Israël en guerre - Jour 538

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Opinion

Netanyahu fait en sorte qu’Israël reste dix ans à Gaza

En plus de diriger l'effort de guerre, le Premier ministre est aussi engagé dans une bataille féroce avec ses rivaux politiques et il complote de manière à rester encore au pouvoir de nombreuses années

Shalom Yerushalmi est analyste politique pour Zman Israël, le site en hébreu du Times of Israël sur l'actualité israélienne.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors d'une séance plénière de la Knesset, le 19 février 2024. (Crédit :Yonatan Sindel/Flash90)
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors d'une séance plénière de la Knesset, le 19 février 2024. (Crédit :Yonatan Sindel/Flash90)

Israël va avoir besoin de s’habituer au chiffre dix. Dix, c’est le nombre d’années qu’Israël passera sans doute dans la bande de Gaza, selon l’idée qui prévaut actuellement au sein du Bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Selon les estimations, il faudra un ou deux ans pour terminer le premier stade de la guerre – l’éradication du Hamas – et huit ans pour qu’un gouvernement d’alternance puisse se stabiliser, s’il y parvient un jour.

Au cours de cette période, Israël devra conserver une présence continue à Gaza. Le Hamas n’aura plus le contrôle de l’enclave, estime et espère Israël, mais il y aura toujours des terroristes dans la bande et le pays devra continuer à les combattre.

Et à quoi donc ressemblera Gaza dans cinq ou dix ans ? Très précisément à ce à quoi ressemble aujourd’hui la Cisjordanie.

L’enclave ne disposera plus d’armes lourdes et elle sera placée sous la direction d’une administration palestinienne au moins partiellement hostile – ce qui rappelle l’Autorité palestinienne – avec des frappes israéliennes innombrables et des opérations de lutte contre le terrorisme dans les profondeurs du territoire. Il y aura des raids similaires à ceux que l’armée effectue à Naplouse et à Jénine ; il y aura des entreprises de démolition des habitations des terroristes (si Gaza a été reconstruite d’ici-là) et il y aura aussi des arrestations nocturnes qui continueront à Khan Younès ou à Shejaiya.

Netanyahu et ses plus proches conseillers n’anticipent pas une gouvernance militaire à Gaza ou des implantations israéliennes. Israël contrôlera toutefois l’enclave côtière à distance.

Pendant ce temps, l’ancien chef du Fatah à Gaza, Mohammad Dahlan, n’aura pas l’autorisation de retourner dans la bande. « Il n’y posera pas le pied », a promis une personnalité appartenant au cercle du Premier ministre.

Les Palestiniens regardent les dégâts causés par une frappe israélienne à Rafah, dans la bande de Gaza, le 4 mars 2024. (Crédit : AP Photo/Fatima Shbair)

La crise diplomatique entre Netanyahu et les États-Unis s’aggrave

Après s’être fait porter malade pendant le week-end, Netanyahu a présidé, mardi, une réunion consacrée aux préparations en vue des prières du ramadan sur le mont du Temple – une réunion qui a mis en lumière les problèmes rencontrés par le gouvernement avec le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir d’un côté, et le ministre du cabinet de guerre Benny Gantz de l’autre.

Du point de vue de Netanyahu, Gantz est, avant tout le reste, un adversaire politique et seulement au second plan, il est un partenaire diplomatique qui l’aide à gérer la campagne militaire à Gaza. Dans cette logique, le déplacement effectué par Gantz à Washington, cette semaine, a pris l’allure politique d’un voyage de campagne. En ce qui concerne Netanyahu, lui seul est en mesure de gérer les relations entre Israël et les États-Unis et personne d’autre ne doit avoir le droit de s’immiscer dans ce domaine placé sous sa seule compétence.

Ce qui ennuie le plus le Premier ministre, ce sont les rencontres qui ont été programmées à la Maison Blanche pour Gantz, qui s’est entretenu avec la vice-présidente américaine Kamala Harris et avec le Conseiller à la Sécurité nationale Jake Sullivan, ainsi que ses échanges avec le Secrétaire à la Défense Lloyd Austin et avec le Secrétaire d’État Antony Blinken. La cerise sur le gâteau aurait été le scénario – qui n’aurait rien d’exceptionnel – d’un président Joe Biden faisant une apparition lors de l’une de ces réunions pour saluer le dignitaire israélien, s’attardant pour écouter les discussions.

Cela fait des années que les ministres s’envolent à Washington pour y rencontrer des officiels du gouvernement des États-Unis. Dans de nombreux cas, le Premier ministre n’a même pas connaissance de ces déplacements. Les réunions à la Maison Blanche, toutefois, sont généralement l’apanage des chefs d’État.

Gantz n’est pas (encore) Premier ministre et l’entourage de Netanyahu, en ébullition, estime qu’il cherche à miner l’autorité de Netanyahu davantage qu’il ne cherche à apaiser la crise qui se développe actuellement dans les relations qui unissent l’État juif et les États-Unis.

Netanyahu comprend très bien l’origine des frictions actuelles avec l’administration américaine – mais ses proches pensent que la crise n’est due qu’aux élections du mois de novembre qui se profilent à l’horizon et aux pressions croissantes exercées par les démocrates sur le président, des démocrates qui redoutent une potentielle défaite face au chef de file des Républicains dans la course à la Maison Blanche, l’ancien président Donald Trump.

Benny Gantz, membre du cabinet de guerre israélien, à gauche, lors d’une rencontre à la Maison Blanche avec la vice-présidente américaine Kamala Harris à Washington, le 4 mars 2024. (Crédit : Bureau de la Vice-présidente Kamala Harris)

Le discours qui a été prononcé dimanche dernier par Harris, un discours au cours duquel elle a vivement critiqué les initiatives prises par Israël dans le cadre de la guerre et la gestion, par le pays, de l’acheminement des aides humanitaires à destination d’une population désespérée, appelant à un cessez-le-feu immédiat, a été fustigé par la diplomatie israélienne qui a estimé que l’allocution a été le simple résultat des pressions auxquelles l’administration démocrate est soumise en amont d’un scrutin déterminant.

En partant du principe que la guerre va continuer pendant dix ans, les élections américaines, en 2028, auront également lieu dans un contexte de conflit à Gaza. Pour le moment, le Bureau du Premier ministre se prépare à un changement de gouvernement à Washington – et il en vient à le souhaiter.

La guerre est à l’origine de grandes difficultés pour Biden dans sa campagne. Il veut que la guerre se termine immédiatement mais Netanyahu ne désire même pas accepter un cessez-le-feu temporaire ; les négociations sur les otages tombent encore et toujours dans l’impasse et le Premier ministre israélien affirme que l’échec de ces pourparlers est entraîné par le refus obstiné du Hamas à céder d’un pouce sur des demandes qu’Israël ne peut pas accepter.

Ainsi, l’aide humanitaire qui a été parachutée sur Gaza, cette semaine, et les photos sans précédent montrant des avions cargos américains dans le ciel de Gaza peuvent être considérés comme une aide apportée à Biden par Jérusalem alors que le président démocrate doit faire face aux critiques provenant de l’intérieur de son propre parti. Tout a été coordonné avec lui, a indiqué le Bureau de Netanyahu.

Netanyahu plongé dans une crise politique intérieure

Netanyahu ne serait probablement guère affligé si Gantz quittait le gouvernement d’urgence et s’il emmenait avec lui le ministre de la Défense Yoav Gallant. Selon le Premier ministre, les deux hommes parient sur le cheval de l’opposition – s’ils n’ont pas eux-mêmes enfourché un cheval de Troie.

L’hostilité nourrie par le Bureau du Premier ministre à l’encontre de Gantz et de Gallant est évidente. La coalition est assez large pour se passer d’eux, indiquent des sources du Bureau du Premier ministre – mais les deux responsables ne veulent pas abandonner le navire en pleine tempête.

Le ministre de la Défense Yoav Gallant, au centre, et le ministre Benny Gantz, à droite avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu à gauche, lors d’une conférence de presse conjointe organisée au ministère de la Défense, à Tel Aviv, le 11 novembre 2023. (Crédit :
Marc Israel Sellem/POOL)

De manière générale, Netanyahu a la conviction que personne n’est en mesure de gérer la nation ou la guerre aussi bien qu’il est susceptible de le faire. Il est « l’homme de fer », commentent ses proches, et les autres politiciens qui siègent à la Knesset sont tous inexpérimentés et ils sont des incapables, en particulier ces adversaires qui rivalisent pour occuper enfin son fauteuil – Gantz et le leader de l’opposition, Yaïr Lapid.

De manière sidérante, le temps passant et le 7 octobre s’éloignant, une conviction de Netanyahu et de son cercle devient plus forte chaque jour : celle que le Premier ministre n’est en rien à blâmer pour l’attaque commise par le Hamas qui a fait environ 1 200 morts sur le sol israélien et 253 otages.

A leurs yeux, c’est le contraire. Si seulement Tsahal et le Shin Bet étaient venus voir Netanyahu en temps voulu, qu’ils avaient fait part de leurs mises en garde, la légendaire paranoïa du Premier ministre aurait pris le pas et il aurait rassemblé les soldats sur la frontière avec Gaza, déployant avions de chasse et hélicoptères dans le secteur en l’espace de seulement deux heures.

Mais la réalité, c’est qu’un terrible échec a permis au 7 octobre d’être possible – et Netanyahu et son entourage affirment que le Premier ministre n’a, bien entendu, aucune responsabilité à assumer là-dedans. Netanyahu n’est pas un haut-responsable des services de renseignement et il n’est pas soldat d’une unité de surveillance, expliquent-ils, et aucune plainte le désignant explicitement ne saurait être recevable.

D’un autre côté, Netanyahu ne peut pas fuir sa responsabilité dans le financement du Hamas, qu’il a cultivé pendant des années. Dans ce cadre précis, malgré tout, il ne fait que rejoindre une longue liste de Premiers ministres, ministres et responsables de la sécurité qui ont apporté leur pierre à cette politique de tolérance à l’égard du groupe terroriste. S’il n’y a pas là de victoire pour Netanyahu, il compte toutefois de nombreux partenaires dans l’échec.

Ce narratif peut susciter un sentiment de colère chez de nombreux Israéliens – mais c’est celui qui a été adopté par le Bureau du Premier ministre. Et grâce à lui, Netanyahu tentera de sortir indemne d’une enquête menée par une future Commission d’État et il se présentera élections suivantes.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors d’une séance plénière de la Knesset, le 19 février 2024. (Crédit :Yonatan Sindel/Flash90)

« Je n’ai pas obtenu les informations nécessaires en temps et en heure », dira-t-il, ajoutant qu’il n’a pas été le seul. Alors qu’il lui sera demandé si, en tant que dirigeant du pays, il est à blâmer, il répondra qu’il l’est autant que tous les autres. Il dira ne pas être le seul à devoir endosser la responsabilité de l’argent transféré par le Qatar au Hamas – la somme de 30 millions de dollars pendant des années – parce que tout le monde portait, en réalité, ces valises de liquidités avec bonheur pour acheter une paix imaginaire à Gaza.

Devant ses proches et devant le public, Netanyahu se vante de « l’espace diplomatique » qu’il est parvenu à dégager pour Israël en faveur de la guerre menée par l’État juif à Gaza. Quatre des six superpuissances mondiales – le Royaume-Uni, les États-Unis, la France et l’Allemagne – se tiennent aux côtés d’Israël, indépendamment des difficultés, et lui permettent de combattre le Hamas.

La campagne de Netanyahu s’appuiera sur cet espace diplomatique si et quand Israël organisera de nouvelles élections générales. Le Premier ministre évoquera « la chaîne de soutien » qui s’est formée autour de l’État juif et si elle s’accompagne d’une victoire contre le Hamas, dans la bande, et contre le Hezbollah, dans le nord du pays, alors il réussira à jeter dans l’ombre les horreurs du 7 octobre – c’est tout du moins ce qu’il croit.

Netanyahu et les siens évoquent un prochain scrutin qui serait organisé en date du 27 octobre 2026, soit six jours après son 77e anniversaire. Il est néanmoins clair aux yeux de tout le monde qu’il y aura des élections antérieures à cette date, et il est difficile d’affirmer que Netanyahu y participera.

Dans son cercle le plus proche, certains ont récemment évoqué la possibilité qu’il prenne sa retraite politique en raison de son âge et de l’épuisement, après tout ce qu’Israël a été amené à traverser ces dernières années.

Mais personne n’a entendu de cette éventualité de la bouche même du Premier ministre et ses conseillers n’ont jamais parlé en public de la fin de sa carrière politique. Un ton qui a toutefois un peu changé ces derniers temps, même si certains promettent que « Netanyahu sera différent de Shimon Peres et il ne se retirera jamais ».

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