Netanyahu critiqué pour avoir omis les otages dans son discours devant le Congrès
Des manifestants à Tel Aviv et ailleurs en Israël réclament un accord sur les otages de Gaza ; les familles d'otages se plaignent d'avoir été abandonnées par le Premier ministre
Alors que le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’adressait à une session conjointe du Congrès à Washington, des manifestants se sont rassemblés devant l’ambassade américaine à Tel Aviv et ailleurs dans la ville mercredi soir pour demander au gouvernement israélien d’accepter un accord pour la libération des otages encore détenus dans la bande de Gaza.
Les militants anti-gouvernementaux, dont plusieurs parents d’otages, ont jugé le discours de Netanyahu décevant car ce dernier a refusé de s’engager à accepter les termes d’un accord qui permettrait de libérer la centaine d’otages encore retenus dans la bande de Gaza.
Bien que Netanyahu ait parlé au Congrès du sauvetage de l’otage Noa Argamani et qu’il ait reconnu la souffrance des otages, il « a omis un sujet : les termes de l’accord », a souligné Eli Albag, le père de Liri Albag, une soldate d’observation toujours captive.
« Je vous ai entendu parler de l’unité entre Israël et l’Amérique, mais vous n’avez pas parlé de l’unité de notre peuple », a-t-il ajouté. « Il n’y a pas d’unité. »
Albag et d’autres intervenants se sont adressés à la foule sur la place des otages tandis qu’une vidéo du discours de Netanyahu au Congrès était diffusée sur un grand écran. Des manifestations simultanées appelant à un cessez-le-feu et à un accord sur la libération des otages ont eu lieu dans plusieurs villes d’Israël. Les proches des otages ont exprimé leur colère à l’égard de Netanyahu, l’accusant de faire passer ses intérêts personnels avant la libération de leurs proches.
Dans un discours enflammé prononcé mercredi devant une session conjointe du Congrès, Netanyahu a promis une « victoire totale » contre le groupe terroriste palestinien du Hamas et a critiqué les opposants américains à la guerre menée par Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza.
Netanyahu, qui effectuait son premier voyage à l’étranger depuis le début de la guerre, n’a guère mentionné les mois de médiation menée par les États-Unis en vue d’un cessez-le-feu et de la libération des otages. Toutefois, ses remarques, bien que belliqueuses, ne semblaient pas fermer la porte à un accord.
« Israël se battra jusqu’à l’anéantissement des capacités militaires et de gouvernance du Hamas à Gaza, et jusqu’à ce que tous nos otages soient ramenés chez eux », a affirmé le Premier ministre. « Voilà ce que signifie une victoire totale. Et nous ne nous contenterons de rien de moins. »
Dans un communiqué publié à l’issue du discours, le Forum des familles d’otages et des disparus a regretté l’absence d’annonce d’un accord définitif sur les otages, que certaines familles espéraient, même si cette éventualité s’est révélée de plus en plus improbable au cours des derniers jours.
« Ce soir, alors que le Premier ministre s’adressait au Congrès, des milliers de sympathisants se sont rassemblés sur la place des Otages. Ils sont venus assister à la retransmission du discours et écouter les interventions des membres des familles des otages, dans l’espoir d’entendre le Premier ministre prononcer les mots cruciaux : Nous sommes parvenus à un accord », pouvait-on lire dans un communiqué du Forum des familles d’otages.
Dans son discours, qui, selon elle, aurait dû être celui de Netanyahu, Einav Zangauker, dont le fils Matan est toujours captif à Gaza, a souligné que le Premier ministre aurait été bien inspiré s’il avait « placé les otages au sommet de ses priorités, et prouvé ce que sont le sionisme et l’amour d’Israël ».
« On espérait vous entendre dire : ‘Je vous annonce de cette tribune que je ferai tout pour obtenir un accord qui permette le retour de tous les otages, même si le prix à payer est la fin de la guerre. Je vais coopérer pleinement avec les médiateurs, et je limogerai tout ministre qui s’opposera à l’accord’ ».
Omri Shtivi, dont le frère Idan a été enlevé lors du festival de musique Supernova et est toujours en captivité, a déclaré aux manifestants rassemblés sur la place Dizengoff que les otages encore à Gaza « ne font pas que souffrir. Ils meurent aussi », faisant référence à la remarque de Netanyahu selon laquelle les captifs « souffrent mais ne meurent pas ».
« Si vous nous demandez de garder espoir », a-t-il dit en s’adressant à Netanyahu, « la seule façon de le faire est de vous entendre prononcer ces cinq mots dans votre discours au Congrès ce soir : Il y a un accord ».
Les proches des otages présents à Washington pour le discours de Netanyahu ont également sévèrement critiqué le discours et le manque d’engagement en faveur d’un accord.
« Netanyahu a parlé pendant 54 minutes et il n’a pas mentionné une seule fois la nécessité de conclure l’accord et de signer l’accord maintenant », a affirmé Gil Dickmann, cousin de l’otage Carmel Gat, l’une des six personnes arrêtées pour avoir perturbé le discours de Netanyahu en portant des t-shirts appelant à « Un accord maintenant ».
Les proches des huit otages américains détenus à Gaza ont critiqué le discours de Netanyahu devant le Congrès, le qualifiant de « théâtre politique », dans une déclaration commune.
« Nous avons été profondément déçus qu’il n’ait pas livré le message que nous attendons depuis 292 jours : les otages rentrent à la maison », ont indiqué les familles. « Il n’a proposé aucune nouvelle solution ni aucune nouvelle voie pour aller de l’avant. Surtout, il ne s’est pas engagé à respecter l’accord sur les otages qui est maintenant sur la table, et ce malgré les appels des hauts responsables israéliens de la Défense et du Renseignement à le faire. »
Les proches des otages américains doivent rencontrer jeudi le président américain Joe Biden et Netanyahu ensemble, probablement après la rencontre privée entre les deux hommes.
Adi Alexander, père de l’otage Eden Alexander, a dit avoir parlé à Netanyahu lors d’une réception après le discours, et s’être entendu dire par le Premier ministre qu’Israël essayait d’obtenir davantage du Hamas.
« La balle est maintenant du côté israélien », a-t-il déclaré au Times of Israel. « Et quand nous parlons d’Israël, nous parlons d’une seule personne, Benjamin Netanyahu. Il doit décider si c’est ‘oui’ tout de suite, ou s’il veut obtenir un peu plus ».
À Tel Aviv, des proches et d’autres personnes ont affirmé que le temps pressait pour les otages et qu’il était impératif de conclure un accord le plus vite possible.
Les petites-filles de l’otage Alex Dancyg, dont Tsahal a annoncé lundi la mort en captivité, ont insisté sur ce point.
Dancyg, un spécialiste de la Shoah réputé, a été enlevé de son domicile au kibboutz Nir Oz le matin du pogrom perpétré par les terroriste du Hamas le 7 octobre. Tsahal a indiqué qu’il était mort il y a plusieurs mois déjà, et que les circonstances de son décès n’étaient pas claires.
« Benjamin Netanyahu, la possibilité d’une ‘victoire absolue’ a été réduite à néant au moment même où notre grand-père a été enlevé dans son kibboutz et que personne n’était là pour le protéger », ont-ils déclaré lors d’un rassemblement sur la place des otages, allusion à la promesse maintes fois répétée du Premier ministre d’anéantir complètement le Hamas avant de mettre un terme aux affrontements. « Notre grand-père et les 120 otages sont victimes d’abandon. Nous vous demandons d’arrêter le cycle de l’effusion de sang. »
S’adressant à la chaîne publique Kan à la fin du discours de Netanyahu, Niva Wenkert, mère de l’otage Omer Wenkert, a dit espérer que Netanyahu recevrait un jour le même tonnerre d’applaudissements qu’il a reçu au Congrès lorsque son fils sera rentré chez lui en Israël.
« Cela n’arrivera que lorsque mon fils – pour qui le temps est compté – et tous les autres otages seront rentrés chez eux », a-t-elle déclaré. « Ce discours s’adressait à la nation américaine. Votre peuple ne peut pas encore l’applaudir. »
Jacob Magid et Jessica Steinberg ont contribué à cet article.