Mobilisation pro-palestinienne à Sciences Po : le gouvernement va saisir la justice
Mardi matin, une centaine d'étudiants ont occupé l'amphithéâtre dans le cadre d'une "journée de mobilisation universitaire européenne pour la Palestine" et une membre de l'UEJF a été empêchée d'entrer ; Macron dénonce des propos "intolérables"

Gabriel Attal a annoncé mercredi devant le conseil d’administration de Sciences Po que son gouvernement allait saisir la justice, via l’article 40 de procédure pénale, après que l’accès à un amphithéâtre a été interdit la veille à une étudiante de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) lors d’une mobilisation pro-palestinienne.
« Le gouvernement va aujourd’hui faire un article 40 pour contribuer à l’enquête et contribuer à la mobilisation des services pour déterminer ce qui s’est passé hier », a déclaré le Premier ministre selon des participants à l’échange.
Gabriel Attal, lui-même ancien étudiant de la prestigieuse école, a demandé des « sanctions extrêmement fermes ».
« Je pense que les Français s’interrogent très fortement et très profondément sur une forme de pente, de dérive, liée à une minorité agissante et dangereuse à Sciences Po », a-t-il également dénoncé, précisant qu’un « administrateur provisoire (allait) être nommé très prochainement (…) pour faire respecter toujours partout nos principes républicains ».
Plus tôt dans la journée, le président français Emmanuel Macron avait pour sa part dénoncé des propos « parfaitement intolérables ».
Lors du conseil des ministres, le chef de l’Etat « a rappelé avec clarté et fermeté sa position : oui, les établissements universitaires sont autonomes, mais cette autonomie ne justifie en aucun cas le moindre début de séparatisme », a déclaré la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot.
Mardi matin, une centaine d’étudiants ont occupé l’amphithéâtre principal de la prestigieuse école de sciences politiques, creuset des élites françaises, dans le cadre d’une « journée de mobilisation universitaire européenne pour la Palestine ».
Une étudiante de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) a alors « été empêchée d’accéder à l’amphithéâtre » où se tenait l’action, et « des propos accusatoires ont été prononcés (à la tribune, NDLR) à l’encontre » de l’association étudiante, a dénoncé Sciences Po sur le réseau social X.
« Ne la laissez pas rentrer, c’est une sioniste », tels sont les propos dénoncés par l’UEJF sur X.
Interrogé par l’AFP, Hicham, membre du Comité Palestine de Sciences-Po, réfute qu’une telle phrase ait été prononcée.
«Ne la laissez pas rentrer, c’est une sioniste»
Limite franchie à @sciencespo où le grand amphi est occupé. Les étudiants de l’UEJF y sont pris à partie comme juifs et sionistes.
Nous appelons à la levée immédiate du blocus et à des sanctions exemplaires contre ces étudiants. pic.twitter.com/mUi2b4P35y
— UEJF (@uejf) March 12, 2024
« Je trouve ça triste que des faits non vérifiés soient directement rapportés au président de la République », juge l’étudiant qui n’a pas souhaité donner son nom de famille. « Nous n’acceptons aucune forme d’antisémitisme. »
« Des témoins ont été entendus » par la ministre de l’Enseignement supérieur Sylvie Retailleau qui s’est rendue sur place mardi, selon Mme Thevenot qui a invité « la jeune étudiante qui a été victime de ces propos (…) à se présenter devant la justice. »
La direction de Sciences Po a annoncé saisir « la section disciplinaire en vue de sanctionner ces agissements intolérables », considérant auprès de l’AFP « que plusieurs lignes rouges ont été franchies ».
Selon une étudiante présente dans l’amphithéâtre interrogée par l’AFP, la jeune femme membre de l’UEJF a été empêchée d’entrer « pour des raisons de sécurité, parce qu’elle avait auparavant intimidé des étudiants pro-Palestiniens ». « Elle est la seule à n’avoir pu entrer. D’autres membres de l’UEJF ont assisté aux débats », a-t-elle affirmé, sous couvert d’anonymat.
« Limite franchie à Sc Po (…). Les étudiants de l’UEJF y sont pris à partie comme juifs et sionistes », a dénoncé l’association étudiante sur X, tandis que le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Yonathan Arfi, a déploré un « antisémitisme d’atmosphère ».
Le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a pour sa part parlé d’un « incident dérisoire », s’étonnant que l’affaire prenne une telle « ampleur médiatique nationale ».
Le député apparenté LFI, Aymeric Caron, a adressé mercredi sur X un « bravo aux étudiants de Sciences Po qui se mobilisent contre le génocide en cours à Gaza », tout comme la candidate LFI aux élections européennes, Rima Hassan, qui a apporté mardi sur X son « soutien à tous les étudiants-es et à toutes les facultés qui se mobilisent contre le génocide en cours. »
« Ce qui s’est passé a un nom : l’antisémitisme », écrit pour sa part Aurore Bergé, ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, également sur X.
Au moins 1 160 personnes, la plupart des civils, ont été tuées dans l’attaque perpétrée le 7 octobre par 3 000 terroristes du Hamas en Israël, selon un décompte établi par l’AFP à partir de sources officielles israéliennes. Les terroristes ont également pris en otage 253 personnes, pour la plupart des civils, et les ont emmenées à Gaza. Israël a réagi en lançant une campagne militaire dont l’objectif vise à détruire le Hamas, à l’écarter du pouvoir à Gaza et à libérer les otages.
Depuis le début du conflit, de prestigieuses universités américaines, notamment Harvard, sont la cible d’attaques, accusées de ne pas faire assez contre l’antisémitisme sur leurs campus.