Malgré les proches tunnels du Hezbollah, un village galiléen attend Noël, serein
Fassuta, au sud de la frontière libanaise, accueille son marché annuel de Noël dont le charme attire des dizaines de milliers de visiteurs
FASSUTA, Israël – A seulement quelques kilomètres au sud de la frontière libanaise et de l’opération menée par l’armée israélienne contre les tunnels d’attaque du Hezbollah, le village chrétien israélo-arabe de Fassuta se prépare pour sa fête annuelle de Noël qui devrait attirer des milliers de visiteurs.
Rencontrant le Times of Israel quelques jours avant Noël, le père Michael Assi, pasteur de l’église Mar Elias dans le village, affirme que l’arbre de Noël imposant placé devant la porte est le plus grand en terre sainte – plus grand encore que celui de Bethléem, la destination la plus populaire des pèlerins qui viennent y passer les fêtes.
Alors qu’il est difficile d’avoir le même pouvoir d’attraction qu’à Bethléem, il faut toutefois noter que les invités d’Assi joueront pour leur part d’un point de vue sans pareil sur les collines du Liban.
La communauté d’Assi, en Haute-Galilée, est à seulement 3,5 kilomètres de la Ligne bleue de séparation entre Israël et le Liban qui a été décidée par l’ONU en l’an 2000. Ici et tous les ans depuis 2013, un marché de Noël attire des milliers de visiteurs venus de tout Israël.
« Les 3 400 habitants de Fassuta sont des chrétiens melkites », explique Rima Francis, représentante du conseil municipal de Fassuta, au Times of Israel au cours de notre récente visite. « Il y a cinq ans, le conseil a eu l’idée d’un marché de Noël qui montrerait aux touristes et aux résidents des environs – musulmans et Juifs en majorité – comment cette fête est célébrée dans notre village chrétien ».
La fête, appelée « Christmassuta », est organisée cette année du 27 au 29 décembre. Elle est l’une des plus réussies du secteur depuis sa toute première édition où elle avait réuni à peu près 25 000 Israéliens de tous âges et de toutes confessions.
Les habitants de Fassuta travaillent pendant des semaines pour s’assurer que l’événement sera un succès, en coordination étroite avec la police israélienne pour garantir la sécurité.
Leur investissement est évident : La rue Al-Zaqaq, recouverte de pavés et qui traverse le plus ancien quartier du village, est ornée de décorations rouge et or. C’est également à cet endroit que seront dressées les étals du marché, comme c’est le cas tous les ans.
Francis note que pendant cette fête de trois jours, les visiteurs sont accueillis avec des plats de Noël typiques préparés par les habitants. Cette année aussi, ajoute-t-elle, les touristes pourront faire des visites du village ou découvrir des expositions culturelles, notamment des représentations de danses folkloriques qui auront lieu dans le chapiteau traditionnel installé sous l’arbre de Noël, qui peut accueillir 1 000 personnes.
En 2017, le village a été pris d’assaut par 60 000 visiteurs. Cette année, les organisateurs en attendent encore davantage, précise Francis, qui souligne que le tourisme ne semble pas avoir été touché par l’opération Bouclier du nord en cours – la destruction par l’armée israélienne des tunnels d’attaque creusés sous la frontière par le Hezbollah.
Plutôt que d’évoquer les tunnels, Francis préfère se concentrer sur les arrangements pris par le conseil municipal pour l’accueil des visiteurs. Ces initiatives ont compris une coordination avec les villes et villages alentours, poursuit-elle.
« Noël est notre chance d’attirer les touristes », s’exclame-t-elle, expliquant qu’une minutieuse organisation est la clé de la réussite de l’événement.
Une île de prospérité
Fassuta a connu des développements massifs au cours des dernières décennies et affiche dorénavant l’un des niveaux de vie les plus élevés parmi les villages arabes israéliens, selon le Bureau central des statistiques et la Banque d’Israël, qui mènent une étude conjointe évaluant le niveau de vie moyen par foyer des localités de tout le pays, le notant sur une échelle de un à dix.
Francis dit que les secteurs juifs favorisés obtiennent généralement un score de neuf ou dix tandis que Fassuta – dont le revenu double par foyer atteint le niveau respectable minimum de 20 000 shekels par mois – s’est petit à petit élevé à sa note actuelle de six. Les villages arabes israéliens, en moyenne, obtiennent un score de deux ou trois.
Francis attribue la relative prospérité de Fassuta à ses niveaux d’éducation élevés. La majorité des jeunes résidents du village passent des diplômes ou un doctorat à l’université, et, que ceux qui travaillent fassent l’aller-retour quotidien à Haïfa ou qu’ils passent leurs semaines dans cette région centrale riche en technologies, la majorité des habitants continue à conserver une résidence à long-terme à Fassuta.
De plus, ajoute Francis, une gestion efficace des fonds gouvernementaux « nous a aidés à beaucoup nous développer parce que le conseil s’est consacré à l’amélioration des infrastructures et à la création des activités culturelles », dit-elle.
Parmi ces activités, des cours d’anglais et d’art fréquentés par plus de 110 élèves à « Beit Rima », qui joue un rôle central dans la vie culturelle communautaire.
Ce centre culturel a été fondé il y a trois ans par Rima Khoury, professeure d’anglais et créatrice de mode qui a vécu à Haïfa et Londres avant de s’installer à Fassuta, où elle allait rendre visite à ses grand-parents, le week-end, quand elle était enfant.
« Je voulais que Fassuta soit tel que je l’avais connu dans mes souvenirs d’enfance lorsque je venais d’une ville éloignée dans les montagnes du nord d’Israël », dit Khoury, montrant à un groupe de journalistes l’endroit où son père a grandi.
Il y a trois ans, elle a transformé la maison en centre culturel, en galerie d’art et – plus important – en foyer pour les villageois et aussi pour les visiteurs.
Les plus jeunes en particulier, raconte-t-elle, font vivre Beit Rima en y exposant des oeuvres artistiques que Khoury montre fièrement à l’assistance. A côté d’elle, des photos de sa famille sont pendues au mur, jouxtant un sapin de Noël scintillant – qui rappelle que très spécialement pendant cette période de l’année, le bâtiment sert aussi de centre communautaire.
« Noël, c’est la paix, l’amour et la joie », dit Khoury, disant les trois mots-clés d’une fête marquée par la générosité. « Donner, c’est également recevoir et c’est là toute l’intention de cette maison », ajoute-t-elle.
L’année dernière, la porte de Beit Rima est restée ouverte pendant toute la durée du marché de Noël. Ce qui a entraîné un tel intérêt de la part des visiteurs que, cette année, ces derniers devront programmer leur venue.
Des élèves de Khoury, Roy Saba et Anwar Jereis, tous deux âgés de 18 ans, sont également présents. Voudront-ils quitter le village après le lycée qui se trouve dans la ville voisine de Maalot-Tarshiha ? A cette question, ils répondent qu’ils « veulent rester » à Fassuta et « maintenir la communauté rassemblée ».
« Arabe mais pas musulman, Israélien mais pas Juif »
Avec sa soutane noire qui contraste avec les icônes dorées de l’église, Assi explique que Fassuta ne possède que peu de cabinet médicaux, une poste, une école élémentaire et l’église « qui joue un rôle essentiel dans la cohésion de la communauté ».
« Fassuta est la dernière communauté chrétienne en Israël avant d’atteindre le Liban », explique Assi, estimant qu’environ 70 % des villageois se considèrent comme religieux et assistent aux offices. Il ajoute que le dimanche, les 400 sièges de l’église sont occupés.
La congrégation est affiliée à l’église catholique grecque melkite, qui s’est séparée de l’église grecque orthodoxe en 1724 et représente 60 % des chrétiens israéliens aujourd’hui.
« Je suis arabe, mais pas musulman : Israélien mais pas juif, catholique mais pas latin », a dit Assi, résumant l’identité complexe de la communauté.
C’est une identité qui se développe en continu depuis que les premiers chrétiens se sont établis dans le secteur il y a environ 500 ans, fuyant les persécutions turques en Syrie et au Liban.
Le résident local et guide touristique Munir Najjar raconte cette longue histoire, assis sur un sofa dans le salon tout en couleurs de son habitation. Selon la légende locale, Fassuta a été fondé par un soldat grec qui s’y était établi après avoir traversé la méditerranée. Les Romains, les Byzantins et les Ottomans ont alors suivi, explique Najjar, 67 ans et qui, en 1972, est devenu le tout premier arabe israélien a devenir guide touristique accrédité.
Aujourd’hui, Fassuta est presque entièrement chrétien melkite. Le petit nombre de familles druzes et musulmanes qui vivaient là ont choisi de vendre leurs terres aux chrétiens – un grand nombre de résidents du village cultivaient dans le passé du tabac – et de chercher la prospérité économique dans les grandes villes.
Interrogé sur la loi sur l’Etat-nation qui a été approuvée par la Knesset au mois de juillet dernier et qui stipule qu’Israël est « le foyer national du peuple juif » en omettant l’engagement de l’Etat en faveur de l’égalité pour tous les citoyens, Najjar estime que le texte est « inéquitable et injuste ».
« Je veux que cet Etat redevienne ce qu’il était à l’époque de [David] Ben-Gurion. Il avait dit que l’Etat devait traiter à égalité tout le monde, notamment les druzes, les musulmans et les chrétiens », explique Najjar qui ajoute que son passeport israélien ne fait aucunement référence à sa religion.
Critiquant encore davantage le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui est actuellement ministre de la Défense, Najjar dit que les résidents du nord d’Israël connaissaient l’existence des tunnels d’attaque du Hezbollah bien avant qu’ils ne soient officiellement découverts. Netanyahu profite de la question pour des gains politiques, accuse-t-il.
De telles opérations militaires ne sont pas rares dans la région. En 2006, pendant la Seconde guerre du Liban, se rappelle Rima Francis, Fassuta avait servi de centre de déploiement pour les troupes israéliennes en route vers le Liban.
Les villageois plus âgés – qui passent de longues heures à jouer aux cartes dans un club pour les Seniors, sous la direction d’Adela Matar – se souviennent même de l’arrivée des soldats israéliens au village en 1948, durant la guerre d’Indépendance. Assi raconte qu’alors que les militaires approchaient, ce sont ces citoyens – qui étaient alors des enfants – qui, grimpant sur le toit de l’église Mar Elias, avaient brandi un large drapeau blanc.
Cette semaine, les habitants espèrent voir le toit de l’église une nouvelle fois parsemée de blanc – celui de la neige pour Noël.
Yaakov Schwartz a contribué à cet article.
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