Israël en guerre - Jour 471

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Nés en Israël, des centaines d’enfants philippins risquent l’expulsion

A tout moment, des enfants "clandestins" risquent l'expulsion vers les Philippines, pays où ils n'ont jamais mis les pieds

Sivan, 11 ans, la fille de Ramela Noel, une employée de maison philippine, parle lors d'une interview à son domicile à Tel Aviv le 6 août 2019. (Gil COHEN-MAGEN / AFP)
Sivan, 11 ans, la fille de Ramela Noel, une employée de maison philippine, parle lors d'une interview à son domicile à Tel Aviv le 6 août 2019. (Gil COHEN-MAGEN / AFP)

En pleines vacances d’été, Sivan, 11 ans, et sa sœur Michal, neuf ans, ne s’aventurent guère hors du deux-pièces familial, au sous-sol d’un immeuble de Tel Aviv. A tout moment, elles risquent l’expulsion vers les Philippines, pays où elles n’ont jamais mis les pieds.

Nées en Israël, les deux fillettes vont à l’école dans ce pays, parlent et échangent sur les réseaux sociaux en hébreu, s’habillent en débardeur, short et tongs, à l’instar de presque tous les gamins dans cette ville prisée pour ses plages.

Mais Sivan et Michal sont « clandestines » selon les autorités israéliennes.

Leur mère, Ramela, est arrivée en Israël en 2003 pour y travailler comme aide à domicile, comme la plupart des quelque 28 000 Philippins vivant aujourd’hui dans le pays. Ramela y rencontre son mari, aussi Philippin, et tombe enceinte de Sivan, l’aînée.

Elle est alors placée devant un dilemme déchirant : soit elle quitte le pays, soit elle envoie son bébé aux Philippines pour conserver son visa.

Ramela Noel, une employée de maison philippine, s’exprime lors d’une interview à son domicile à Tel Aviv le 6 août 2019. (Gil COHEN-MAGEN / AFP)

Les Philippins ayant été recrutés en Israël ont dû pour la plupart signer un contrat stipulant qu’ils s’engagent à ne pas y fonder de famille.

Sans ressources dans son pays d’origine, Ramela choisit de rester et se dit qu’elle enverra le bébé chez sa soeur.

Menace imminente

« Mais quand j’ai donné naissance à Sivan, qu’ils l’ont déposée sur mon ventre, je me suis mise à pleurer. Fallait-il que je l’envoie » au pays ?, se souvient-t-elle, des larmes glissant sur ses joues. « J’ai décidé de la garder ici, avec moi », poursuit-elle, roulant nerveusement ses mains sur sa robe noire.

Dès ce moment-là, la famille entière bascule dans la clandestinité: les parents perdent leur visa n’ayant pas respecté la clause « pas de famille ». Quant aux fillettes, elles n’ont aucun moyen d’obtenir des papiers israéliens et sont officiellement inexistantes, mais restent scolarisées comme le prévoit la loi.

Les parents font des ménages au noir pour survivre. « Je n’ai ni vacances, ni assurance santé, ni retraite, rien », soupire Ramela.

Ramela Noel (D), une employée de maison philippine, s’entretient avec sa fille, Sivan, 11 ans, à leur domicile à Tel Aviv le 6 août 2019. (Gil COHEN-MAGEN / AFP)

Selon l’organisation United Children of Israel (UCI), qui aide les enfants comme Sivan, 600 familles philippines sont menacées d’expulsion. Cette semaine, une mère et son enfant de 13 ans ont été arrêtés au sud de Tel Aviv puis placés en détention en vue d’un renvoi.

Depuis janvier, 36 familles, dont 24 philippines, ont été arrêtées. Elles ont été libérées sous caution, à condition de partir avant le 1er août. Personne n’a été expulsé, selon l’UCI. Pour l’instant.

Des travailleurs étrangers, leurs enfants et leurs sympathisants participent à une manifestation contre l’expulsion des enfants des travailleurs philippins à Tel Aviv, le 6 août 2019. (Tomer Neuberg/Flash90)

Ces travailleuses ont été arrêtées pour « présence illégale » mais leurs enfants ont été autorisés « à finir l’année scolaire », a indiqué l’Autorité de la Population et de l’Immigration israélienne. Avec les vacances d’été, la menace d’expulsion est revenue.

« Israël a encouragé ces travailleuses à venir ici », rappelle Sigal Rozen, de l’organisation israélienne Hotline for Refugees and Migrants en s’indignant aujourd’hui du traitement qu’elles reçoivent.

Les premiers travailleurs philippins sont arrivés au début des années 1990 en Israël. A l’époque, en plein soulèvement palestinien (Intifada), Israël manque de main d’oeuvre et se tourne vers l’Asie, mais impose aux immigrés de ne pas fonder de famille.

« Ne pas tomber amoureuse ? »

« Je me suis occupée d’une personne âgée pendant neuf ans. Qu’est-ce que j’aurais dû faire pendant neuf ans ? Ne pas avoir de relations sexuelles ? Ne pas tomber amoureuse ? », demande une membre de l’UCI préférant rester anonyme.

« Est-ce qu’une telle politique honore la contribution de ces femmes, par leur travail, à la société israélienne ? », ont interrogé des responsables chrétiens ces derniers jours en réclamant que les autorités accordent un visa à ces familles, comme elles l’avaient fait en 2006 et 2010.

Deux garçons philippins lors d’une manifestation contre les expulsions à Tel Aviv, le 24 juin 2019. (Melanie Lidman/Times of Israël)

Des Philippins ont aussi manifesté à Tel Aviv, soutenus par des Israéliens.

« Mon époux était un survivant de la Shoah. Quand on a survécu, on ne peut cautionner l’expulsion d’enfants », soutient Drora Lustiger, 83 ans.

Mais à quelques mètres de là, séparés de la foule par un cordon de sécurité, une dizaine de contre-manifestants soutiennent les expulsions. « Je suis inquiète pour la majorité juive en Israël », dit Sigal Sudai. « Dans n’importe quel pays au monde, quand le visa expire, (les gens) sont renvoyés chez eux ! »

Mais pour Sivan et Michal, qui n’ont jamais voyagé, ce « chez eux » sonne bien étranger.

« Un jour on m’a dit qu’il fallait que je parte dans un pays que je ne connais pas, dont je ne connais même pas bien la langue », souffle Sivan. « C’est injuste… J’ai mes amis ici, l’école ici ».

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