Netanyahu exclut de donner le Dôme de fer à l’Ukraine
Le Premier ministre craint que la technologie ne tombe entre les mains de l'Iran et que l'État juif ne se retrouve "à affronter des systèmes israéliens utilisés contre Israël"
Le Premier ministre a exclu de fournir à l’Ukraine le système anti-missile du Dôme de fer, faisant une nouvelle fois part de sa crainte que cette technologie vitale pour le pays ne tombe entre les mains de l’Iran.
Netanyahu a été interrogé, dans le cadre d’un entretien avec le Wall Street Journal qui a été publié mercredi, sur le soutien apporté par Israël à l’Ukraine et sur la manière dont le pays trouve l’équilibre entre l’Ukraine et la nécessité de conserver des liens avec Moscou dans le contexte de l’offensive russe en cours.
L’Ukraine cherche à acquérir auprès d’Israël des capacités d’interception de missile – ce que Jérusalem a jusqu’à présent refusé, les dirigeants de l’État juif cherchant à éviter de braquer ouvertement le Kremlin. Une hésitation qui semble émaner de la nécessité stratégique, pour Israël, de conserver sa liberté d’action en Syrie dont les forces russes contrôlent largement l’espace aérien. Israël est ainsi l’un des quelques pays à conserver des relations relativement bonnes avec l’Ukraine, une démocratie occidentale, et la Russie.
L’Iran fournit à la Russie des drones d’attaque et l’Ukraine voudrait avoir accès au Dôme de fer pour être en mesure de les abattre.
« Je pense qu’il est important de comprendre que nous nous inquiétons aussi d’une possibilité précise, celle que les systèmes que nous saurions amenés à donner à l’Ukraine viennent à tomber entre les mains de l’Iran, et que nous nous retrouvions à affronter des systèmes israéliens utilisés contre Israël », a dit Netanyahu.
Il a ajouté que le problème n’était pas que « théorique » et il a évoqué les systèmes anti-char déployés par le groupe terroriste libanais du Hezbollah et qui ont été livrés par l’Iran. La république islamique, pour leur fabrication, avait copié les créations occidentales d’armement.
Netanyahu a noté que la raison pour laquelle Israël ne comptait pas un nombre élevé de victimes malgré « des bombardements à hauteur de 20 000 roquettes » de la part des groupes terroristes situés de l’autre côté de ses frontière, c’était le Dôme de fer et ses capacités d’interception des missiles tirés en direction des zones peuplées.
« Maintenant, si ce système devait tomber entre les mains de l’Iran, ce sont des millions d’Israël qui se retrouveraient sans défense et en péril », a-t-il poursuivi.
Netanyahu a toutefois fait remarquer qu’Israël avait fourni à l’Ukraine un système d’alerte anti-roquette, qui fonctionne également contre les attaques au drone.
« Nous aidons aussi l’Ukraine. Nous aidons le pays en ce qui concerne la défense civile, l’alerte, avec un système d’alerte civil qui empêchera, qui évitera la nécessité, pour la moitié du pays, d’aller se réfugier dans les abris anti-aériens à chaque missile lancé. Nous aidons l’Ukraine en cela. »
Le Premier ministre a repoussé les accusations récentes qui ont été lancées par l’ambassade ukrainienne en Israël, qui avait dit que Jérusalem avait choisi une voie « de coopération étroite » avec la Russie. Le ministre des Affaires étrangères a annoncé qu’il avait convoqué l’envoyé Yevgen Korniychuk, sommé d’éclaircir ses propos.
« Nous ne sommes pas neutres. Nous avons fait part de notre sympathie et de notre positionnement aux côtés de l’Ukraine mais je dis qu’il y a une limite, des limitations que nous avons, des inquiétudes et des intérêts qui sont les nôtres », a poursuivi Netanyahu.
« Mon premier intérêt, indépendamment de notre sympathie et des initiatives que nous sommes amenés à prendre, est de garantir la sécurité du seul État juif dans le monde. Nous nourrissons des inquiétudes dont je vous ai fait part. Nos pilotes volent également aux côtés des pilotes russes dans l’espace aérien de la Syrie, afin de bloquer les tentatives de l’Iran qui voudrait établir un second front du Hezbollah en Syrie ».
Israël a mené des centaines de frappes aériennes en Syrie, cherchant à arrêter les livraisons, par l’Iran, d’armes avancées destinées au Hezbollah, groupe mandataire de la république islamique. La Russie assure aussi une présence militaire en Syrie, aidant le régime dans le cadre d’une guerre civile sanglante.
La semaine dernière, deux sénateurs américains ont indiqué qu’Israël empêchait Washington de transférer deux batteries du Dôme de fer appartenant aux États-Unis à l’Ukraine, de manière à ce que Kiev puisse renforcer ses défenses anti-aériennes contre la Russie.
Le sénateur républicain Lindsey Graham et le sénateur démocrate Chris Van Hollen ont écrit dans une lettre adressée aux leaders du Comité des services armés du sénat que fournir ces systèmes à l’Ukraine permettrait de sauver des vies.
Financé par les États-Unis, le Dôme de fer a été développé par Israël et Jérusalem dispose d’un droit de veto sur l’éventuelle vente, par les États-Unis, du système anti-missile à des pays tiers.
Israël a bloqué les transferts du Dôme de fer à d’autres pays, craignant que cette technologie sensible ne tombe entre les mains de nations ennemies.
Si d’autres plateformes de défense aérienne, comme le système israélien Spyder, sont capables de combattre la menace des missiles russes, l’Ukraine a demandé de manière répétée à pouvoir acheter le Dôme de fer et l’administration Biden exerce des pressions sur Jérusalem dans ce sens, selon un haut-responsable américain. L’Ukraine utilise actuellement d’autres systèmes de défense antiaérienne qui, selon Kiev, ont eu un certain succès s’agissant de l’interception des roquettes et des drones russes.