Montpellier Danse : Avec « 2019 », Ohad Naharin ne laisse pas le spectateur indemne
Attendue depuis trois ans, la nouvelle création d’Ohad Naharin "un petit bout de Tel Aviv que nous apportons à Montpellier"", offre de l'émotion, de la sincérité et de la proximité
« Un petit bout de Tel Aviv » à Montpellier. Avec « 2019 », le chorégraphe israélien Ohad Naharin dévoile, au 42e festival Montpellier Danse, une pièce puissante, mêlant douceur et chaos, dans une scénographie au plus près des spectateurs.
Attendue depuis trois ans, la nouvelle création d’Ohad Naharin offre de l’émotion, de la sincérité et de la proximité.
« Cette pièce est un projet à part », a expliqué Ohad Naharin, en conférence de presse vendredi matin, quelques heures avant la première, précisant que la scénographie permet aux danseurs de « se sentir chez eux », dans un environnement qui leur est « familier ».
« Cette création est un petit bout de Tel Aviv que nous apportons à Montpellier », a-t-il ajouté.
Installés dans des gradins à même la scène, à l’Opéra Berlioz de Montpellier, les spectateurs se font face, juste séparés par un long plateau à l’allure de couloir.
Dans « 2019 », qui sera joué 14 fois à Montpellier Danse jusqu’au 1er juillet, les danseurs et danseuses livrent des chorégraphies à l’unisson, rompues par des solos très incarnés. Ensemble, ils respirent, se déséquilibrent, puis, l’instant d’après, se détachent les uns des autres, croisant le regard du public dans une rare promiscuité, jusqu’à finir sur leurs genoux.
Musiques traditionnelles en hébreu, heavy metal, chants arabes et musique pop : les contrastes d’ambiance sont saisissants et emportent danseurs et spectateurs dans de violentes envolées, régulièrement cassées par des vagues de douceur et de lenteur. « Il s’agit de dynamique, de texture, de chaos, de transformation », a révélé le chorégraphe.
« Je ne dis jamais aux danseurs ce qu’ils doivent ressentir. Par contre, j’aime leur créer un espace dans lequel ils peuvent ressentir », révèle celui qui a conçu la technique « Gaga », en référence au babillage d’un bébé, dont le principe est de réveiller une gestuelle primitive, originelle et vraie.
Au-delà des danseurs de sa compagnie, il éprouve régulièrement sa technique auprès du grand public.
« Quelque chose de chaotique »
En 2016, le chorégraphe avait fait l’objet d’un film, « Mr Gaga », de Tomer Heymann, incontournable pour saisir l’essence de son travail.
« Mes idées ne sont qu’un tremplin. Les danseurs me montrent ensuite des choses dont je n’aurais jamais imaginé qu’elles puissent exister », a souligné l’artiste, âgé de 70 ans, qui, neuf ans après avoir signé une pièce en hommage à sa mère, « Hora », dédie celle-ci à son père, disparu en 2018.
Enfant du kibboutz, passé par la School of American Ballet puis la Juilliard School à New York, Ohad Naharin a été formé par Martha Graham, papesse de la danse moderne et fondatrice, en 1964, de la Batsheva Dance Company. Il en a pris la direction artistique en 1990 jusqu’en 2018, avant d’en devenir le chorégraphe résident.
Depuis, il poursuit ses recherches et pousse ses danseurs dans les retranchements de leurs sentiments, afin d’en extraire le mouvement le plus pur, le plus sincère.
« En dansant, on permet à l’énergie de circuler, comme au sang de couler dans nos veines. La danse a quelque chose de chaotique, comme la nature. C’est impossible à décrire », a-t-il expliqué lors de la conférence de presse, ouverte au public. « Il ne faut pas avoir peur du chaos, il faut l’accepter, l’intégrer et cheminer avec lui. »
De « 2019 », le spectateur ne sort pas indemne.
Les images dansent encore longtemps dans la mémoire, une fois le rideau baissé. Pourquoi ? « Vous n’avez pas à le savoir », a distillé Ohad Naharin juste avant la première, « vous allez plutôt le vivre ».