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Lors d’une rare apparition commune, un prince saoudien et un ex-conseiller de Netanyahu échangent sur la paix

Le Prince Turki al Faisal et Yaakov Amidor sont tombés d’accord pour affirmer que le programme nucléaire iranien constituait une menace régionale ; ajoutant tous deux que leur plus grand désaccord avec les Etats-Unis concernait la “question palestinienne”

Eric Cortellessa couvre la politique américaine pour le Times of Israël

WASHINGTON – A l’occasion d’une rare apparition commune, deux officiels israélien et saoudien, le Prince Turki al-Faisi et le militaire de Tsahal à la retraite, le Maj. Gen. Yaakov Amidror, ont profité de leur rencontre, jeudi soir à Washington, pour débattre sur les différents moyens d’avancer vers une solution à deux Etats, entre Israéliens et Palestiniens ; tout en exprimant leur préoccupation commune concernant l’accord sur le nucléaire iranien et l’instabilité grandissante dans la région.

Al-Faisal, ancien chef des renseignements saoudiens et ambassadeur à Washington, a insisté sur le fait que l’initiative de paix arabe, une proposition saoudienne visant à mettre fin au conflit israélo-palestinien, soutenue et reprise par la Ligue arabe en 2002, constituait la voie à suivre pour parvenir à un accord final.

Amidror, ancien conseiller spécial en matière de sécurité auprès du Premier ministre, Benjamin Netanyahu, a demandé au monde arabe de former « un parapluie de coopération » avec Israël dans le but de ramener les palestiniens à la table des négociations.

« Je ne parviens pas à comprendre pourquoi le gouvernement de Netanyahu ne cherche pas à saisir cette offre, présentée en 2002, afin de travailler non pas uniquement avec les Etats-Unis mais également avec le monde arabe afin de parvenir à la Paix », s’est interrogé al-Faisal lors du rassemblement organisé par le Washington Institute for Near East Policiy (l’Institut de Washington pour la Politique du Proche Orient).

« Il n’est pas nécessaire d’attendre une révélation divine ou de posséder une intelligence « Einsteinienne » pour savoir que la paix passe par deux Etats, des échanges (de territoires) mutuels, une reconnaissance réciproque et un véritable engagement des deux parties. »

En n’abordant pas les détails de la proposition de paix saoudienne, formellement rejetée par le gouvernement israélien, Amidror a rétorqué que l’échec à atteindre un accord final ne relevait pas de la responsabilité de Netanyahu.

Il a notamment cité les tentatives passées d’anciens Premiers ministres israéliens et a affirmé qu’ « au lieu de donner à Abu Mazen (ndlr le Président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas) les clefs du Moyen-Orient, nous nous devons de voir au-delà », avant d’ajouter que le chemin menant vers un accord passait, pour les Etats arabes, par « la coopération avec Israël et non par la sommation », ce qui signifie « amener les deux parties sous le même parapluie pour négocier ».

Pour al-Faisal, « aujourd’hui, Netanyahu ne reconnaît même plus la solution à deux Etats », se référant au commentaire pré-électoral de l’actuel Premier ministre, datant de mars 2015 et dans lequel il affirmait qu’un Etat palestinien ne verrait jamais le jour pendant la durée de son mandat.

Peu de temps après son élection, Netanyahu est revenu sur sa promesse de campagne – relative à un compromis pour deux Etats – en disant à la journaliste américaine de NBC, Andréa Mitchell, « Je ne veux pas d’une solution à un Etat. Je veux une solution à deux Etats durable et en paix, mais pour atteindre cet objectif, les circonstances doivent changer. »

« Nous avons besoin d’un partenaire israélien sérieux avec qui négocier » a lancé al-Faisal, « pas quelqu’un qui un jour se dit pour une solution à deux Etats et qui le lendemain ne l’est plus. »

En réponse, Amidror a mis en avant le projet présenté par le président américain Barack Obama, soumis à Abbas en mars 2014 auquel, selon lui, le leader palestinien n’a jamais répondu.

« Les Américains ont présenté un projet concret, avant de dire : nous souhaitons que les deux parties négocient sur la base de celui-ci. Le Premier ministre a répondu « Je n’aime pas ça. J’ai des réserves. Mais si les Américains disent qu’il s’agit d’un bon projet, alors j’y participerai » se remémore Amidror. « Puis vint le tour d’Abu Mazen, ils (les Américains) lui donnèrent le papier, Abu Mazen dit alors : je dois consulter mes conseillers à Ramallah. Il les consulte encore aujourd’hui », ironise le militaire à la retraite.

Le Prince saoudien a, à maintes reprises, dénoncé la présence israélienne en Cisjordanie avant d’affirmer que la paix au Moyen-Orient ne pouvait être assurée avant l’établissement d’un Etat palestinien viable. « Il doit y avoir une levée de l’occupation » dit-il. « Les Palestiniens doivent avoir leur propre pays ».

Amidror réplique alors en s’adressant à l’ancien officiel saoudien « Peut-être que votre vision optimiste de la situation des Palestiniens est trop optimiste », en soulignant l’absence de volonté à négocier coté palestinien.

L’Iran et la région

Concernant l’accord sur le nucléaire iranien, les deux anciens officiels ont exprimé leur inquiétude quant à la possibilité pour Téhéran d’acquérir de la technologie militaire avancée.

Pour al-Faisal, « le Moyen-Orient devrait rester une zone dépourvue de toute arme de destruction massive », en ajoutant que « toutes les options » étaient envisageables si la République islamique venait à se diriger vers l’obtention de la bombe, n’excluant pas la possibilité pour l’Arabie Saoudite de développer ses propres capacités nucléaires à des fins militaires.

Amidror, lui, pense que l’Iran devrait travailler au développement de la bombe « quand l’accord touchera à sa fin. En principe, les Iraniens pourront devenir une puissance nucléaire, ce qui, d’un point de vue israélien, constitue une menace existentielle que nous ne pouvons pas laisser émerger. »

Le ministre de la Défense Moshe Yaalon (à droite) serrant la main du prince saoudien Turki al-Faisal à la Conférence de Munich sur la sécurité, le 14 février 2016 (Crédit : Ariel Harmoni / Ministère de la Défense)
Le ministre de la Défense Moshe Yaalon (à droite) serrant la main du prince saoudien Turki al-Faisal à la Conférence de Munich sur la sécurité, le 14 février 2016 (Crédit : Ariel Harmoni / Ministère de la Défense)

Alors qu’al-Faisal révélait l’existence d’un certain degré de coopération entre les autorités saoudiennes et l’Etat Juif qui, bien qu’infime, est une réalité lorsqu’il s’agit de menaces régionales ; il revint brusquement sur le conflit israélo-palestinien, suggérant que celui-ci empêchait les Etats arabes de travailler avec Israël en bonne intelligence.

Il souligna que « La coopération entre les Etats arabes et Israël concernant les menaces communes, d’où qu’elles viennent, y compris d’Iran, serait forcément meilleure s’il existait une véritable paix entre les nations arabes et Israël ».

Les deux officiels ont également présenté des positions similaires sur la situation en Syrie, concernant notamment le règne de Bashar et l’avènement de l’Etat islamique.

« Nous connaissons tous le monstre qu’est Assad, » disait al-Faisal à ceux réunis lors de la conférence, soulignant la responsabilité collective en matière politique et humanitaire qui incombe à tous concernant la Syrie, avant d’ajouter : « Nous sommes tous responsables de la crise syrienne. »

Amidror, lui, réaffirmait la position israélienne consistant à rester en dehors de la guerre civile qui sévit en Syrie en disant qu’ « Israël cherche à éviter toute implication dans les différents conflits ethniques qui frappent le monde Arabe », tout en suggérant que « le meilleur dénouement possible pour la Syrie est qu’elle devienne un Etat libre et démocratique. »

Il soutînt à l’assemblée que la Syrie était la preuve irréfutable que les différents conflits de la région revêtaient une plus grande importance que le conflit israélo-palestinien. Il constatait également que « le nombre d’Arabes tués par d’autres Arabes est plus élevé que le nombre d’arabes tués par des Juifs. »

Les deux anciens officiels ont aussi évoqué le rôle des Etats-Unis dans la région.

Le modérateur du débat, Robert Satloff, directeur exécutif du Washington Institute, a demandé aux conférenciers de s’exprimer sur les récentes déclarations faites par le président Obama, à Jeffrey Goldberg, du journal « The Atlantic », dans lesquelles le président (Obama) détaillait sa vision du repli américain au Moyen Orient.

Al-Faisal affirmait que « la relation stratégique entretenue avec les Etats-Unis resterait inchangée du point de vue saoudien » tout en soulignant la différence majeure entre les deux pays concernant l’approche du conflit israélo-palestinien. Pour Amidror, le plus grand désaccord entre Israël et les Etats-Unis porte lui aussi sur l’approche du conflit.

Amidror ajouta qu’il n’existe « aucun remplaçant aux Etats-Unis au Moyen-Orient » et que « ceux qui pensent que d’autres pays peuvent réaliser ce que les Etats-Unis ont fait commettent une grave erreur. »

Al-Faisal a, par ailleurs, indiqué avoir relevé un changement dans les relations entretenues entre les Etats-Unis et la région, et le rôle qu’ils y jouent.

Il croit qu’ « il doit y avoir une réévaluation de cette relation. »

Il a également exprimé une certaine empathie pour la position adoptée par le président américain : « Les Américains se sentent trop utilisés pour en attendre encore plus d’eux. Ils ne devraient plus se sentir obligés de remplir certaines responsabilités qu’ils assumaient par le passé. »

Le meeting s’acheva sur un accord : celui que cette rencontre ne présageait en rien d’une normalisation des relations entre les deux Etats.

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