Netanyahu était au courant de la rencontre entre Eli Cohen et Najla Mangoush
Le Premier ministre n'aurait pas été informé de la médiatisation de la rencontre ; le ministre des Affaires étrangères a été très critiqué et son homologue libyenne suspendue

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu aurait bien eu connaissance à l’avance d’une rencontre à Rome la semaine dernière entre le ministre des Affaires étrangères Eli Cohen et son homologue libyenne Najla Mangoush qui, lorsqu’elle a été rendue publique dimanche, a suscité de nombreuses critiques à l’encontre du premier et entraîné la suspension de la seconde.
Netanyahu connaissait à l’avance l’heure et le lieu de la rencontre, tout comme le secrétaire du cabinet Yossi Fox et le Conseil national de sécurité, ont déclaré deux sources anonymes à la Douzième chaîne.
Selon un reportage de la chaîne publique israélienne Kan sur la question, Netanyahu n’a toutefois pas été informé à l’avance de la publication controversée de la rencontre par Cohen.
Le cabinet du Premier ministre n’a pas répondu aux demandes de commentaires.
Les informations ont confirmé l’opinion des analystes selon laquelle il est peu probable que Mangoush ou Cohen aient organisé cette rencontre sans précédent sans en informer leur Premier ministre respectif.
Dans un effort apparent pour se distancer du tollé, Netanyahu a publié mardi une directive exigeant que toutes les réunions diplomatiques secrètes soient approuvées par son bureau et a également exigé que la publication de toute réunion diplomatique secrète soit d’abord approuvée par le cabinet du Premier ministre.

Il a fait écho aux mesures prises par les dirigeants libyens, qui ont affirmé ne pas être au courant de ce projet de rencontre.
Lundi, Cohen a été fustigé pour avoir rendu publique sa rencontre avec Mangoush en Italie. Des personnalités de l’opposition ont décrié une erreur de jugement « irresponsable », le faux-pas « d’un amateur » et des sources gouvernementales ont estimé qu’il avait causé de graves dégâts dans la diplomatie israélienne.
Ancien diplomate, Netanyahu est très impliqué dans les efforts visant à développer les liens d’Israël avec le monde arabe. Il n’a cessé de vanter ses succès dans la conclusion d’accords de normalisation dans le cadre des Accords d’Abraham et ses efforts pour forger des liens avec davantage de pays.
Une source anonyme de l’agence de renseignement du Mossad, citée par la Douzième chaîne, a déclaré que la conduite de Cohen « a causé d’immenses dommages aux liens noués ces dernières années », ajoutant : « Il a brûlé le pont. C’est irréparable. »
Le ministère des Affaires étrangères a d’abord réagi lundi par une déclaration tentant de rejeter la responsabilité de l’annonce de Cohen en affirmant qu’il avait l’intention de devancer la publication imminente dans les médias israéliens d’une fuite sur la rencontre, dont ni son bureau ni le ministère n’étaient à l’origine.
Lundi soir, Cohen s’est emporté contre le tollé, fustigeant « ses opposants politiques qui n’ont pas fait avancer les choses de manière significative » pour leur « empressement à réagir sans connaître les détails ».
Les Libyens ont réagi avec indignation à l’annonce de la réunion par Cohen et des manifestations éparses ont éclaté dimanche soir à Tripoli et dans d’autres villes de l’ouest du pays. Le Premier ministre libyen Abdul Hamid al-Dbeibeh a d’abord suspendu Mangoush de ses fonctions et déclaré qu’une commission d’enquête serait mise en place pour examiner la réunion survenue entre les deux homologues, avant de la renvoyer lundi après son départ pour la Turquie, craignant pour sa sécurité.
Le ministère libyen des Affaires étrangères a nié que des discussions officielles aient eu lieu avec Cohen, affirmant dans un communiqué qu’il s’agissait d’une « réunion informelle non officielle et non préparée » qui n’a donné lieu à aucun résultat concret.

Après avoir renvoyé Mangoush, al-Dbeibeh s’est rendu à l’ambassade de Palestine à Tripoli et a juré qu’il n’y aurait pas de normalisation avec Israël, a rapporté le site d’information Libya Observer. Au cours de sa visite, al-Dbeibeh a réaffirmé qu’il n’était pas au courant de la rencontre entre Mangoush et Cohen.
Cependant, deux hauts responsables du gouvernement libyen ont déclaré à l’Associated Press que le Premier ministre était au courant des discussions entre son ministre des Affaires étrangères et le chef de la diplomatie israélienne.
L’un de ces responsables a déclaré qu’al-Dbeibeh avait donné son feu vert à la rencontre le mois dernier, alors qu’il était en visite à Rome. Le bureau du Premier ministre a organisé la rencontre en coordination avec Mangoush, a-t-il dit.
Le second fonctionnaire a déclaré que la rencontre Mangoush-Cohen a duré environ deux heures et que Mangoush a informé le Premier ministre directement après son retour à Tripoli. Le fonctionnaire a déclaré que la réunion était liée aux efforts déployés sous l’égide des États-Unis pour que la Libye rejoigne une série de pays arabes établissant des relations diplomatiques avec Israël.
Le fonctionnaire a déclaré que la normalisation des relations entre la Libye et Israël a été discutée pour la première fois lors d’une réunion entre al-Dbeibeh et le directeur de la CIA William Burns, qui s’était rendu dans la capitale libyenne en janvier.
Le Premier ministre libyen a donné son accord initial à l’adhésion aux Accords d’Abraham négociés par les États-Unis, mais il s’est inquiété de la réaction de l’opinion publique dans un pays connu pour son soutien à la cause palestinienne, a déclaré le fonctionnaire. Les deux fonctionnaires ont parlé sous le couvert de l’anonymat pour leur sécurité.
Anas El Gomati, spécialiste de la Libye à l’Institut Sadeq, a déclaré que al-Dbeibeh, son rival, l’homme fort de l’armée Khalifa Haftar, et le Parlement oriental qui le soutient étaient tous au courant de la rencontre entre Mangoush et Cohen.
Ils « ont utilisé la première femme ministre des Affaires étrangères de Libye comme bouc émissaire pour les décisions auxquelles ils ont tous participé », a déclaré Gomati. « Il ne s’agit pas de politique. Il s’agit d’un bouc émissaire flagrant », a-t-il déclaré à l’AFP.

La Libye a plongé dans le chaos après qu’un soulèvement soutenu par l’OTAN a renversé et tué le dictateur Mouammar Kadhafi en 2011. Le pays s’est divisé dans le chaos qui a suivi, avec des administrations rivales à l’est et à l’ouest soutenues par des milices rebelles et des gouvernements étrangers.
Mangoush représente le gouvernement reconnu par les Nations unies et basé à Tripoli.
Si Israël et la Libye n’ont jamais officiellement entretenu de liens diplomatiques, il y avait eu, semble-t-il, des contacts établis entre le fils de Kadhafi, Saif al-Islam, et les responsables israéliens. Kadhafi lui-même se serait apparemment tourné vers Israël à un certain nombre d’occasions, notamment pour faire avancer sa proposition d’un pays qui aurait réuni à la fois les Israéliens et les Palestiniens sur le même territoire et qui se serait appelé l’Isratine.
En 2021, le fils du chef de guerre libyen Khalifa Haftar se serait rendu au sein de l’État juif pour une rencontre secrète avec les autorités israéliennes. Il aurait offert l’établissement de relations diplomatiques entre les deux pays en échange du soutien israélien.
En Libye, toute relation avec Israël, ses ressortissants ou toute entité le représentant est passible d’une peine d’emprisonnement de trois à dix ans, en vertu d’une loi datant de 1957.
Lazar Berman a contribué à cet article.