Netanyahu : Israël sera « responsable de la sécurité » à Gaza pour une « période indéfinie » après la guerre
Le Premier ministre reconnaît une part de responsabilité dans le fiasco du 7 octobre lors d'une interview accordée à ABC News ; se montre ouvert aux pauses humanitaires
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré dans une interview diffusée lundi soir qu’Israël aura « la responsabilité globale de la sécurité » dans la bande de Gaza « pour une période indéfinie » à l’issue de la guerre
Alors que l’armée israélienne pénètre plus profondément dans l’enclave et mène une campagne visant à éliminer le groupe terroriste Hamas, qui dirige la bande de Gaza depuis plus de 15 ans, la question de savoir comment Israël entend gérer l’avenir de la bande de Gaza après la guerre reste brûlante.
« La responsabilité de la sécurité incombera à Israël pour une période indéterminée », a déclaré Netanyahu à ABC News. « Nous avons vu ce qui se passe lorsque cette responsabilité n’est pas entre nos mains, et nous avons été témoins de l’éruption du terrorisme du Hamas à une échelle que nous n’aurions jamais pu imaginer ».
Israël a déclaré la guerre au Hamas après l’assaut de près de 3 000 terroristes ayant pénétré en Israël par la frontière de Gaza le 7 octobre, pour y massacrer 1 400 personnes, principalement des civils, lors de leurs raids meurtriers dans les communautés du sud de l’État hébreu. Ils ont également enlevé plus de 240 personnes et les ont conduites dans la bande de Gaza, dont au moins 30 enfants.
Netanyahu n’a pas précisé en quoi consisterait la supervision de la sécurité israélienne à Gaza au lendemain de la guerre, dont l’objectif est d’éliminer le Hamas et de supprimer la menace terroriste qui pèse sur le sud d’Israël. Israël a insisté sur le fait qu’il n’avait pas l’intention de réoccuper l’enclave, dont il s’est retiré unilatéralement en 2005, mais les propos de Netanyahu, qui confirment des remarques similaires faites ces dernières semaines par des responsables israéliens sous couvert d’anonymat, pourraient suggérer des plans visant à prolonger l’occupation militaire de la bande de Gaza, où vivent plus de deux millions de Palestiniens.
L’administration Biden a également exprimé son opposition à ce scénario, tout en avertissant Jérusalem qu’il est plus probable qu’elle s’enlise à Gaza si elle ne commence pas à élaborer un plan pour déterminer qui gouvernera l’enclave si elle réussit à chasser le Hamas du pouvoir.
Cette déclaration fait suite aux commentaires d’autres responsables israéliens qui ont affirmé qu’Israël devra maintenir une présence militaire à l’intérieur de Gaza afin de servir de tampon pour protéger les civils israéliens.
Certains en Israël ont déclaré que la seule alternative viable au Hamas serait l’Autorité palestinienne (AP) basée à Ramallah, tandis que d’autres ont exprimé des doutes quant à la stabilité ou même la fiabilité de l’AP, extrêmement impopulaire, qui contrôlait la bande de Gaza avant d’être violemment renversée par le Hamas en 2007.
Les remarques du Premier ministre font suite à des déclarations d’autres responsables israéliens selon lesquelles Israël devra maintenir une présence militaire dans la bande de Gaza pour protéger les civils israéliens.
EXCLUSIVE: @DavidMuir interviews Israeli PM Netanyahu, pressing him on the Biden administration’s calls for a humanitarian pause in Gaza as the death toll climbs; if he bears responsibility for intelligence failures on Oct. 7; and more. https://t.co/zjSKIi5FJF pic.twitter.com/LydTy5XtZf
— World News Tonight (@ABCWorldNews) November 7, 2023
Depuis qu’Israël a retiré son armée et évacué toutes ses implantations de Gaza il y a près de vingt ans, il est régulièrement la cible de tirs de roquettes en provenance de la bande de Gaza et doit faire face à la menace de tunnels d’attaque creusés sous la frontière. Les tirs de roquettes, qui ont commencé avant le désengagement de 2005 mais se sont considérablement intensifiés depuis, ont déclenché plusieurs engagements militaires prolongés contre le Hamas et d’autres groupes terroristes dans la bande de Gaza, un cycle que beaucoup souhaitent rompre. Depuis, Tsahal a déclaré qu’elle considérait le Hamas comme responsable de toute atteinte à la sécurité dans la bande de Gaza.
Lundi, les troupes israéliennes ont pénétré plus profondément dans la bande de Gaza et se seraient approchées de Shifa, le principal hôpital de l’enclave – sous lequel se trouve, selon Jérusalem, le centre de commandement du Hamas. L’armée israélienne poursuit son offensive contre le réseau de tunnels souterrains et les capacités militaires du Hamas, et a lancé des frappes intensives contre le groupe terroriste dimanche soir.
L’entretien avec ABC est le premier que Netanyahu a accordé aux médias américains depuis la guerre, et ce après une campagne éclair de plusieurs mois sur les différents réseaux américains pour tenter de calmer les réactions à la refonte du système judiciaire entreprise par son gouvernement, mais aussi parce qu’en prenant ses fonctions en décembre, il a banni les principaux médias israéliens, une stratégie qui l’a en grande partie protégé de ses critiques.
Interrogé sur la question de savoir s’il devait assumer la responsabilité de ce qui s’est passé le 7 octobre, comme l’ont fait d’autres dirigeants israéliens, Netanyahu a répondu « bien sûr », mais que la question serait « résolue après la guerre ».
« J’ai dit que des questions très difficiles allaient être posées et je serai parmi les premiers à y répondre. Nous n’allons pas nous dérober. La responsabilité du gouvernement est de protéger les citoyens, et il est clair que cette responsabilité n’a pas été assumée », déclare-t-il.
Netanyahu a été fortement critiqué en Israël pour avoir refusé de reconnaître sa responsabilité durant le mois qui a suivi le début de la guerre, se contentant de dire que la question serait examinée lorsque les combats se seraient calmés, alors que tous les autres hauts responsables – le ministre de la Défense, le chef de Tsahal, le chef du Shin Bet et d’autres officiers supérieurs chargés des questions de renseignement et d’opérations – ont clairement affirmé et assumé leur responsabilité directe.
Toujours dans l’interview d’ABC News, Netanyahu a été interrogé sur la question de savoir s’il accepterait l’appel du président américain Joe Biden en faveur de pauses humanitaires.
Il a d’abord esquivé la question, déclarant qu’il s’opposait à un cessez-le-feu à plus long terme au motif qu’il équivaudrait à une reddition au Hamas.
Mais après avoir été interrogé à nouveau, il a laissé entrevoir pour la première fois une certaine flexibilité sur la question.
« Dans la mesure du possible, des petites pauses – une heure par-ci, une heure par-là. Nous en avons déjà eu par le passé. Nous vérifierons les circonstances [pour avoir des pauses supplémentaires] afin de permettre aux biens humanitaires d’entrer ou à nos otages, aux otages individuels de partir », a ajouté Netanyahu, devenant ainsi le premier responsable israélien à confirmer que Jérusalem a accepté une pause temporaire dans les combats pour permettre à deux otages libérés par le Hamas de se rendre en toute sécurité à la frontière, comme l’a révélé un responsable américain la semaine dernière.
Selon différentes informations, Netanyahu n’avait auparavant accepté des pauses dans les combats que pour permettre la libération d’otages. Le Hamas a libéré quatre otages, tandis qu’une cinquième a été secourue par les forces israéliennes à l’intérieur de la bande de Gaza.
Netanyahu a par la suite indiqué qu’il accepterait un cessez-le-feu si le Hamas libérait l’ensemble des quelque 240 otages détenus à Gaza. « Il y aurait un cessez-le-feu à cette fin, et nous attendons que cela se produise. Cela ne s’est pas produit jusqu’à présent », a-t-il déclaré.
Le Premier ministre a affirmé qu’Israël disposait de certains renseignements sur l’endroit où se trouvent les otages, mais a refusé de s’étendre sur le sujet.
Netanyahu a rejeté la question de savoir s’il existait des divergences entre lui et Biden au sujet de la guerre, affirmant qu’il était d’accord avec l’appel des États-Unis pour que l’aide humanitaire entre dans la bande de Gaza et qu’il se coordonnait avec Washington sur cette question.
Le Premier ministre a toutefois précisé qu’il ne donnerait pas au Hamas l’occasion de mettre en danger les soldats de Tsahal et a affirmé qu’Israël fera tout ce qui est en son pouvoir pour limiter les pertes civiles, tout en reconnaissant qu’il n’y parviendrait pas toujours en raison de l’utilisation de boucliers humains par le groupe terroriste.
Interrogé sur la question de savoir si l’opération terrestre en cours risquait de mettre en danger la vie des otages, Netanyahu a répondu : « Nous en tenons compte », tout en affirmant que « jusqu’à ce que nous commencions l’action terrestre, aucune pression n’était exercée sur eux pour qu’ils libèrent les otages. Ce que nous avons vu, c’est qu’à la minute où nous avons commencé l’action terrestre, il y a eu des pressions ».
On ignore à quelle pression faisait référence Netanyahu, étant donné que les quatre seuls otages libérés par le Hamas l’ont été avant qu’Israël ne commence son invasion terrestre le 27 octobre.
Interrogé sur l’Iran et son mandataire libanais, le Hezbollah, dans un contexte d’escalade des escarmouches à la frontière nord d’Israël, Netanyahu a dit qu’à son avis, ‘ »ils ont compris que s’ils entrent en guerre de manière significative, la réponse sera très, très puissante, et j’espère qu’ils ne commettront pas cette erreur ».
Netanyahu s’est entretenu avec Biden par téléphone lundi, et un porte-parole de la Maison Blanche a déclaré que les deux hommes avaient discuté de la possibilité d’introduire des pauses humanitaires dans la guerre.
Selon John Kirby, porte-parole du Conseil national de sécurité de la Maison-Blanche, les États-Unis estiment que de telles pauses permettraient aux civils de se rendre dans des endroits plus sûrs à Gaza, garantiraient l’acheminement de l’aide humanitaire aux civils qui en ont besoin et permettraient d’éventuelles libérations d’otages.
« Nous sommes au début de cette conversation, pas à la fin. Attendez-vous donc à ce que nous continuions à plaider en faveur de pauses temporaires localisées », a ajouté le porte-parole du NSC, tout en précisant que les États-Unis n’étaient toujours pas favorables à un cessez-le-feu plus permanent, car une telle mesure profiterait au Hamas.
Les autorités sanitaires de Gaza, contrôlées par le Hamas, ont déclaré lundi que plus de 10 000 personnes, dont de nombreuses femmes et enfants, avaient été tuées lors des combats. Les chiffres publiés par le groupe terroriste ne peuvent être vérifiés de manière indépendante et incluraient ses propres terroristes et hommes armés tués en Israël et à Gaza, ainsi que les victimes des centaines de roquettes mal tirées par les groupes terroristes qui ont échoué à l’intérieur de la bande de Gaza.
Le porte-parole de Tsahal, le contre-amiral Daniel Hagari, a déclaré lundi que les forces terrestres « intensifiaient la pression sur la ville de Gaza » après avoir réussi à isoler et à encercler la partie nord de la bande de Gaza.
Il a ajouté que Tsahal avait tué plusieurs commandants de terrain du Hamas au cours des frappes aériennes et des opérations de la nuit, « compromettant ainsi de manière significative la capacité du Hamas à mener des contre-attaques. »
Concernant le réseau de tunnels du Hamas, Hagari a déclaré que les forces d’ingénierie de combat démolissaient tous les tunnels qu’elles rencontraient en utilisant « des dispositifs différents et variés ».
Emanuel Fabian a contribué à cet article.