Mort de Harry Reid, le leader de la majorité Démocrate aux liens juifs profonds
Reid, qui s'était battu pour pouvoir épouser sa femme, une juive, était un fervent soutien d'Israël et luttait contre l'antisémitisme
WASHINGTON (JTA) — Quand Harry Reid avait 19 ans, il avait voulu épouser Landra Gould. Mais les parents juifs de cette dernière avaient d’autres projets pour leur fille.
Reid, un boxeur – catégorie des poids moyens – s’était bagarré avec le père de Landra, dans le jardin des Gould. Il s’était ensuite enfui avec la femme qu’il aimait.
Le tempérament combatif de Reid devait bien lui servir, lui permettant de s’extraire d’une extrême pauvreté pour entrer dans la culture politique parfois violente du Nevada avant d’intégrer le Congrès américain, où il était devenu le chef de la majorité Démocrate qui devait piloter des législations majeures, y compris l’Affordable Care Act, la loi considérée comme la plus grande réalisation de l’ancien président Barack Obama.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
Reid s’est éteint mardi à l’âge de 82 ans à Henderson, dans le Nevada, une banlieue de Las Vegas. Il souffrait d’un cancer du pancréas.
Dans les semaines qui avaient suivi son mariage, Reid s’était réconcilié avec ses beaux-parents et il avait introduit des coutumes juives dans son foyer mormon. Il s’était rapidement fait des amis dans les communautés juives et pro-israéliennes, heureuses d’avoir un combattant à leurs côtés.
Ces liens avaient persisté après sa retraite. Dans les interviews, il n’hésitait pas à dire que l’une de ses plus grandes inquiétudes était l’essor de l’antisémitisme. Reid, dont l’influence devait rester déterminante dans la politique du Nevada pendant toute sa vie, avait choisi une ancienne présidente de synagogue, Jacky Rosen, pour s’aligner dans la course au sénat, en 2018. Elle avait gagné.
Reid s’était fait des amis Juifs au Nevada, des amis proches – en partie parce qu’il avait appris, petit à petit, à aimer les racines juives de son épouse mais aussi parce que c’était inévitable dans un État que les Juifs avaient aidé à fonder et à construire. Plus tard dans la vie, il avait porté la bague de son beau-père.
Reid avait commencé à acheter des obligations israéliennes dès le tout début de sa carrière. « Je lui disais : ‘Harry, tu ne peux pas te permettre de donner autant’, » avait raconté un de ses amis proches, Neil Galatz, à JTA en 2006, après la victoire des Démocrates au Congrès et la nomination de Reid au poste de leader de la majorité, un mandat qui devait durer huit ans. « Il répondait : ‘Je ne peux pas me permettre de ne pas le faire’. »
Reid était déjà un politicien aguerri quand il avait été élu à la chambre des Représentants, en 1982, puis au sénat, en 1986. Il avait 29 ans quand il était entré pour la toute première fois, en 1968, au parlement de l’État et il avait 32 ans quand il était devenu lieutenant-gouverneur. Son colistier était Mike O’Callaghan, qui avait été son entraîneur de boxe.
Il avait aussi commencé à construire des alliances politiques dans la communauté juive de Las Vegas. Shelley Berkley, qui devait devenir l’une des plus ferventes défenseuses d’Israël au Congrès, avait fait du porte-à-porte pour lui lorsqu’il s’était présenté comme député de l’état, en 1968.
« C’est un homme qui a grandi à Searchlight, dans le Nevada, dans une maison où le sol était sale et où il n’y avait pas de sanitaires à l’intérieur », avait-elle déclaré à la JTA en 2006. « Il épouse parfaitement les idéaux de l’Amérique : Peu importe d’où vous venez, vous pouvez grimper les échelons et devenir l’un des hommes les plus puissants du pays ». (Berkley, avec la bénédiction de Reid, s’était présentée au sénat, elle s’était inclinée de très peu face à Dean Heller qui avait ensuite été battu par Rosen en 2018).
Reid s’était présenté au sénat pour la toute première fois en 1974. Il avait perdu et le gouverneur O’Callaghan l’avait rapidement nommé membre de la commission des Jeux. Reid, qui ne buvait pas d’alcool, était mormon, haïssait le jeu – qui est pourtant très présent dans son état. En 1978, Reid, fou furieux, avait sauté sur une table et tenté d’étrangler Jack Gordon, un voyou qui lui avait offert un pot-de-vin.
Le voyou n’avait apparemment pas oublié. En 1981, Landra avait trouvé une bombe dans le break familial. A partir de ce jour-là, le couple devait faire démarrer la voiture à distance. Reid avait attribué la responsabilité de l’explosif à Gordon, un gangster juif qui avait été marié pendant une période à LaToya Jackson, une des sœurs de Michael. La police n’avait jamais réussi à prouver son implication.
Reid était un chef de file concernant les législations pro-israéliennes et il avait pris le temps, en 2010, en tant que leader de la majorité, de piloter les sanctions majeures en direction de l’Iran.
Cela avait été aussi l’année de l’insurrection politique du Tea Party. Les Républicains, qui méprisaient la pugnacité de Reid – qui qualifiait, à ce moment-là, le président américain George W. Bush de « loser » et de « menteur » – avaient cherché la guerre ouverte et ils avaient soulevé beaucoup d’argent pour son adversaire du Tea Party, Sharron Angle. (Reid s’était ensuite excusé pour avoir traité Bush de « loser« , ce qu’il ne devait jamais faire – et il s’en félicitait- concernant l’utilisation du qualificatif de « menteur ».)
Reid s’était alors tourné vers des donateurs pro-israéliens pour avoir de l’aide et ces derniers avaient répondu présent, aidant à son élection à ce qui devait être son dernier mandat.
« J’ai travaillé très dur pour la campagne de Harry Reid, et la communauté pro-israélienne lui a apporté un fort soutien », avait expliqué feu Lonny Kaplan, ancien président de l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee), à la JTA à ce moment-là.
Reid avait retourné la faveur, faisant les gros titres en 2011 quand il avait pris la parole lors de la conférence politique annuelle de l’AIPAC en critiquant l’appel lancé par Obama en faveur de la conclusion d’un accord de paix sur la base des frontières pré-1967.
Ce n’était pas la seule fois que Reid s’était aligné aux côtés de la communauté pro-israélienne contre les politiques mises en œuvre par l’administration Obama. En 2016, il avait rejoint cinq autres personnalités éminentes du parti Démocrate qui avaient critiqué l’administration pour son refus d’élargir les politiques anti-boycott aux produits fabriqués dans les implantations juives de Cisjordanie. Il s’était toutefois aligné sur Obama sur la différence la plus significative que l’ancien président avait avec la communauté pro-israélienne – la question du nucléaire iranien et l’accord conclu avec la république islamique.
Landra et Harry Reid devaient allumer des bougies pour Shabbat jusqu’à la mort des parents de cette dernière. Une mezouzah avait été installée sur la porte de leur habitation à Searchlight.
« Mes deux aînées ont beaucoup d’affection pour tout ce qui est Juif et mes trois enfants les plus jeunes savent quelle est l’origine de leur mère – et toutes sont très fières à l’idée de pouvoir prétendre à la citoyenneté israélienne », avait déclaré Reid au New Yorker en 2005.
Le départ de Reid du Congrès, en 2016, n’avait pas diminué son influence dans le Nevada. En 2016, alors qu’il allait partir, il avait fait sortir de l’ombre Jacky Rosen, développeuse de logiciels à Henderson et présidente de synagogue dans le Nevada, qui s’était présentée dans la course à la chambre des représentants américaine.
Elle l’avait emporté et deux années plus tard, Rosen, qui avait fait ses preuves, avait eu le soutien de Reid et de sa machine lorsqu’elle s’était portée candidate au sénat. Elle avait été encore une fois élue.
En 2016, Reid n’avait épargné aucun coup – comme à son habitude – pour mettre en garde contre les dangers qu’il percevait dans l’élection de Donald Trump à la présidence.
« L’élection de Donald Trump a enhardi les forces de la haine et du fanatisme en Amérique », avait écrit Reid dans un message posté trois jours après le scrutin. « J’ai une grande famille. J’ai une fille et douze petites-filles. Les textos, les courriers et les appels téléphoniques que j’ai pu recevoir jusqu’à présent sont remplis de peur – elles ont peur pour elles, elles ont peur pour leurs amis latinos et afro-américains, pour leurs amis musulmans et juifs, pour leurs amis de la communauté LBGT, pour leurs amis asiatiques ».
En 2015, après avoir annoncé qu’il ne se représenterait pas, Reid avait apporté son soutien au sénateur Chuck Schumer, le représentant démocrate de New York, pour lui succéder en tant que chef du caucus – ce qui devait amener Schumer, en 2021, à devenir le premier chef de la majorité issu de la communauté juive. Il est le premier Juif à occuper ce poste prestigieux de toute l’Histoire des États-Unis.
« Harry Reid a été l’un des hommes les plus formidables qu’il m’a été donné de rencontrer dans ma vie », a écrit Schumer mardi sur Twitter, ajoutant que les drapeaux seraient mis en berne au Capitole. « Il n’a jamais oublié d’où il venait et il utilisait ses instincts de boxeur pour combattre sans crainte tous ceux qui portaient préjudice aux pauvres et à la classe moyenne ».
En 2019, Reid avait été secoué en apercevant la photo d’un individu arborant une croix gammée lors d’un événement de campagne de Bernie Sanders, sénateur juif du Vermont qui se présentait alors aux primaires présidentielles du parti Démocrate, dans le Nevada.
« Ce que montre cette croix gammée chez Bernie Sanders me prouve que j’avais absolument raison quand je demandais de parler plus ouvertement de la haine, et prouve aussi qu’il est déterminant de comprendre qu’une grande partie de cette haine se traduit par l’antisémitisme », avait dit Reid au Nevada Independent. « Je ne pense pas que l’antisémitisme soit entraîné par les Démocrates ou les Républicains. Je pense que c’est une question face à laquelle les Démocrates, les Républicains et les indépendants doivent s’unir et qu’il faut faire tout ce qui est en notre pouvoir pour l’éradiquer ».
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel