Israël en guerre - Jour 365

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Opinion

Netanyahu, un escroc ? Peut-être. Une menace pour la démocratie ? Hélas, oui

Les accusations contre Netanyahu sont graves. Plus grave encore, son agressivité envers ses rivaux, les médias, la police et la justice, alors qu'il se bat pour garder le pouvoir

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu se prépare à faire une déclaration à la Knesset, le 19 décembre 2018. (MENAHEM KAHANA / AFP)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu se prépare à faire une déclaration à la Knesset, le 19 décembre 2018. (MENAHEM KAHANA / AFP)

Malgré le torrent de reportages sur les allégations de corruption auxquelles est confronté le Premier ministre Benjamin Netanyahu, la gravité de ses crimes présumés n’est pas toujours clairement comprise. La gravité des dégâts qu’il inflige délibérément à la démocratie israélienne alors qu’il cherche à se soustraire aux poursuites pénales et à empêcher sa chute du pouvoir non plus.

Le Premier ministre israélien, qui s’exprime de façon spectaculaire dans ses fréquentes apparitions télévisées en direct pour défendre sa cause, décrit les charges contre lui comme « un château de cartes » d’accusations faibles, portées par des partis d’opposition qui cherchent à nuire au pays, gonflées par certains médias qui partagent le programme de l’opposition et jalousent ses succès, des enquêtes menées par une police partiale et malhonnête, supervisée par un ministère public politisé et dirigée par un procureur général faible et incompétent qui partage le projet de la gauche.

Un nombre stupéfiant d’Israéliens, 42 % d’après un sondage publié vendredi, croit l’affirmation du Premier ministre selon laquelle Avichai Mandelblit, le procureur général nommé par Netanyahu et le principal juriste d’Israël, a effectivement capitulé devant les pressions de la gauche et les médias pour annoncer son intention de porter plainte alors que, selon Netanyahu, il n’y avait aucune raison qu’il y réponde. La grande complexité des allégations présentées par Mandelblit jeudi page après page, dans un document détaillé de 57 pages, semble avoir laissé beaucoup d’autres personnes, y compris des journalistes, dans la difficulté à saisir ce qui se trouve au cœur des questions posées.

Deux années d’enquête méticuleuse, menée par la police et supervisée par le ministère public, ont produit les preuves dévastatrices d’une campagne prolongée du Premier ministre pour subvertir une grande partie des médias libres d’Israël et de son intervention illicite au profit des magnats des médias.

Il est tout à fait légitime pour un suspect criminel d’affirmer son innocence. Il est irresponsable et dangereux, en tant que Premier ministre, de chercher, ce faisant, à affaiblir la confiance du public dans les institutions de la démocratie. Mais c’est précisément ce que Netanyahu a fait.

En plus de contester la substance des allégations, le Premier ministre travaille stratégiquement pour saper ses accusateurs. Il est tout à fait légitime qu’un suspect criminel, qu’il s’agisse d’un citoyen ordinaire ou d’un Premier ministre, affirme son innocence et expose sa version des faits. Il est toutefois irresponsable et dangereux, en tant que Premier ministre, de chercher, ce faisant, à discréditer et affaiblir la confiance du public dans les institutions démocratiques. Mais c’est précisément ce que Netanyahu a fait – en fait, c’est ce qu’il fait, avec une insouciance de plus en plus grande.

La version de Netanyahu

Dans la première des trois affaires contre lui, le Premier ministre soutient qu’il a reçu des cigares et du champagne d’un vieil ami, qu’il a aidé, car il avait réalisé un important travail de renseignement pour Israël, à obtenir un visa américain. Quel genre de Premier ministre aurait agi différemment, demande-t-il, insistant sur le fait qu’il n’y avait pas de contre-partie illicite.

Benjamin Netanyahu, lors de son premier mandat, en train de déguster un cigare, le 28 septembre 1997. (AP Photo/ Zoom 77)

Dans la deuxième des trois affaires, le Premier ministre fait valoir qu’il a eu des discussions franches et honnêtes avec l’éditeur du journal le plus vendu du pays et du site d’information le plus lu du pays. Loin de conclure un accord de contrepartie illicite avec l’éditeur pour entraver économiquement une publication rivale en lui promettant une couverture favorable, il a voté contre un projet de loi qui aurait fait avancer cet arrangement (qui n’a manifestement jamais abouti), alors que 43 députés qui ont voté pour n’ont jamais fait l’objet d’enquête.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu lit le journal à la Knesset, le 6 janvier 2010. (Crédit : Kobi Gideon/Flash90)

Et dans la dernière des trois affaires, Benjamin Netanyahu prétend qu’il a été accusé à tort par d’anciens employés qui ont menti pour sauver leur peau, et par le procureur général malavisé, d’être intervenu dans le secteur des télécommunications en Israël au profit d’un ancien ami, en échange de sa couverture favorable sur un nouveau site Internet, alors même que cela n’eut jamais lieu. Il n’a pris aucune décision concernant cet ami homme d’affaires qui ne respectait pas les recommandations de ses hauts fonctionnaires, dit-il, et il a peut-être eu « deux articles et demi » positifs sur le site en question, qui lui a toujours été défavorable.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu au téléphone dans son bureau, à Jérusalem, le 28 avril 2015. Illustration. (Crédit : Amos Ben Gershon/GPO)

Présenté avec l’humiliation et la prestance de Netanyahu dans une succession d’émissions de télévision en direct, ce récit, combiné au mantra que le complot contre lui est destiné à le destituer, et à faire tomber son gouvernement – le gouvernement qui protège Israël des ennemis arabes à l’extérieur et parfois à l’intérieur, qui réchauffe les relations d’Israël avec les principaux acteurs mondiaux, qui assure le contrôle d’une économie israélienne prospère – s’est révélé assez persuasif, ce qui n’a rien d’étonnant.

Même au terme de cette semaine tumultueuse, les sondages indiquent que le chef du gouvernement pourrait encore gagner les élections du 9 avril. D’autant plus qu’une autre de ses preuves ostensibles selon lesquelles les forces malfaisantes ne reculeront devant rien pour l’avoir, c’est que tout cela atteint délibérément un sommet juste avant ces élections – pour mieux assurer sa défaite.

Les allégations spécifiques

Contrairement à la description soigneuse de victime de la gauche, des menteurs et des imbéciles dans les hautes sphères que le Premier ministre fait de lui-même, les allégations racontent une toute autre histoire. Et si elles atteignent leur paroxysme dans les semaines fiévreuses qui précèdent le scrutin, c’est une conséquence de sa décision d’avancer les élections par rapport à leur date initialement prévue en novembre.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, son épouse Sara (au centre) et leur fils Yair aux côtés de l’actrice Kate Hudson lors d’un événement organisé au domicile du producteur Arnon Milchan (à droite), le 6 mars 2014. (Crédit : Avi Ohayon/GPO/Flash90)

Dans l’affaire 1 000, plutôt que quelques cadeaux d’un ami et de l’aide désintéressée d’un homme d’influence, les allégations indiquent une relation illicite de longue date et de vaste portée entre le Premier ministre et Arnon Milchan, producteur de Hollywood. Ce dernier et d’autres bienfaiteurs ont offert des cigares, du champagne et des bijoux à Benjamin et Sara Netanyahu pour des centaines de milliers de dollars, affirme le ministère public. En contrepartie, le Premier ministre aurait, entre autres, tenté d’élargir les dispositions d’une loi controversée sur les exonérations fiscales inexplicablement autorisés par la législation israélienne, malgré les préoccupations soulevées par les autorités fiscales israéliennes de risques de blanchiment de capitaux. La loi accorde une exonération d’impôt sur le revenu et une exonération de déclaration fiscale sur les revenus gagnés à l’étranger par les nouveaux immigrés et les résidents de retour pour une période de 10 ans ; Netanyahu aurait voulu qu’elle soit prolongée pour que Milchan en tire un avantage financier supplémentaire. Le Premier ministre aurait également agi pour promouvoir les intérêts économiques du producteur en raison de sa participation dans la Dixième chaîne de télévision israélienne (rebaptisée depuis) et dans la Deuxième chaîne de télévision (rebaptisée depuis), et il aurait utilisé les relations de Milchan pour tenter de conclure d’autres accords médiatiques prétendument illicites. Dans cette affaire, Netanyahu est accusé de fraude et d’abus de confiance.

L’éditeur et propriétaire du journal Yedioth Ahronoth Arnon « Noni » Moses arrive le 15 janvier 2017 à l’unité d’enquête Lahav 433 à Lod pour être interrogé. (Koko/Flash90)

Dans l’affaire 2 000, il aurait conspiré avec l’éditeur de Yedioth Ahronoth, Arnon « Noni » Mozes, pour entraver économiquement le quotidien Israel Hayom, financé par Sheldon Adelson et pro-Netanyahu – un tabloïd gratuit et le journal le plus lu en Israël – en échange de sa couverture favorable par Yedioth et son site web frère Ynet, le site d’information en hébreu le plus consulté en Israël. Si Netanyahu avait réussi, la couverture du pays faite par le quotidien le plus vendu du pays, Yedioth, par le « site d’information de l’Etat » Ynet et par un Israel Hayom affaibli, aurait effectivement été un concert de louanges à l’égard du Premier ministre israélien orchestrée de façon illicite. Dans ce dossier également, il sera accusé de fraude et d’abus de confiance.

Shaul Elovitch lors de la prolongation de sa détention provisoire dans l’affaire 4000 au tribunal de Tel Aviv, le 22 février 2018. (Flash90)

Dans l’affaire 4 000, Netanyahu est accusé d’être intervenu illicitement, y compris pendant deux années complètes alors qu’il était également ministre des Communications, au profit des intérêts commerciaux de Shaul Elovitch, le principal actionnaire du géant israélien des télécommunications, Bezeq. Son rôle ministériel dans deux affaires spécifiques a généré pour Elovitch, directement ou indirectement, la somme de 1,8 milliard de shekels (450 millions d’euros), selon le procès-verbal provisoire publié jeudi par le procureur général Mandelblit.

Ce document ne comportait pas d’estimation des bénéfices financiers générés par l’intervention brutale prétendument chapeautée par Netanyahu dans un autre aspect des activités de Bezeq. Ici, un directeur général du ministère des Communications, qui dirigeait la refonte complète de l’infrastructure Internet israélienne – dont le but était d’introduire la concurrence et de garantir à Israël une mise à niveau vers l’Internet rapide grâce à la fibre optique, dont son économie high-tech a besoin – a été chassé de son poste par un simple appel téléphonique du Premier ministre et remplacé par un fidèle collaborateur de Netanyahu. Cet assistant, Shlomo Filber, un ancien chef de cabinet du Premier ministre qui n’avait pas l’expertise requise pour le poste, a immédiatement été chargé par Netanyahu de modifier les politiques du ministère pour satisfaire Elovitch.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à gauche) assis avec Shlomo Filber, à l’époque chef du cabinet du Premier ministre ; Filber a signé un accord pour devenir témoin de l’Etat, semblerait-il pour témoigner contre Netanyahu, le 21 février 2018. (Capture d’écran/Hadashot news)

Comme le décrit Mandelblit, le Premier ministre a convoqué Filber dans son bureau, l’a informé qu’Elovitch n’était pas satisfait des stratégies du ministère et lui a demandé de s’assurer que le magnat soit dorénavant satisfait. Le nouveau ministre a consciencieusement entrepris le remaniement de la politique du ministère au profit d’Elovitch, en ouvrant un « canal secret de communication » avec Bezeq et se rangeant du côté de l’avis de ce dernier, appelant au blocage de la réforme télécom. Sur les ordres de Netanyahu, Filber a agi de façon « radicale » par rapport à la manière dont un directeur général de ministère est supposé se comporter, écrit Mandeblit, et cela a conduit à « l’extrême déséquilibre » de la politique ministérielle concernant Bezeq.

Dans l’un des passages les plus significatifs du jargon juridique à charge de Mandelblit, le procureur général écrit ce qui suit : « M. Netanyahu a utilisé son pouvoir et son autorité en tant que haut fonctionnaire pour faire avancer des questions liées aux affaires de M. Elovitch et à ses intérêts économiques et à ceux du groupe Bezeq, notamment en donnant des instructions aux fonctionnaires qui lui signalaient qu’il agissait en s’écartant radicalement des normes ». Il poursuit, avec férocité : « Les actions de M. Netanyahu ont été menées dans un conflit d’intérêts, en tenant compte de considérations extérieures liées à ses propres intérêts et à ceux de sa famille, et ont entraîné la corruption des fonctionnaires se trouvant sous sa direction ».

Bezeq workers installing fiber optic cables (Photo credit: Courtesy)
Des ouvriers de Bezeq installant des câbles de fibre optique. (Crédit : Autorisation)

Pourquoi Netanyahu aurait bloqué une réforme des télécommunications vitale pour les intérêts d’Israël, ayant des effets sur des millions d’Israéliens en raison de la lenteur de leur Internet, et qui se manifeste par des enquêtes qui montrent que la « Startup Nation » se situe de plus en plus loin de ses concurrents en termes de débit Internet. Parce qu’en retour, le procureur général allègue qu’Elovitch a « radicalement bousculé » à l’avantage de Netanyahu la couverture politique par Walla – le site d’information hébreu qu’il possède, deuxième après Ynet en termes de trafic.

Il ne s’agit pas d’intervention occasionnelle ici ou là, les allégations le montrent clairement, mais de la refonte, de la subversion et de la censure d’une source d’information équitable par un média qui a fait ce que le Premier ministre lui a demandé, avec des reportages hostiles sur lui et sa femme bloqués ou retirés, et des reportages hostiles sur ses rivaux, surtout autour des élections générales de 2013 et de 2015. Il s’agit de la plus importante des trois affaires visant Netanyahu, dans laquelle il doit être accusé de fraude et d’abus de confiance et, avec Elovitch, de corruption.

La contre-attaque

Voilà pour les allégations.

Plus grave encore – oui, plus grave encore – et cela ne fait de doutes pour personne, le Premier ministre s’est efforcé sans retenue de discréditer les autorités qui ont formulé ces allégations publiquement. Au fur et à mesure que les enquêtes s’intensifiaient, les agressions verbales de Benjamin Netanyahu contre ceux qui osent l’interroger se sont amplifiées, et la variété de cibles s’est élargie, pour finalement inclure toutes les fondations sur lesquelles repose notre société libre.

MK Ahmad Tibi speaks with prime minister Benjamin Netanyahu during a Knesset session (photo credit: Kobi Gideon/Flash90)
Le député Ahmad Tibi avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu à la Knesset. (Crédit : Kobi Gideon/Flash90)

Le Premier ministre a affirmé à maintes reprises que les allégations ont été lancées et gonflées par une opposition politique de gauche amoureuse des Arabes, qui sait qu’elle ne peut le battre par des moyens loyaux dans les urnes et tente ainsi, de façon méprisable, de forcer son éviction par les tribunaux.

La stratégie : présenter l’opposition politique israélienne comme illégitime et anti-patriotique. Seuls lui et son gouvernement, insiste-t-il presque quotidiennement, peuvent être chargés de l’intendance de ce petit pays soumis à de multiples menaces.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu sur Likud TV sur Facebook, le 3 février 2018. (Capture d’écran Facebook)

Le Premier ministre a en outre plusieurs fois affirmé que les allégations avaient été implacablement alimentées par les médias israéliens de gauche et bolcheviques, qui sont de connivence avec les partis politique de gauche. Il propage ce récit directement via la nouvelle chaîne du Likud sur Internet et les réseaux sociaux.

Mais surtout, Netanyahu livre aussi ses attaques répétées contre les médias lors d’événements régulièrement couverts en direct et diffusés dans les salons des Israéliens par ces mêmes médias apparemment biaisés, notamment par des émissions en direct de ses propres bureaux, qui sont diffusées sans interruption aux heures de grande écoute.

La stratégie : dépeindre la partie des médias qu’il ne contrôle pas comme biaisée, peu fiable et anti-israélienne.

Le chef de la police Roni Alsheich et le Premier ministre Benjamin Netanyahu, photographiés au cabinet du Premier ministre à Jérusalem, le 3 décembre 2015. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

M. Netanyahu a également progressivement intensifié ses critiques à l’égard des forces de police qui l’ont interrogé et qui, l’année dernière, ont conclu qu’il devrait être accusé de corruption dans les trois affaires portées contre lui. (De telles recommandations de la police n’ont aucun poids légal en Israël ; la décision finale revenant au seul procureur général). Les efforts visant à discréditer la police ont culminé avec la remise en question directe de l’intégrité de certains enquêteurs. Le chef du gouvernement a effectivement affirmé que les policiers étaient à ses trousses depuis le début et a refusé de prolonger le mandat du chef de la police nationale, Roni Alsheich, pour une quatrième année comme il est de coutume. Ce dernier avait été nommé par Netanyahu lui-même et réalisé un bilan impressionnant. Il n’avait aucune raison concevable d’être hostile au Premier ministre, personnellement ou idéologiquement. Ancien officier de Tsahal et chef-adjoint des services de renseignement du Shin Bet, Roni Alsheich est également un homme religieux qui, enfant, vivait dans une implantation de Cisjordanie, Kiryat Arba, mal aimée de l’opposition israélienne et soutenue par le Premier ministre.

La stratégie : montrer que la police est corrompue et indigne de confiance, avec des implications potentielles désastreuses pour l’État de droit en Israël.

Le procureur général Avichai Mandelblit, (à gauche), et le procureur de l’Etat Shai Nitzan à une conférence organisée au ministère de la Justice de Tel Aviv, le 21 décembre 2016. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Enfin, au cours des dernières semaines et des derniers jours, alors que Mandelblit peaufinait les documents officiels établissant l’intention de l’inculper, Netanyahu s’est mis à cibler le ministère public.

Il allègue qu’il a été traité injustement et victime d’un coup monté ; qu’on l’a empêché de confronter ses accusateurs ; que des témoins clés qui peuvent attester de son intégrité n’ont pas été convoqués pour témoigner, de manière inexplicable. Jeudi, peu après la publication des documents officiels, il a affirmé que deux des plus hauts procureurs de l’État ont fait pression pour l’inculper pour des motifs politiques – même si l’une de ces procureurs, Liat Ben-Ari, a poursuivi son prédécesseur Ehud Olmert, incarcéré pour corruption en 2016. Et il s’est mis à dépeindre Mandelblit – son propre ancien secrétaire de cabinet – comme un homme faible, qui s’est avéré incapable de résister à la pression incessante de toutes ces autres forces qui conspirent pour le faire tomber.

Dans ce même discours jeudi, il est allé plus loin que jamais dans son attaque contre Mandeblit, accusant directement le procureur général et son équipe non seulement de céder à la gauche, mais de ne faire qu’un avec eux, afin de le faire tomber : « Pour la première fois dans l’histoire d’Israël, un processus d’audience [criminelle] a été lancé quelques jours avant les élections », a-t-il noté. « Tout le monde peut voir que le timing est scandaleux, destiné à renverser la droite et à aider la gauche à prendre le pouvoir. Il n’y a pas d’autre explication à l’insistance de ce timing. C’est leur but, inonder le public d’accusations ridicules contre moi sans me donner l’occasion de réfuter ces accusations avant les élections ».

Entre-temps, lorsque la Cour suprême de justice a rejeté jeudi une requête du Likud visant à faire cesser la publication de l’acte d’accusation provisoire avant les élections, son parti a publié un communiqué visant à discréditer la Cour, critiquant les juges pour leur décision de « ne pas empêcher la gauche d’influencer manifestement ces élections ».

La stratégie : présenter l’establishment juridique israélien comme indigne de confiance – en tant que gauchistes, ou comme des faibles sous la coupe de la gauche – avec des conséquences potentielles désastreuses pour l’État de droit en Israël.

Pourquoi tout cela est-il si dangereux ? Parce que si les policiers et les procureurs sont véreux et partiaux, si même les anciens chefs de l’armée devenus responsables politiques (comme son principal rival Benny Gantz) veulent nuire à notre pays, si nos médias ne sont pas fiables, alors pourquoi les citoyens devraient-ils en tenir compte ? Pourquoi devrions-nous même payer nos impôts ? Pourquoi devrions-nous contenir notre agressivité ? Pourquoi devrions-nous contribuer à la défense du pays ? Pourquoi devrions-nous chercher autre chose que nos intérêts les plus personnels ?

Un Premier ministre responsable, aussi lésé qu’il soit et convaincu de son innocence, aurait dû depuis longtemps réfléchir à ce qui pourrait arriver à son Israël bien-aimé si ses citoyens commençaient à se poser ce genre de questions. Qu’en est-il alors de la cohésion interne d’Israël alors qu’il lutte pour réconcilier toutes ses divisions religieuses, démographiques, économiques et sociales internes complexes ? Qu’en est-il alors de sa résilience face à tous les défis de cette région dangereuse ?

A la croisée des chemins

Où tout cela mènera-t-il – cette bataille entre Netanyahu et les institutions centrales de l’Etat qu’il accuse d’être malhonnêtes envers lui – est une question que tout le monde se pose. Politiquement et juridiquement, de nombreuses voies sont ouvertes.

Le Premier ministre pourrait ne pas être réélu le 9 avril, accepter la défaite avec dignité, céder le pouvoir et se concentrer sur ses batailles juridiques en tant que simple citoyen. Ou bien il peut ne pas se faire réélire et chercher à contester le résultat, en prétendant qu’il a été lésé et qu’il a été forcé illégitimement de quitter ses fonctions. Les présages ne sont pas particulièrement encourageants. C’est l’homme qui, le jour des élections de 2015, a tenté de maximiser la participation de la droite en prétendant que les Arabes votaient en masse, et qui a négocié un accord le mois dernier pour légitimer un parti de disciples du rabbin raciste Meir Kahane, qui préférerait que les citoyens arabes n’aient pas le droit de vote du tout.

Benjamin Netanyahu délivrant un message le jour du scrutin, le 17 mars 2015. (Capture d’écran YouTube)

Netanyahu peut être réélu et essayer de diriger le pays et sa défense juridique simultanément. Il pourrait, même si cela est peu plausible, persuader Mandelblit, lors de l’audience, d’abandonner les accusations prévues. Il peut décider de se retirer à un certain moment, peut-être si et quand des accusations sont effectivement déposées. (Il y a dix ans, il a exhorté le Premier ministre Olmert, impliqué « jusqu’au cou » dans les allégations de corruption, à se retirer avant qu’une décision de l’inculper ne soit prise, car ses décisions sur des questions essentielles concernant les Palestiniens pourraient être dictées par « des intérêts personnels »).

L’ancien Premier ministre Ehud Olmert à sa sortie de la prison de Ramle pour sa première permission depuis qu’il a commencé à purger sa peine de 18 mois en février 2016, le 11 juillet 2016. (Crédit : Avi Dishi/Flash90)

Il peut essayer de rester en fonction plus longtemps, pendant le procès – si la Cour suprême l’y autorise. Il pourrait vraisemblablement chercher à rester en poste même s’il est reconnu coupable, jusqu’à ce que toute la procédure d’appel soit épuisée. Il pourrait essayer d’adopter une loi pour l’empêcher de faire l’objet de poursuites – en promulguant une version de la loi dite française qui le protégerait tant qu’il est en exercice. Il pourrait peut-être essayer d’utiliser une loi existante sur l’immunité, en prétendant que les accusations qui pèsent contre lui sont portées « de mauvaise foi ».

Les options sont nombreuses et, compte tenu de la manière dont l’enquête contre lui s’est déroulée ces deux dernières années – et, plus pertinent encore, de la manière dont Netanyahu a cherché à y faire face – tout est possible.

Richard Nixon dit au revoir aux membres de son personnel à l’extérieur de la Maison Blanche à Washington alors qu’il embarque dans un hélicoptère pour la base aérienne Andrews après avoir démissionné de la présidence. Le 9 août 1974. (AP Photo/Bob Daugherty, Dossier)

Il ne faut pas sous-estimer la volonté désespérée de Netanyahu de rester au pouvoir. C’est précisément cette angoisse qui l’aurait poussé à conspirer avec les éditeurs de journaux et les propriétaires de sites d’information. C’est cette angoisse qui l’aurait poussé à nuire au secteur des high tech dont il est si fier, à juste titre, pour protéger les intérêts commerciaux d’un de ces propriétaires de médias avec lesquels il était de connivence.

C’est ce désespoir qui invite maintenant à faire des comparaisons avec Richard Nixon ; comme Nixon en 1972, Netanyahu a remporté les élections en 2013 et 2015 et aurait probablement navigué sereinement jusqu’à sa réélection en 2019, n’eût été ses activités illégales présumées.

Comme je l’ai écrit ici il y a trois mois au sujet de la campagne électorale : « Mais ne négligez pas non plus un scénario à la Nixon. Paranoïaque et craignant de ne pas être réélu, Richard Nixon a eu recours à un comportement illégal pour prendre l’avantage sur ses concurrents. Malgré les preuves de plus en plus nombreuses contre lui, il a été réélu, ce qui prouve, ironiquement, qu’il n’aurait pas eu besoin de recourir à l’illégalité en premier lieu. Ça vous dit quelque chose ? Et puis tout l’a rattrapé ».

Quelques cadeaux d’amis ? Quelques articles favorables dans une mer de couverture hostile ? Non, ce n’est pas le but de l’affaire contre Netanyahu. Il s’agit des efforts présumés d’un Premier ministre pour faire plier illégalement les médias israéliens à sa volonté, afin que le public soit persuadé de sa capacité unique à diriger ce pays, tout en abusant de ‘son pouvoir et son autorité’ et en ‘corrompant les fonctionnaires travaillant pour lui’. Et il s’agit de son attaque subséquente contre les piliers de la démocratie d’Israël en tant que gardiens de la loi qui l’entourent

Et c’est ce désespoir – né de sa propre conviction que son maintien au poste de Premier ministre est vital pour l’existence même d’Israël ; que lui seul possède les connaissances, la sagesse et l’expérience nécessaires pour relever les défis du pays et le protéger – qui l’a conduit à chercher à saper la foi des Israéliens dans l’opposition politique légitime, leurs médias, leur police et leur parquet.

Quelques cadeaux d’amis ? Quelques articles favorables dans une mer de couverture hostile ? Non, ce n’est pas le but de l’affaire contre Netanyahu. Il s’agit des efforts présumés d’un Premier ministre pour faire plier illégalement les médias israéliens à sa volonté, afin que le public soit persuadé de sa capacité unique à diriger ce pays, tout en abusant de « son pouvoir et son autorité » et en « corrompant les fonctionnaires travaillant pour lui ». Et il s’agit de son attaque subséquente contre les piliers de la démocratie d’Israël en tant que gardiens de la loi qui l’entourent.

Les tribunaux n’ont pas encore statué sur la prétendue culpabilité de Netanyahu. Les accusations n’ont même pas encore été portées et – qui sait ? – ne le seront peut-être jamais.

Mais en ce qui concerne le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui représente un danger pour la démocratie israélienne – le même Premier ministre qui a tant fait pour assurer la sécurité du pays et conservé la confiance d’une grande partie de l’électorat israélien pendant la dernière décennie – le verdict est tragiquement rendu. Et il est coupable.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à gauche) s’entretient avec Avichai Mandelblit, alors secrétaire du cabinet, à Jérusalem le 27 décembre 2015. (Marc Israel Sellem/POOL)

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