Mort de Peres – La plupart des dirigeants laissent passer leur chance de faire pression pour la paix
Quand Ariel Sharon – le faucon devenu colombe – est mort en 2014, les dignitaires ont exhorté Netanyahu à suivre sa voie. Ces appels se font désormais plus rares
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Dans leurs hommages au regretté président israélien Shimon Peres, les dirigeants à travers le monde ont salué son infatigable lutte pour la paix. Certains ont profité de l’occasion pour appeler le pays à progresser dans la mise en place de la solution à deux états. D’autres, et notamment des fermes opposants du Premier ministre Benjamin Netanyahu, ont curieusement laissé passé l’opportunité de faire suivre leurs condoléances par des appels pour le futur.
Tout comme les faucons israéliens, qui ont, dans leurs hommages, évité de mentionner certains désaccords politiques fondamentaux qui les opposaient à la douce colombe qu’était Peres, de nombreux dignitaires étrangers, qui, d’habitude, profitent de chaque occasion pour exhorter le gouvernement israélien à prendre des mesures drastiques au nom de la paix, ont décidé de ne pas profiter de la mort de Peres pour ces appels.
C’est particulièrement remarquable lorsque que l’on compare ces messages de condoléances avec ceux que les dirigeants du monde avaient envoyé au moment de la mort d’Ariel Sharon, début 2014.
Comme Peres, Sharon était considéré comme un faucon, dans ses premières années (bien que ce dernier était membre du parti du centre-droite du Likud, alors que Peres était un travailliste tout au long de sa vie) et a ensuite admis la nécessité de faire la paix, et a prix des mesures concrètes pour atteindre ce but.
De nombreux messages de condoléances envoyés lors de la mort de Sharon ressemblaient davantage à des plaidoyers peu subtils à l’intention du Premier ministre Benjamin Netanyahu, à suivre la voie de son prédécesseur et entreprendre sa propre métamorphose, à devenir une colombe.
Quand Sharon est décédé, après avoir passé huit ans dans le coma, Ban Ki-Moon, secrétaire général des Nations unies, par exemple, avait centré sa déclaration sur la seule action que le monde semble vouloir garder en mémoire à son sujet : la « douloureuse et historique décision de retirer les colons et les troupes israéliennes de la Bande de Gaza. »
Dans la suite de la déclaration, Ban Ki-Moon mentionne, sans le nommer, le successeur de Sharon. « Il [le successeur] fait face au challenge difficile de concrétiser les aspirations à la paix entre les peuples israéliens et palestinien. Le secrétaire général appelle Israël à utiliser le pragmatisme de l’héritage du regretté Premier ministre pour travailler en vue de la concrétisation tant attendue d’un état palestinien stable et indépendant, à côté d’un Israël en sécurité. »
La déclaration de Ban Ki-Moon au sujet de Peres, de façon assez contrastante, ne contient aucun message pour son successeur. Il exprime à peine le souhait général de Peres, sa « détermination doit nous guider pour œuvrer pour la paix, la sécurité et la dignité pour les Israéliens, les Palestiniens et toutes les nations de la région ».
Le président américain Barack Obama, dans son hommage à Sharon, avait déclaré que Washington continuera « à œuvrer pour une paix durable, pour la sécurité du peuple d’Israël, notamment via notre engagement pour construire deux états, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité. »
Mercredi matin, après le décès de Peres, il n’a pas évoqué la solution à deux états. Il a tout juste suggéré qu’il n’y aurait plus bel hommage à la vie de Peres que de « renouveler notre engagement pour la paix que nous savons possible ».
En 2014, la chancelière allemande Angela Merkel avait applaudi la « courageuse décision » de Sharon à retirer les colons de la Bande de Gaza pendant le désengagement, « une étape historique pour les accords avec le Palestinien et une solution à deux états. »
En 2016, dans son hommage à Peres, elle a souligné qu’il n’a pas pu voir son rêve de paix au Moyen-Orient devenir une réalité ? « Œuvrer pour réaliser ses objectifs, c’est son héritage, et notre devoir », dit-elle vaguement.
Certains responsables, en revanche, n’ont pas pu résister à la tentation de récupérer la mort de Peres pour exhorter Netanyahu, et de manière assez explicite, à faire davantage pour amener la paix.
Frederica Mogherini, Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a déclaré que la meilleure façon d’honorer cet architecte de la paix était d’avoir « un engagement réel envers la réconciliation, préservant et progressant dans sa vision d’une solution à deux états. »
Le pape François, dans un télégramme adressé au président Reuven Rivlin, a exprimé l’espoir que l’héritage de Peres « nous inspirera tous à travailler avec davantage d’ardeur pour la paix et la réconciliation entre les peuples. De cette façon, son héritage sera réellement honoré et le bien commun pour lequel il a tant œuvré trouvera une nouvelle expression, avec l’humanité qui progresse sur le chemin vers une paix durable. »
Le gouvernement d’Afrique du Sud, qui est un opposant notoire du gouvernement actuel en Israël a déclaré que Peres « restera dans nos mémoires pour son indéfectible engagement dans la solution à deux états avec la Palestine, solution qui n’est malheureusement pas près de se réaliser. Cette déclaration, diffusée par le ministère des Affaires étrangères de Pretoria a encensé le regretté président comme l’un des rare« politiciens qui ont laissé la raison transformer leurs réflexions sur la question d’un état palestinien ».
Si le président égyptien Abdel-Fattah el-Sissi, le roi de Jordanie, Abdallah II et peut-être même Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne assistent aux obsèques de Peres qui auront lieu vendredi (selon certaines rumeurs en attente de confirmation), Obama profitera peut être de l’opportunité pour les réunir, avec Netanyahu, pour tenter de revitaliser le processus de paix moribond. Shimon Peres aurait très certainement approuvé.