations internationales au sein de l’Agence juive.
« C’est toujours un processus complexe qui implique toute une série de considérations personnelles. Les inquiétudes d’une communauté – sur l’antisémitisme ou autre – ne vont pas directement se refléter dans les chiffres de l’alyah. Le lien entre les deux est plus complexe que cela, en particulier dans la mesure où personne ne dispose de données fiables sur l’immigration juive dans des pays autres qu’Israël ».
En parallèle, un sondage rendu public au mois de septembre 2018 avait montré que presque 40 % des Juifs britanniques « songeraient sérieusement à l’émigration » si Corbyn devenait Premier ministre.
L’enquête d’opinion publiée par The Jewish Chronicle avait révélé que 38,53 % des Juifs « songeraient sérieusement à l’émigration » si le chef controversé du Labour devait faire son entrée au 10 Downing Street.
Selon des sondages plus récents, le Labour de Corbyn aurait le dessus sur le parti conservateur de May aux prochaines élections législatives.

Au mois de janvier 2015, quelques mois avant que Corbyn ne prenne la tête du parti travailliste, un sondage avait déterminé que seulement 11 % des Juifs britanniques songeaient à quitter le Royaume-Uni, avait noté le Chronicle.
Dans le sondage du mois de septembre 2018, les femmes étaient plus enclines à l’émigration que les hommes – 44 % contre 37,2 %. Et plus de la moitié (50,83 %) des Juifs âgés de 35 à 54 ans disaient qu’ils réfléchiraient sérieusement à l’émigration si Corbyn devenait Premier ministre.
L’enquête d’opinion avait donné un poids supplémentaire à des propos prononcés par Lord Jonathan Sacks, ancien Grand-rabbin du Royaume-Uni, qui avait déclaré dans une interview qu’avec l’ascension de Corbyn, les Juifs faisaient face à une « menace existentielle » et qu’un grand nombre d’entre eux réfléchissaient à partir.
« Quand on entend le type de langage émanant du Labour, apparu dans les discours antérieurs de Jeremy Corbyn, il n’y a pas d’autre alternative que d’avoir le sentiment d’affronter une menace existentielle », avait déclaré Sacks à la BBC lors d’une interview diffusée à la radio à ce moment-là.
« Les Juifs se trouvent en Grande-Bretagne depuis 1656 et je ne me souviens pas d’une autre période, au cours de ces 362 années, où les Juifs – la majorité au sein de notre communauté – ont pu se demander si ce pays était suffisamment sûr pour y élever leurs enfants », avait-il ajouté. « C’est très, très inquiétant aujourd’hui ».
Le sondage effectué auprès de 710 Juifs avait été réalisé entre le 13 août et le 4 septembre par Survation. Ces trois semaines avaient été marquées par la révélation de discours profondément hostiles à Israël et au sionisme prononcés par le leader du Labour, ainsi que par celle d’un dépôt de gerbe par Corbyn dans un cimetière tunisien où des terroristes impliqués dans le massacre des Jeux olympiques de Munich, en 1972, avaient été inhumés.
Depuis, Corbyn doit affronter un torrent d’accusations d’antisémitisme le visant directement, ainsi que d’autres membres du parti travailliste.
Au début du mois, il est apparu qu’il avait admis que des preuves d’antisémitisme au sein de la formation avaient pu être « égarées, ignorées ou non utilisées ». Un enregistrement ayant fuité a révélé par ailleurs que son bureau était intervenu dans au moins 101 plaintes portant sur la haine anti-juive au Labour.
Selon le Sunday Times, il aurait tenu ces propos au cours d’une rencontre organisée au mois de février avec Dame Margaret Hodge, députée juive qui avait été la cible d’attaques antisémites et qui avait qualifié Corbyn, l’année dernière, « d’antisémite et de raciste » – ce qui lui avait valu des sanctions disciplinaires, ultérieurement abandonnées.
Le journal notait que ces propos constituaient la toute première fois que Corbyn exprimait des doutes sur la capacité du parti à s’attaquer à l’antisémitisme en son sein, un an après que Jennie Formby – alliée du chef du parti et secrétaire-générale de la formation – a été nommée à la tête de l’équipe de supervision des plaintes portant sur la haine anti-juive.
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.