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Analyse

Netanyahu tente de détourner l’Initiative de paix arabe

Le monde arabe a longtemps posé des liens normalisés avec Israël comme condition à une solution au conflit palestinien. Le Premier ministre semble essayer d'inverser le processus

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu à la Knesset, le 1er juin 2016. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu à la Knesset, le 1er juin 2016. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Rejetant furieusement tous les efforts pour internationaliser le conflit israélo-palestinien, le Premier ministre Benjamin Netanyahu professe constamment un désir ardent pour des entretiens bilatéraux directs avec l’Autorité palestinienne.

« Il n’y a pas de problème trop complexe à résoudre si les deux côtés sont prêts à se parler. Et j’y suis plus que disposé. Je suis impatient », a-t-il déclaré la semaine dernière lors d’une comparution conjointe avec le Premier ministre français Manuel Valls, qui était à Jérusalem pour promouvoir le plan français de conférence internationale de paix à Paris.

Dans le même temps, cependant, Netanyahu a souvent rappelé qu’il ne croit pas que le leadership actuel de l’Autorité palestinienne, sous la présidence de Mahmoud Abbas, si laissé libre de ses mouvements, serait prêt à prendre des positions qui permettraient un accord de paix et la fin de ce conflit vieux d’un siècle. Netanyahu insiste pour que Ramallah reconnaisse Israël comme Etat juif ; Abbas et ses fonctionnaires disent que cela ne va simplement pas se produire. Les deux parties sont très éloignées sur les questions des réfugiés et de Jérusalem. Et Netanyahu a fustigé ce qu’il appelle la « campagne palestinienne d’incitation au meurtre des Israéliens » ces derniers mois, précisant qu’Abbas était en partie responsable de la vague de terreur du « loup solitaire » qui a éclaté à l’automne dernier.

La communauté internationale partage clairement le pessimisme du Premier ministre, et parie donc sur les conférences internationales, comme celle de Paris, vendredi, ou sur les résolutions des Nations unies.

Mais Netanyahu a une vision différente. Il croit, ou du moins prétend croire, que le rapprochement naissant d’Israël avec certains Etats arabes sunnites dans la région pourrait éventuellement conduire à une situation dans laquelle les Etats font pression sur les Palestiniens pour obtenir les concessions nécessaires à un accord de paix.

C’est un détournement de l’Initiative de paix arabe.

Alors que le monde arabe promet des relations diplomatiques avec Israël, après signature d’un accord avec les Palestiniens, Netanyahu espère évidemment que ce processus de normalisation aura lieu maintenant ou dans un avenir proche, et qu’au final il mènera à un accord avec l’Autorité palestinienne.

« Les croyances conventionnelles au cours des dernières décennies ont été que si une solution était trouvée aux questions palestiniennes, cela se traduirait par un resserrement des liens entre Israël et le monde arabe », a déclaré le directeur général du ministère des Affaires étrangères, Dore Gold, au Times of Israel, mercredi.

« Mais il y a une base sérieuse qui permet de penser que, en fait, ce qui va suivre est exactement le contraire – que par l’amélioration des relations avec les Etats arabes, nous avons préparé le terrain pour une future percée avec les Palestiniens ».

Gold a récemment rencontré plusieurs représentants de pays arabes, y compris ceux avec lesquels Israël n’a pas de liens formels.

Le directeur général du ministère des Affaires étrangères Dore Gold et l'ancien conseiller du gouvernement saoudien Anwar Eshki à Washington, le 4 juin 2015 (Crédit : Groupe Debby Communications)
Le directeur général du ministère des Affaires étrangères Dore Gold et l’ancien conseiller du gouvernement saoudien Anwar Eshki à Washington, le 4 juin 2015 (Crédit : Groupe Debby Communications)

C’est dans ce contexte que l’on peut comprendre la déclaration de Netanyahu de lundi, dans laquelle il a déclaré que l’Initiative de paix arabe « comprend des éléments positifs qui peuvent aider à relancer les négociations constructives avec les Palestiniens ».

Alors qu’auparavant Netanyahu avait fait des remarques positives sur l’initiative – en 2009, il a dit qu’elle pourrait « contribuer à créer une atmosphère dans laquelle la paix globale est possible » – sa déclaration de lundi à la Knesset marquait la première fois une proposition directe de négocier avec les Etats arabes des « révisions » à l’initiative pour tenir compte des réalités sur le terrain.

Les partisans moins bellicistes de Netanyahu ont salué la déclaration comme une ouverture prometteuse ayant un réel potentiel de faire avancer la réconciliation israélo-arabe. « La déclaration du Premier ministre était très téméraire. Espérons que nos partenaires arabes saisissent l’occasion et créent un nouvel environnement dans cette région », a déclaré Gold.

« La déclaration du Premier ministre était très téméraire. Espérons que nos partenaires arabes saisissent l’occasion et créent un nouvel environnement dans cette région »
Dore Gold

Les critiques, y compris notamment l’ancien négociateur principal de l’OLP, Saeb Erekat, ont rejeté ce qui serait un coup de relations publiques qui viserait à dévier les inquiétudes quant au ministre de la Défense, Avigdor Liberman.

Il se pourrait bien que le soutien partiel à l’Initiative de paix arabe était destiné à apaiser les critiques de Netanyahu à Washington et dans certaines capitales européennes. Mais les récentes déclarations des acteurs régionaux indiquent que certaines parties du monde arabe sont intéressées par une collaboration avec Israël dans le but de faire avancer la paix.

Le 17 mai, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, dans un discours très acclamé, s’est adressé directement aux Israéliens et aux Palestiniens, les implorant de faire usage de l’ « opportunité réelle » actuelle de faire la paix, offrant une assistance complète de son pays.

Quelques jours plus tard, l’ancien chef du Quartette Tony Blair a indiqué que les Etats arabes seraient prêts à engager « des mesures de normalisation » avec Israël avant même qu’un accord de statut final avec les Palestiniens soit atteint, tant que Jérusalem se dit « prêt à s’engager dans une discussion » de l’initiative.

« Avec les nouvelles forces au pouvoir dans la région aujourd’hui, c’est possible », a déclaré Blair.

« Cela dépendra beaucoup de la réponse du gouvernement israélien à l’initiative du président Sissi et de l’Initiative de paix arabe, ainsi que de toutes les mesures que les Israéliens sont prêts à prendre ».

Le communiqué de lundi de Netanyahu peut donc être considéré comme un effort soigneusement rédigé pour faire d’une pierre deux coups : Il a réfuté les critiques faisant état du « gouvernement le plus à l’extrême-droite jamais vu » en Israël et en même temps, il a montré une volonté prudente d’explorer les possibilités d’une approche régionale du processus de paix.

Cette approche – progrès au niveau régional d’abord, progrès avec les Palestiniens ensuite – l’emportera-t-elle dans certaines parties du monde arabe ? C’est encore incertain. À ce jour, un accord de paix israélo-palestinien a été considéré comme la condition préalable non négociable à toute normalisation formelle des liens avec Israël.

Le 5 mai, le prince saoudien Turki al-Faisal, ancien chef de la sécurité du régime, a partagé la scène à Washington, DC, avec le chef d’état-major (à la retraite) Yaakov Amidror, ancien conseiller à la sécurité nationale de Netanyahu – une réunion qui a souligné comment les choses commencent à changer les rapports entre Israël et l’Arabie saoudite. Mais le prince Turki n’était manifestement pas sur le point de repenser radicalement l’approche fondamentale du monde arabe.

Adaptant le modèle de Netanyahu, Amidror a proposé de « construire quelque chose au Moyen-Orient avec des pays ayant les mêmes intérêts : la lutte contre l’Islam radical, que ce soit sunnite ou chiite, que ce soit le Hezbollah ou l’État islamique, puis amener les Palestiniens et les Israéliens à négocier dans ce cadre ».

Le prince Turki al-Faisal d'Arabie Saoudite (à gauche) et le chef d'état-major (à la retraite) Yaakov Amidror, ancien conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre Benjamin Netanyahu, partagent une plate-forme à l'Institut de Washington, le 5 mai 2016 (Crédit : capture d'écran du Washington Institute)
Le prince Turki al-Faisal d’Arabie Saoudite (à gauche) et le chef d’état-major (à la retraite) Yaakov Amidror, ancien conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre Benjamin Netanyahu, partagent une plate-forme à l’Institut de Washington, le 5 mai 2016 (Crédit : capture d’écran du Washington Institute)

Le prince saoudien a catégoriquement rejeté cette approche. « L’Initiative de paix arabe », a-t-il dit, « est la formule qui peut nous rapprocher. Mais le général voit les choses autrement. Il veut que nous commencions à coopérer avec Israël, et fassions tout ce qu’il est possible de faire, et que nous oubliions l’occupation de la Palestine et diverses autres questions sur les événements quotidiens qui se déroulent sur le terrain en Palestine, que ce soit l’expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie, que ce soient les barrages routiers – toutes les questions dont vous êtes tous conscients ».

Pourtant, dans le sillage de la déclaration de lundi de Netanyahu, le ministre saoudien des Affaires étrangères n’était pas tout à fait dédaigneux. « Il est un peu tôt pour pouvoir évaluer le sérieux du côté israélien à entamer des pourparlers sur la base de l’Initiative de paix arabe », a déclaré Adel al-Jubeir mardi.

« Quand le Premier ministre israélien a parlé, il a parlé de certaines clauses qu’il considère comme positives, et non pas de l’acceptation de l’initiative comme base des négociations ».

Josh Teitelbaum, expert de l’Arabie Saoudite au Centre BESA de l’Université Bar-Ilan pour les études stratégiques, a qualifié cela de
« réponse positive claire ». D’après lui, « Ils répondent prudemment à la déclaration ; cela signifie qu’ils sont encore dans le jeu ».

Entre les lignes de la déclaration d’al-Jubeir, a suggéré Teitelbaum, on pouvait décoder qu’ils aimeraient que Netanyahu élabore. « Il ne serait pas surprenant d’apprendre qu’il y a des discussions en coulisses pour faire avancer ce processus », a-t-il déclaré.

Cela laisserait la balle dans le camp de Netanyahu. Sauf, bien sûr si, à la suite de l’arrivée de Liberman dans la coalition, l’initiative française accélère, ou si l’administration Obama choisit de faire monter la pression.

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