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Mort de Soleimani : cafouillage américain sur un retrait d’Irak

Ecrite au nom du commandant des forces américaines en Irak, la lettre portait sur un "repositionnement" des troupes en vue d'un retrait, selon le chef d'Etat-major américain

Le secrétaire à la Défense, Mark Esper, à gauche, et le président de l'état-major interarmées, le général Mark Milley, à droite, écoutent le secrétaire d'État, Mike Pompeo, prononcer une déclaration sur l'Irak et la Syrie, dans la propriété du président Donald Trump à Mar-a-Lago, le 29 décembre 2019, à Palm Beach, en Floride. (Crédit : AP Photo/ Evan Vucci)
Le secrétaire à la Défense, Mark Esper, à gauche, et le président de l'état-major interarmées, le général Mark Milley, à droite, écoutent le secrétaire d'État, Mike Pompeo, prononcer une déclaration sur l'Irak et la Syrie, dans la propriété du président Donald Trump à Mar-a-Lago, le 29 décembre 2019, à Palm Beach, en Floride. (Crédit : AP Photo/ Evan Vucci)

Partiront, partiront pas ? Les Etats-Unis, dans une lettre transmise par erreur, ont annoncé lundi préparer leur retrait d’Irak avant de démentir. Un cafouillage qui vient s’ajouter à une situation ultra-tendue depuis l’élimination à Bagdad du général iranien Qassem Soleimani, pleuré par des millions de personnes à Téhéran.

Ecrite au nom du général William H. Seely, commandant des forces américaines en Irak, la lettre en question, dont une copie a été consultée par l’AFP, expliquait aux responsables militaires irakiens que Washington était en train de « repositionner » ses troupes dans le pays en vue d’un retrait.

Il s’agissait en fait d’un « projet (de lettre) non signé », a expliqué quelques heures plus tard à la presse le chef d’Etat-major américain, le général Mark Milley. « Il n’aurait jamais dû être envoyé », a-t-il ajouté, évoquant « une erreur commise en toute bonne foi ».

La lettre faisait référence – « Nous respectons votre décision souveraine qui ordonne notre départ » – à un vote dimanche du Parlement irakien exhortant le gouvernement à expulser les troupes étrangères d’Irak, après la mort vendredi dans une frappe américaine ciblée à Bagdad du général Soleimani, architecte de la stratégie de l’Iran au Moyen-Orient.

Le Premier ministre démissionnaire irakien Adel Abdel Mahdi a discuté lundi avec la chancelière allemande Angela Merkel au téléphone. Il a insisté, selon son bureau, sur « la position du gouvernement et du Parlement irakiens pour un retrait des forces étrangères et la préservation de la souveraineté de l’Irak.

L’Irak a par ailleurs demandé lundi dans une lettre à l’ONU que le Conseil de sécurité condamne le raid mené sur son territoire.

« Stupide Trump »

Lundi, les rues de Téhéran étaient noires de monde pour honorer Qassem Soleimani, figure charismatique et très populaire du pays, tué avec l’homme de l’Iran en Irak, Abou Mehdi al-Mouhandis.

Le guide suprême Ali Khamenei a présidé une prière des morts devant les cercueils contenant les restes des deux hommes et de quatre autres Iraniens.

La foule réunie pour rendre un dernier hommage au général iranien Qassem Soleimani après sa mort dans une frappe américaine à Bagdad, dans la capitale de Téhéran, le 6 janvier 2020. (Crédit : Atta KENARE / AFP)

« La dernière fois que je me souviens d’une telle foule, c’était aux funérailles il y a 30 ans de l’imam Khomeiny », fondateur de la République islamique d’Iran, a déclaré à l’AFP Maziar Khosravi, l’ex-chef du service politique du quotidien réformateur Charq.

Estimée à « plusieurs millions » de personnes par la télévision d’Etat, la foule a alterné entre recueillement et colère aux cris de « Mort à l’Amérique » et « Mort à Israël ».

Des drapeaux américains et israéliens ont été brûlés, tandis que la foule appelait à venger Qassem Soleimani.

Des Palestiniens marchent sur des drapeaux américain et israélien alors qu’ils se trouvent dans une tente de deuil mise en place par les factions palestiniennes pour Qassem Soleimani, le chef iranien des forces Al-Qods, à Gaza City, le 4 janvier 2019. (Crédit : AP Photo/Khalil Hamra)

« Stupide Trump (…), ne pense pas qu’avec le martyre de mon père, tout est fini », a lancé sa fille, Zeinab.

Le cercueil du général a ensuite été transféré vers la ville sainte chiite de Qom pour une cérémonie, et sera mis en terre mardi à Kerman, sa ville natale, dans le sud-est du pays.

Nouveau « Vietnam »

Le raid de Washington contre Qassem Soleimani est survenu sur ordre de Donald Trump, après une attaque inédite de l’ambassade américaine à Bagdad par des pro-Iran et plusieurs tirs de roquettes sur des installations en Irak abritant des Américains, dont un a péri fin décembre.

Les appels à la désescalade se multiplient depuis sur la scène diplomatique, mais l’affrontement verbal est toujours vif entre Washington et Téhéran.

Le président iranien Hassan Rohani a sommé lundi son homologue américain de ne « jamais menacer la nation iranienne », après avoir déjà promis une « riposte militaire » et une « dure vengeance », « au bon endroit et au bon moment ».

Le leader chiite irakien Moqtada Sadr, qui vient de réactiver sa milice anti-Américains, a lui menacé les Etats-Unis d’un nouveau « Vietnam ».

L’Otan, après une réunion extraordinaire, a appelé Téhéran à éviter « davantage de violence et de provocations », tandis que la France a estimé que l’Iran devait « renoncer à des représailles » contre Washington.

Les chefs de la diplomatie de l’Union européenne doivent tenir vendredi une réunion sur la crise entre les deux ennemis, appelés par la présidente de la Commission européenne à suivre « la voie de la pondération ».

L’accord nucléaire menacé

Dans ce contexte explosif, l’Iran a annoncé dimanche une nouvelle réduction de ses engagements contenus dans l’accord international de 2015 pour garantir la nature purement civile de ses activités nucléaires, un pacte désormais presque vidé de sa substance.

« L’Iran n’aura jamais d’arme nucléaire ! », a rétorqué lundi sur Twitter Donald Trump, dont le pays s’est retiré unilatéralement de l’accord en 2018.

Encore parties au pacte, les Européens ont dit « regretter profondément » l’annonce iranienne sur la levée de toute limite sur l’enrichissement d’uranium.

Mais Téhéran continue de se soumettre volontairement au programme d’inspection particulièrement draconien de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA), mis en place après la signature de l’accord.

À Vienne, l’AIEA a dit être « au courant de l’annonce » iranienne et souligné que ses inspecteurs continuaient de mener des « activités de surveillance » en Iran.

Téhéran s’est progressivement affranchi de ses engagements depuis mai, en représailles au retrait et aux sanctions des Etats-Unis, dont le retour a plongé le pays pétrolier dans une violente récession.

Pour les observateurs, l’Iran reste « très prudent » en évitant de dénoncer frontalement l’accord de Vienne, ce qui laisse une ultime marge de manoeuvre pour tenter de le sauver.

La crise entre Washington et Téhéran a dopé les cours du pétrole et fait trembler les Bourses mondiales. L’or, traditionnelle valeur refuge, est monté à des niveaux jamais vus depuis 2013.

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