Mickaël Bensadoun, lanceur de projets
Ce natif de Rabat a mis sur les rails et dirigé Gvahim, la principale association d’aide à l’emploi pour les olim diplômés
Avant de s’attabler dans un café de la rue Arlozoroff avec Mickaël Bensadoun, nous croisons quelques-uns des milliers de coureurs aux maillots jaunes. Ce soir-là à Tel Aviv, c’est le « Night Run » : une course de 10km de nuit en plein cœur de la ville.
Mickaël Bensadoun aurait pu faire partie de cet événement, lui qui depuis son alyah en 2001 court après les projets et s’est investi dans plusieurs qui concernaient les olim français. Plus particulièrement avec Gvahim, l’association qu’il a dirigée pendant 7 ans. Celle-ci permet à des olim diplômés de pouvoir rapidement rentrer dans le monde du travail israélien : « 80 % des olim trouvent un emploi de qualité au bout d’un an après être passés par nos services » assure Bensadoun.
35 ans, marié avec une Israélienne et papa de deux jeunes garçons, Ariel et Imri, rien pourtant ne prédestinait Mickaël Bensadoun à vivre à Tel Aviv, à côtoyer des ministres, à participer à la création d’un lycée franco-israélien et à s’occuper d’alyah…
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Servir la France ?
Enfance au Maroc. Ecole française, laïque : « Je me sentais très Français et très Juif malgré un rapport éloigné avec la religion, » confie Mickael Bensadoun. Après le lycée Lyautey, il sait qu’il veut rejoindre la France comme tant d’autres Juifs de Casablanca. Scolarité brillante. Après sa mention Très Bien au Bac, il choisit de rentrer à Sciences-Po « pour servir la France ». Pourquoi ? « Peut-être un héritage du côté paternel, d’Algérie, très républicain… »
Sciences-Po représente le premier choc culturel : « En arrivant en France, j’ai senti en tant que Juif la double allégeance » se rappelle celui qui rêvait d’aller au Quai d’Orsay « pour faire bouger les choses ».
L’étudiant choisit logiquement la section Service Public mais il ne se sent pas très à l’aise avec le côté parfois guindé et protocolaire de l’école de la rue St Guillaume. Il décide en dernière année de faire un semestre d’étude en « Politique Internationale » aux Etats-Unis.
« En arrivant en France, j’ai senti en tant que Juif la double allégeance »
Direction la côte-Est à Providence dans le Rhode Island. Brown University. Nouvelle claque : « J’ai rencontré là-bas un groupe de Juifs américains. Ils avaient la kippah. Ils étaient super libérés et ils allaient tous en cours d’hébreu ». Bensadoun s’inscrit donc à la fois en cours d’hébreu et en cours d’arabe, une langue qu’il avait pratiquée au Maroc. Le cours d’hébreu est une révélation. Ainsi que la rencontre avec une professeur israélienne au nom tout prédestiné… Ruth Ben Yehuda ! « Cela a été le point de départ : cette femme m’a donné envie d’apprendre l’hébreu, et je crois aussi de partir en Israël ! »
L’aventure israélienne
Nous sommes en 1999. Diplôme de Sciences-Po en poche, Mickaël Bensadoun vient de mettre au placard ses rêves de haut fonctionnaire. Il s’inscrit en hébreu à l’INALCO en attendant de préparer un semestre à l’Université Hébraïque de Jérusalem. Dans le but de découvrir Israël, un pays où il ne s’était rendu qu’une seule fois dans le passé.
Arrivé sur les hauteurs du Mont Scopus, il trouve un pays avec une liberté qu’il ne ressentait ni en France, ni au Maroc. Commence alors une période qu’il décrit comme « romantique » : « c’était une sorte de teshouva par rapport à Israël [teshouva signifie normalement retour à la religion] » se rappelle Bensadoun. « D’abord, je bossais l’hébreu comme un fou. Je voulais faire quelque chose ici, réaliser des projets. Je me disais que si j’y arrivais je serai l’homme le plus heureux du monde ! ».
Après ces six mois intenses, il repart aux Etats-Unis parce qu’il se dit « qu’en Israël, Sciences-Po, personne ne comprendra ce que ça veut dire… ». Il intègre un Master à l’école de Relations Internationales de la prestigieuse Columbia University. Mais Bensadoun est déjà ailleurs dans sa tête : il poursuit les cours d’hébreu sur le campus new-yorkais, n’écoute que de la musique israélienne et… ne pense qu’à l’alyah.
Je voulais faire quelque chose ici, réaliser des projets. Je me disais que si j’y arrivais je serai l’homme le plus heureux du monde ! »
Ce n’est qu’en août 2001 qu’il arrive en Israël… Il a alors 22 ans et décide de terminer son cursus par un doctorat à l’université de Bar Ilan avec une bourse qu’il réussit à obtenir. Il voulait travailler sur la politique en Israël… « trop bouché » lui dit Ilan Greilsammer, son directeur de thèse. Le sujet sera donc « La construction de l’identité nationale marocaine ». Une sorte de retour aux sources.
« J’ai aimé ce sujet. J’ai pu revenir au Maroc et découvrir la culture berbère. Je me suis dit que sur plein d’aspects j’étais passé à côté du Maroc. Mais à côté de ma thèse, j’avais toujours envie de m’investir dans quelque chose pour Israël mais je ne savais pas encore dans quoi »…
« Yazamout » [« Initiative »]
Bensadoun, installé à Givat Shmuel depuis ses études à Bar Ilan, cherche alors sa mission. Il est jeune et plein d’énergie, il est bardé de diplômes, il parle hébreu parfaitement. Soit. Mais il ne sait pas vraiment comment s’y prendre. Il n’a pas encore de réseau (élément souvent crucial en Israël…). Et cette situation dure pendant des mois.
Pourtant, une rencontre, à l’aéroport Ben Gourion, va s’avérer déterminante : celle du directeur de la Fondation Rashi, Elie Elalouf. La Fondation Rashi gère une multitude de projets, Mickaël Bensadoun sera son homme pour les projets francophones.
Il commence par le début : bénévole, puis stagiaire, puis salarié. Il touche à beaucoup de projets, aide à lever des fonds, rencontre des donateurs, s’occupe des programmes destinés à l’aliyah de France, prend en charge des programmes spécifiques comme ceux qui s’adressent à de jeunes Juifs français des quartiers défavorisés.
Bensadoun a l’opportunité de diriger la création du lycée franco-israélien de Holon aux côtés d’Eva Labi de l’Alliance Israélite Universelle : il coordonne la construction du lycée, accueille les familles, recrute l’équipe dirigeante, organise les réunions. Le lycée compte aujourd’hui près de 300 élèves. Il participe aussi au « Projet Grandes Ecoles », un projet qui a pour but d’intégrer les diplômés de grandes écoles, un projet à partir duquel va naître Gvahim.
Le projet Gvahim (« les hauteurs »)
En 2006, Bensadoun rencontre l’homme d’affaires Eli Ayalon. Celui-ci veut faire quelque chose pour l’emploi. « Je voyais qu’il y avait un besoin. Il y avait des diplômés en particulier parmi les Français, et leur réussite en Israël n’était pas gagnée. Il y en a même qui revenaient, » assure Bensadoun. « Invite quelques olim pour une soirée de brainstorming, et moi de mon côté, je me charge de faire venir des hommes d’affaires ! » lui annonce tout-de-go Ayalon.
Pour cette réunion, Eli Ayalon fait venir entre autres son ami Yaïr Shamir, le fils de l’ancien Premier ministre Yitzhak Shamir. Celui qui est actuellement le ministre de l’Agriculture en Israël était, durant cette période, le président des industries aéronautiques israéliennes. « J’étais surexcité de voir comment des gens aussi haut placés étaient capables de s’investir pour ce type de projets » se rappelle Bensadoun.
L’association Gvahim est créée en 2008 : elle a pour but de donner tous les outils possibles – conseils, formations, réseautage – aux olim diplômés qui veulent s’intégrer professionnellement et obtenir un emploi de qualité.
« J’étais surexcité de voir comment des gens aussi haut placés étaient capables de s’investir pour ce type de projets »
Moment mémorable pour Bensadoun, la soirée de lancement de Gvahim, le 5 novembre 2009, réunit Yaïr Shamir, qui devient son mentor, et surtout le Président de l’Etat, Shimon Peres qui a fait le déplacement. Pour couronner le tout, l’animateur de la soirée est un certain… Yaïr Lapid ! C’est Bensadoun qui doit annoncer : « Le Président est là ! » mais surtout « Shimon Peres et Yaïr Shamir, c’était l’homme de gauche et l’homme de droite, unis pour la alyah ! » se rappelle avec un brin de nostalgie celui qui allait devenir directeur exécutif de Gvahim.
L’association qui a commencé avec 20 personnes, essentiellement des Français, compte à l’heure actuelle 1 000 anciens [qu’elle qualifie d’« alumni » comme dans les universités américaines…]. En se rendant dans ses locaux de Ramat Aviv, en face de l’Université de Tel Aviv, on peut effectivement rencontrer un ingénieur aéronautique mexicain, un informaticien français, un consultant financier australien, une chef de projets argentine et même un israélien du milieu high-tech qui revient au pays après plus de 20 ans dans la Silicon Valley !
Même si tous sont loin de parler hébreu parfaitement [il faut en revanche parler anglais impérativement], Gvahim leur fait rencontrer des consultants en ressources humaines, des professionnels dans leur domaine, et les ouvre à son réseau. L’association a réussi à tisser des relations avec des entreprises de tous les secteurs en Israël et enjoint ses anciens membres à parrainer les futures recrues.
Au moment où Gvahim ouvre des bureaux à Jérusalem et met en place des projets novateurs [un accompagnement est prévu par Skype dès la France pour les futurs olim], son directeur exécutif annonce qu’il va se consacrer à d’autres projets : « Je me vois plus comme un lanceur de projets que comme un gestionnaire classique » estime-t-il.
Alors quelle est la nouvelle frontière de Mickaël Bensadoun ? S’il caresse l’idée de rentrer un jour dans l’arène politique israélienne, son prochain projet – encore secret – se déroulera autour de l’essor économique des villes de développement du Negev. Un peu sur les traces de Ben Gurion…
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