Israël en guerre - Jour 371

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Interview

Israël va-t-il réélire un Premier ministre avec plusieurs enquêtes sur le dos ?

Les élections d'avril coïncideront avec la décision du procureur général d'accuser ou non le Premier ministre. Mordechai Kremnitzer, professeur de droit, explique les cas de figure

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu annonce la tenue d'élections en avril 2019, lors d'une réunion de faction du Likud à la Knesset, le 24 décembre 2018. (Yonatan Sindel/FLASH90)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu annonce la tenue d'élections en avril 2019, lors d'une réunion de faction du Likud à la Knesset, le 24 décembre 2018. (Yonatan Sindel/FLASH90)

Le Premier ministre, victime auto-proclamée d’une chasse aux sorcières politique impliquant l’opposition, les médias et la police, cherche à se faire réélire en avril précisément au moment où le procureur général se demande s’il doit l’inculper pour corruption, abus de confiance et/ou autres allégations dans trois affaires de corruption.

Immédiatement après que Netanyahu a annoncé qu’il procéderait à des élections, la discussion a porté sur la question de savoir si le Premier ministre convoquait des élections sept mois avant leur date prévue en partie pour protéger sa situation juridique.

Il a d’abord été suggéré que les élections pourraient désormais avoir lieu avant que le procureur général Avichai Mandelblit ne parvienne à une conclusion sur l’opportunité d’inculper ou non Netanyahu, en attendant une audience, situation bien meilleure pour le Premier ministre que la réélection dans une atmosphère plus noire, après une recommandation pour le mettre en examen. D’autre part, si, comme on s’y attend en général, Netanyahu sort à nouveau vainqueur des urnes, cette nouvelle reconnaissance publique pourrait compliquer la tâche de Mandelblit de le traduire en justice.

Dans quelle mesure ces évaluations sont-elles exactes ? M. Mandelblit sera-t-il dissuadé de publier ses conclusions à l’approche des élections parce qu’il souhaite ne pas préjuger de leur issue ? Pourrait-il être dissuadé d’inculper un Premier ministre nouvellement réélu ? Quelle est la gravité des allégations contre Netanyahu, au juste ?

Mordechai Kremnitzer, l’une des principales autorités israéliennes en matière de droit pénal et constitutionnel, ancien doyen de la faculté de droit de l’Université hébraïque, ancien président du Conseil de la presse israélienne et chercheur principal à l’Institut israélien de la démocratie, a été interviewé par le Times of Israel pour obtenir une réponse précise ou au moins experte à ce propos.

Professeur Mordechai Kremnitzer (Kobi Gideon/Flash90)

Soulignant la difficulté d’évaluer les preuves contre Netanyahu sans en avoir eu connaissance directement, Kremnitzer brosse néanmoins un tableau très sombre des affaires concernant le Premier ministre.

Il ne voit aucun moyen raisonnable pour Mandelblit de faire autre chose que d’inculper Netanyahu, y compris pour la grave infraction de corruption. Et il s’inquiète de la manière dont l’inculpation d’un Premier ministre très populaire pourrait se dérouler en Israël, bien qu’il veuille espérer, dit-il, que la réponse à une telle accusation parmi les partisans de Netanyahu ne sera pas aussi virulente au point de mettre ici l’État de droit en jeu.

Il se demande si des membres de la Knesset fidèles à Netanyahu pourraient chercher à adopter une loi – après une victoire électorale et avant le dépôt final d’un acte d’accusation – qui protégerait un Premier ministre en exercice contre des poursuites. Il renvoie également le Times of Israel à une clause peu connue de la loi sur l’immunité des membres de la Knesset qui accorde déjà l’immunité à un député qui a été inculpé « de mauvaise foi ». D’ordinaire, l’idée que les députés voteraient en faveur d’une telle immunité pour Netanyahu contre les poursuites par l’État serait impensable, souligne-t-il. En effet, même aujourd’hui, c’est très improbable. Mais étant donné que c’est précisément ce que Netanyahu prétend – qu’il est la victime innocente d’une vendetta politique – « ce n’est peut-être pas impossible ».

Ce qui suit est une transcription légèrement révisée de notre interview, qui a été menée en hébreu.

Comment l’annonce d’élections anticipées affectera-t-elle le travail du bureau du procureur général, alors qu’Avichai Mandelbit examine les documents et détermine s’il y a lieu d’inculper le Premier
ministre ?

Selon le calendrier annoncé par le ministère public avant la convocation des élections, ils achèveront leurs travaux d’ici mars. S’ils le font d’ici mars, il me semble qu’ils devront alors publier leurs conclusions. Et si leurs conclusions sont d’inculper, en attendant une audience, ils le diront.

Le procureur général Avichai Mandelblit lors d’une conférence à Jérusalem le 5 février 2018. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

En fait, les élections renforcent l’obligation de le faire, puisque le public a le droit de savoir ce que le procureur général pense du dossier. Si sa conclusion est d’inculper en attendant une audience, il n’y a aucune raison de le cacher au public.

D’ailleurs, dans la mesure où le forum de discussion est plutôt large, il n’y a aucune chance qu’il n’y ait pas de fuites de toute façon. Mais c’est une considération mineure.

S’ils font leur travail, ils devront publier.

Dans quelle mesure pensez-vous que les complications juridiques de Netanyahu influeraient sur les élections ?

Sa position est meilleure tant qu’il peut dire que c’est seulement la police qui recommande qu’il soit inculpé. Une fois que le procureur général le dit, c’est différent.

Netanyahu soulignerait alors probablement qu’il n’a pas encore été auditionné. Il peut aussi attaquer le procureur général de la même façon qu’il a attaqué le chef de la police.

Le public va se diviser. Certains diront que c’est important. Ses partisans continueront de dire qu’il n’y a rien dans les allégations contre lui. Certains diront qu’il est peut-être corrompu, mais c’est un si bon Premier ministre que cela l’emporte sur cela.

Pensez-vous que la bataille juridique et le calendrier ont été un facteur pour le choix de Netanyahu de convoquer des élections ?

C’est difficile à savoir. Il se peut que l’une de ses considérations ait été que des élections au printemps pourraient avoir lieu avant que le procureur général n’arrive à ses conclusions – ce qui signifie que sa situation vis-à-vis du public pourrait être meilleure. Et il se peut en effet que le procureur général ne termine pas son travail à temps.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu salue ses partisans et se réjouit de sa victoire aux élections générales au siège du Likud à Tel Aviv, le mardi 17 mars 2015. (Crédit photo : Miriam Alster/FLASH90)

Netanyahu peut aussi penser que si les élections ont lieu après que le procureur général publie une accusation et avant l’audience et qu’il gagne, il sera plus difficile pour les magistrats de le mettre en accusation, car le public le soutient si fortement, même en sachant qu’il pourrait être considéré comme corrompu.

Cela pourrait ouvrir la porte à des initiatives à la Knesset, par exemple, pour légiférer la soi-disant loi française (empêchant le Premier ministre d’être inculpé pendant son mandat), les partisans de Netanyahu se prévalant de la volonté du peuple à ne pas nuire au Premier ministre.

Cela pourrait donc avoir une incidence sur le processus juridique ?

Je ne crois pas que les autorités juridiques décisionnaires seront influencées. Mais d’autres personnes occupant des postes importants (politiques) peuvent penser différemment. Ils peuvent penser que l’opinion publique peut influencer les autorités compétentes.

J’aimerais que vous évaluiez les allégations contre Netanyahu – pour nous donner une idée de la gravité de ce que vous pensez, si elles mèneront à une mise en accusation, et ainsi de suite. Je me souviens toujours de l’affaire des îles grecques (un scandale politique dans lequel il semblait probable que le Premier ministre Ariel Sharon serait inculpé, mais le procureur général Menachem Mazuz a choisi de ne pas porter plainte) lorsque j’essaie d’évaluer la gravité des allégations des élus politiques. Je me souviens que je suis allé à la conférence de presse où Mazuz a annoncé qu’il classait l’affaire. En tant que profane, je pensais que cela sentait mauvais. Mais il a classé l’affaire à contrecœur, disant qu’il n’y avait aucune chance d’obtenir une condamnation. Et cela résonne toujours en moi.

Pour moi aussi. C’est pourquoi il est très difficile de faire une évaluation sur ces questions, surtout lorsque cette évaluation est fondée sur des rapports des médias. Je n’ai vu aucune des preuves (contre Netanyahu) de première main. Cela dit, je pense que Mazuz a fait une erreur.

Comment pouvez-vous expliquer cela ? Il n’a pas tenu compte des preuves ? Pourtant, c’est un juriste respecté, qui siège maintenant à la Cour suprême ?

L’ancien procureur général israélien Meni Mazuz. Le 16 décembre 2013. (Crédit photo : Miriam Alster/FLASH90)

J’ai deux explications. Premièrement, lorsqu’il est entré en fonction, il était d’avis que l’accent mis sur la corruption politique était erroné.

Je pense que sa vision n’était pas de traiter avec les gros bonnets, mais de travailler pour une société qui fonctionne de façon ordonnée. Je pense qu’il a vendu cette vision à ceux qui l’ont nommé. C’est pourquoi il ne se sentait pas à l’aise, au début de son mandat, consciemment ou inconsciemment, d’affronter soudainement le Premier ministre.

Deuxièmement, je pense qu’il a été offensé par le fait que (la procureure générale) Edna Arbel avait bouclé l’affaire et lui a présenté une contre-proposition (d’inculper Sharon). Je pense qu’il estimait qu’elle aurait dû l’attendre par collégialité (avant de formuler ses conclusions). Mazuz a ensuite mis sur pied sa propre équipe (pour examiner les preuves contre Sharon) et quelque chose de très intéressant s’est produit. Et ça pourrait arriver dans ce cas. Il n’a certainement pas dit à son équipe, je veux classer l’affaire, mais son équipe a senti que son inclination était négative quant au fait de porter plainte.

Vous pouvez parfois entendre dans les médias qu’il s’agit d’une affaire imparable, c’est-à-dire d’une affaire en béton armé. Mais il y a toujours un certain risque pour le ministère public que le tribunal n’accepte pas sa version

Et c’est ainsi qu’il s’est avéré que toute l’équipe d’Arbel a prôné un procès, et tous ceux qui ont travaillé dans l’équipe Mazuz en sont venus à la conclusion contraire.

Pardonnez ma naïveté, mais n’est-ce pas noir ou blanc ? Peut-il vraiment y avoir une situation où l’attitude [d’un procureur général] décidera qu’une affaire doit être classée, même lorsqu’il y a apparemment une infraction grave à la loi ?

Les politiciens expérimentés sont des gens intelligents. Ils ne sont pas dupes. Quand les gens intelligents font des choses qui sont illégales, ils savent comment les faire (de manière à éviter les poursuites). Il est très rare (qu’ils soient pris au piège en agissant bêtement).

Quand Netanyahu a été enregistré avec Moses, je suis sûr qu’il n’a pas pensé une seconde qu’une cassette était en train d’enregistrer. (Les conversations enregistrées sur bande magnétique entre Netanyahu et Arnon Moses, l’éditeur du journal Yedioth Ahronoth, sont au cœur de l’affaire 2000, dans laquelle Netanyahu et Moses auraient négocié un accord selon lequel le Premier ministre aurait entravé, sur le plan législatif, le quotidien gratuit Yisrael Hayom, ce qui aurait avantagé financièrement le journal de Moses, et Yedioth en retour aurait accordé une meilleure couverture à Netanyahu).

L’ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert et Shula Zaken, son ancienne proche collaboratrice, devant le tribunal de district de Jérusalem, le 15 novembre 2010. (Crédit photo : Miriam Alster / Flash90)

Il est très rare qu’ils se comportent de manière à laisser des empreintes digitales évidentes. Ils savent comment agir, y compris en utilisant des gens qui sont prêts à prendre des coups pour eux. Tel a été le cas de Shula Zaken (proche collaboratrice de l’ancien Premier ministre Ehud Olmert, dont le témoignage contre lui a été déterminant dans sa condamnation pour corruption. Elle est restée à ses côtés) jusqu’au moment où la stupide équipe de défense d’Olmert a réussi à l’insulter et à la tourmenter. Si, comme Olmert le souhaitait, elle avait continué (pour soutenir son récit) jusqu’au bout, il aurait été impossible de le condamner sur les principaux points.

Les politiciens expérimentés ont leurs méthodes. Vous pouvez parfois entendre dans les médias qu’il s’agit d’une affaire imparable, c’est-à-dire d’une affaire en béton armé. Mais il y a toujours un certain risque pour le ministère public que le tribunal n’accepte pas sa version. Et puis il y a la question de savoir si vous, en tant que procureur, surtout lorsqu’il s’agit d’une affaire impliquant le Premier ministre, êtes prêt à prendre le risque que le résultat soit un acquittement complet ou même partiel.

Ainsi, avec toutes les affaires Netanyahu, voyez-vous une possibilité pour le procureur général de dire : je suis désolé, je ne suis pas prêt à prendre le risque ?

Ici, ce sera difficile, en partie parce qu’il y a plusieurs affaires. Il sera difficile de convaincre le public que dans tous ces cas, il n’y a rien (qui ne mérite des poursuites). De plus, le procureur général, pour le meilleur ou pour le pire, s’est impliqué dans ces enquêtes. Il est en plein dedans. Il y a quelque chose de déraisonnable à superviser une enquête sur un Premier ministre en exercice, pendant des années, lorsque le Premier ministre dit qu’il n’y a rien ici et qu’il finit par dire, non, il n’y a rien. Cela donnerait une très mauvaise image de toute cette hiérarchie.

Pourquoi ?

La question serait : Pourquoi avoir tant investi dans ce « rien » ?

De plus, nous avons ici un Premier ministre qui s’exprime. Il n’est pas silencieux. Nous connaissons sa version, nous connaissons ses explications. Et donc, si vous, en tant que procureur général, permettez à la police de rédiger sa sommation (recommandant que Netanyahu soit poursuivi dans les trois affaires), une sommation aussi sévère que celle qu’ils ont écrite….

Il leur « permet » de rédiger cette sommation. C’est comme ça que vous voyez les choses ?

Oui. Il est difficile d’imaginer que le procureur n’ait pas vu ce document. Ils ont accompagné tout ce processus. Ce n’est pas que la police enquête toute seule. Il y a un accompagnement continu de l’accusation dans toutes ces affaires. Ils ont des réunions. Il y a des mises à jour pour le procureur de l’Etat et le procureur général. Je ne crois pas que la police aurait publié une telle recommandation sans que l’accusation ne l’examine. Je ne sais pas ce qu’il en est. Je le crois.

Ensuite, il y a le fait que la procureur de district, Liat Ben Ari, [qui aurait recommandé que Netanyahu soit inculpé dans les trois affaires, et certains rapports indiquent qu’elle recommande des accusations de corruption dans les trois] est une procureur qui a beaucoup d’expérience. Une procureur dont Mandelblit lui-même a dit qu’elle est tout à fait capable de classer une affaire si elle ne pense pas qu’elle remplit les critères nécessaires. Si elle dit ce qu’elle dit, puis que le procureur général vienne dire qu’il n’y a rien ici, je ne pense pas que ce soit réaliste.

Pouvons-nous passer en revue les trois affaires ? Dites-moi ce que vous considérez comme le cœur du problème dans chacune d’elles.

Commençons avec l’affaire 1000, avec les cadeaux. En principe, vous savez qu’il y a deux infractions principales lorsqu’il s’agit de gouvernance corrompue. Le mot « corruption » n’apparaît pas dans la loi. Ce n’est pas un terme juridique.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, son épouse Sara (au centre) et leur fils Yair aux côtés de l’actrice Kate Hudson lors d’un événement organisé au domicile du producteur Arnon Milchan (à droite), le 6 mars 2014 (Crédit : Avi Ohayon/GPO/Flash90)

La première infraction grave est le crime classique de corruption. Donner des pots-de-vin ; accepter des pots-de-vin.

Le deuxième est l’abus de confiance. Cette dernière infraction est plus problématique, car elle est plus vague. Il y a eu des critiques écrites au sujet de ce délit. J’ai moi-même écrit des critiques. La Cour suprême a tenté de clarifier cela, mais à mon avis, elle n’a pas réussi à le faire. À mon avis, ce qu’il faut, c’est une loi qui serait plus précise en ce qui concerne cette infraction. L’accusation pense que c’est bien que ce soit vague – c’est plus ouvert. À mon avis, c’est mauvais pour l’accusation parce que les juges n’aiment pas ça. C’est donc une sorte de boomerang. Ce n’est pas un hasard si l’on distingue le crime classique de corruption et le crime d’abus de confiance, qui est, disons, un crime problématique.

En même temps, ce n’est pas le cas, comme l’a dit Olmert, que l’abus de confiance est simplement une infraction administrative ou disciplinaire, et non une infraction criminelle. Il s’agit d’une infraction criminelle, et il peut y avoir des cas d’abus de confiance qui sont encore plus graves que les infractions de corruption. Mais dans le classement des infractions, il est clair que la corruption est beaucoup plus importante. C’est un crime, par opposition à un délit mineur.

Le cas des cadeaux met en évidence la distinction entre corruption et abus de confiance. Et j’ai besoin de dire quelque chose à propos de la corruption que je pense que beaucoup de vos lecteurs ne connaissent pas et il se peut que Mazuz n’a pas compris : Il n’est pas nécessaire de prouver que le bénéficiaire du pot-de-vin a fait quelque chose en échange du pot-de-vin qu’il a reçu.

Si je suis fonctionnaire et escroc et que je prends l’argent des gens en leur faisant croire que je vais faire des choses en leur faveur, mais qu’en pratique je ne les aide pas… c’est suffisant pour commettre l’infraction de recevoir des pots-de-vin. Je mentionne cela parce que Mazuz [en exposant les raisons pour lesquelles il a classé l’affaire de l’île grecque] n’arrêtait pas de demander : « Qu’est-ce qu’il a obtenu en retour ? Où est le bénéfice ? »

Il n’est pas nécessaire qu’il y en ait un. Bien sûr, du point de vue de la preuve, si vous pouvez prouver l’ensemble de la boucle, si vous pouvez prouver l’avantage, cela renforce l’argument. Et le rend plus grave. Mais du point de vue de la loi, ce n’est pas obligatoire.

James Packer, co-président de Melco Crown Entertainment, intervient lors d’une conférence de presse du projet Studio City à Macao, le 27 octobre 2015. (Kin Cheung/AP)

D’après ce que j’ai lu, Netanyahu et son épouse ont reçu pendant des années toutes sortes de choses de deux personnes, surtout d’Arnon Milchan et de James Packer. Les sommes évoquées se comptent en centaines de milliers de shekels. On m’a dit un million. Ça n’a pas d’importance. Une somme considérable.

Il n’est pas clair de savoir dans quelle mesure ces dons peuvent être considérés comme des dons, car on prétend qu’au moins une partie de ceux-ci ont été consentis en réponse aux demandes [des Netanyahu]. Apparemment, la collaboratrice de Milchan, qui s’occupait de ces affaires, tenait des dossiers, et son témoignage, qui est apparemment bon pour l’accusation et mauvais pour Netanyahu, suggère que des choses ont été demandées ou exigées.

L’affirmation de Netanyahu selon laquelle ces cadeaux étaient une marque d’amitié exige un examen attentif, car vous ne savez pas – quand vous parlez de politiciens et d’hommes d’affaires éminents, même quand ils se retrouvent pour une occasion sociale – ce qui constitue une amitié véritable et une relation où chacun espère tirer profit de l’autre.

Si Netanyahu savait, au moment où lui et/ou sa femme recevaient ces cadeaux, qu’on attendait quelque chose de lui en retour, c’est de la corruption

Si vous êtes membre de la Knesset et que vous demandez à la commission d’Éthique, ils vous diront que vous êtes autorisé à accepter un cadeau de valeur symbolique seulement – un livre, une bouteille de vin, un bouquet de fleurs – d’une valeur de 100 ou 150 shekels. L’instruction aux fonctionnaires est que si vous voulez accepter des cadeaux, ils ne doivent avoir qu’une valeur symbolique. Il est difficile de conclure que le montant des dons [reçus par les Netanyahu], même s’ils s’échelonnent sur plusieurs années, répond à cette norme.

Si vous êtes un haut fonctionnaire et que vous acceptez des cadeaux, et que vous demandez des cadeaux, je pense que vous comprenez qu’il y a un lien entre votre travail et les cadeaux que vous recevez. Et qu’un homme d’affaires s’attendra à ce qu’il obtienne quelque chose en retour. Et que le bénéfice qu’il en tirera ne sera pas du niveau d’une bouteille de champagne.

Si Netanyahu savait, au moment où lui et/ou sa femme recevaient ces cadeaux, qu’on attendait quelque chose de lui en retour, c’est de la corruption. S’il ne s’en est pas rendu compte, c’est quand même un abus de confiance. Il me semble qu’il serait très difficile d’échapper à un abus de confiance.

L’avocat du Premier ministre Benjamin Netanyahu, Yaakov Weinroth, en audience devant la Cour suprême à Jérusalem le 24 février 2014. (Yonatan Sindel/Flash90)

Il a été suggéré que l’avocat de Netanyahu [récemment décédé], Yaakov Weinroth, lui avait assuré qu’il avait le droit [d’accepter ces cadeaux]. Je ne crois pas que cette revendication tiendra la route.

Deux raisons : Tout d’abord, il m’est difficile de croire que Weinroth a été pleinement informé de l’ampleur et des circonstances de ces dons, y compris que certains de ces dons ont été fournis en réponse à une demande en ce sens.

Deuxièmement, même si Weinroth était au courant de tout – et puisqu’il est mort, il serait peut-être possible de faire cette affirmation – je ne pense pas que le tribunal déterminerait que votre avocat qui vous dit que c’est bien quand ce n’est pas bien est suffisant pour vous soustraire aux conséquences juridiques. Donc je ne crois pas que l’opinion de Weinroth sauvera Netanyahu. Mais bien sûr, il est impossible d’en être certain.

Quelle serait la gravité d’une condamnation pour abus de confiance dans l’affaire 1000 ?

Une question clé est de savoir si la condamnation est porteuse de ce qu’on appelle la « turpitude morale ». Cela affecte la capacité de continuer à exercer ses fonctions. Encore une fois, la question de la turpitude morale est quelque peu vague. L’opinion généralement admise est que l’abus de confiance est porteur de turpitude morale. Mais il y a eu des verdicts où ce n’était pas le cas. Cette question fera l’objet d’un débat considérable. Si Netanyahu n’est reconnu coupable que d’abus de confiance, je crois qu’il n’irait pas en prison.

Il pourrait même éventuellement continuer à être Premier ministre ?

S’il était établi que l’infraction ne comportait pas de turpitude morale, alors oui, d’un point de vue juridique.

Autant pour l’affaire 1000. Passons maintenant à l’affaire 2000.

Ok, l’affaire Moses. Lorsque la nouvelle de ces enregistrements a été rendue publique, il a été dit que l’accusation doutait que ces discussions aient révélé l’infraction de corruption. Peut-être, a-t-on suggéré, ont-ils seulement montré quelque chose d’inapproprié. En supposant que ce que l’on nous dit dans ces discussions enregistrées se trouve bien dans ces enregistrements, je ne comprends pas cette affirmation.

L’affaire 2000, pour moi, constitue une corruption du plus haut niveau que l’on puisse imaginer

Ce qu’on nous dit dans ces discussions, c’est que Moses a un intérêt considérable dans une législation qui limiterait Yisrael Hayom, parce que Yisrael Hayom met Yedioth en danger économiquement. Yisrael Hayom fonctionne comme un journal gratuit, avec des intérêts autres que commerciaux, ce qui lui donne un avantage que Yedioth ne peut pas concurrencer. C’est pourquoi Moses veut une loi [pour entraver Yisrael Hayom].

Netanyahu, de son côté, veut une couverture de soutien de la part du Yedioth. Et les discussions contenaient apparemment des éléments précisant exactement comment cela devait être fait, y compris, qui voulez-vous voir travailler chez Yedioth pour que sa couverture soit plus confortable pour vous, et ainsi de suite.

Pour moi, cela constitue une corruption du plus haut niveau que l’on puisse imaginer.

D’une part, vous avez la promesse d’utiliser le pouvoir de gouvernance le plus important dans une démocratie, à savoir la législation, pour des raisons douteuses. Et d’un autre côté, vous avez l’asymétrie des connaissances du public, selon laquelle un journal qui était opposé au Premier ministre au lieu de le critiquer fait soudainement les éloges du Premier ministre, tout simplement en raison de la conclusion d’un accord.

Arnon « Noni » Moses, éditeur et propriétaire du quotidien Yedioth Ahronoth, avant d’être interrogé par l’unité Lahav 433 à Lod, le 15 janvier 2017. (Crédit : Koko/Flash90)

Il existe des relations entre les journalistes et les politiciens, par exemple, vous me donnez quelque chose et je vais vous donner une couverture positive. Je ne pense pas que ce soit le cas ici. Pas compte tenu de l’ampleur, des implications sociales et publiques et des implications pour la démocratie. C’est d’une portée totalement différente.

J’ai pensé dès le début, en lisant les descriptions de ces discussions entre Netanyahu et Moses, qu’il s’agit d’un cas très grave de corruption – car dans un cas de corruption, selon la définition juridique, le marché illicite n’a pas besoin d’être effectif. Une personne qui propose un tel marché, même s’il n’est pas accepté, est considérée comme ayant commis une infraction.

Même si une telle offre est refusée ?

Oui.

Une personne qui demande un pot-de-vin, même si elle n’en reçoit pas, est considérée comme ayant accepté un pot-de-vin. Et celui qui offre un pot-de-vin, même s’il est rejeté, est considéré comme ayant offert un pot-de-vin. Et la corruption n’exige pas que l’argent change de mains. Il y a une décision selon laquelle tout ce dont quelqu’un bénéficie peut être considéré comme un pot-de-vin.

Vous considérez l’affaire 2000 comme plus évidente que l’affaire 1000 ?

Oui.

Avez-vous une idée de la façon dont cela va se dérouler ?

Je l’ignore. Si vous m’aviez interrogé sur l’affaire de l’île grecque avant qu’elle n’atteigne le bureau de Mazuz, j’aurais répondu : Bien sûr que cela mènera à une mise en accusation.

Soit dit en passant, s’il y a des gens qui pensent que si Mandelblit rend une certaine décision, la Cour suprême pourrait intervenir et l’annuler, c’est absurde. La Cour suprême n’intervient pas dans ce genre d’affaires. Et on peut comprendre pourquoi. Personne ne peut s’attendre à ce que les juges de la Cour suprême passent en revue les milliers de pages de preuves et deviennent plus experts que le ministère public. Donc, s’il y a une requête pour changer la décision du procureur général – à moins qu’il ne fasse une erreur évidente, ce qui est difficile à imaginer ; lui et son équipe sont des professionnels – il est illusoire d’imaginer qu’il y aurait intervention.

Enfin, en ce qui concerne l’affaire 4000 ?

Il s’agit également d’une affaire qui semble constituer de la corruption. (Dans l’affaire 4000, Netanyahu est soupçonné d’avoir fait avancer des décisions réglementaires en tant que ministre des Communications et Premier ministre qui ont profité à Shaul Elovitch, l’actionnaire majoritaire de Bezeq, la plus grande entreprise de télécommunications du pays, en échange d’une couverture positive du site Walla d’Elovitch).

Shaul Elovitch lors de la prolongation de sa détention provisoire dans l’affaire 4000 au tribunal de Tel Aviv, le 22 février 2018. (Flash90)

D’un côté, le Premier ministre et son épouse bénéficieraient d’une couverture de soutien et décideraient qui y travaille [à Walla !] et leurs rôles. Et l’affirmation [du Premier ministre] selon laquelle la couverture médiatique n’a pas été d’un grand soutien ne me semble pas être une affirmation sérieuse. Les journalistes ne sont pas des petits soldats, à qui l’on peut donner un ordre et qui vont tous obéir. Il y a toujours des gens qui sont plus difficiles à influencer et d’autres qui le sont moins. J’imagine que même si Netanyahu avait fait affaire avec Moses, Yedioth aurait quand même fait paraître des articles de temps à autre critiques à son égard. Les propriétaires de journaux ne sont pas complètement idiots. Il y a même certaines limites à leur influence.

De l’autre côté, il y a cette fusion de Bezeq et Yes [la société de télévision par satellite – une fusion controversée qui a été approuvée lorsque Netanyahu était ministre des Communications]. Il convient de noter ici que la police a fait ses recommandations après avoir entendu les commentaires de Netanyahu à ce sujet. Ce que nous avons entendu de Netanyahu, c’est : Que me voulez-vous ? Tout le monde était d’accord [sur la fusion Bezeq-Yes]. Je me suis contenté de signer. Eh bien, la police n’accepte apparemment pas cette explication.

Shlomo Filber, directeur du ministère de la Communication, intervient à la Knesset à Jérusalem le 24 juillet 2016. (Yonatan Sindel/Flash90)

Ce qui renforce cela, c’est qu’il y a deux témoins de l’État, en fait des cercles les plus proches : Shlomo Filber [l’ancien directeur général du ministère des Communications], qui s’est activement impliqué dans cette affaire. Nous savons, d’après la déclaration de la police, qu’il a tenu certains des responsables de la réglementation à l’écart [lorsque la fusion a été approuvée]. Et Nir Hefetz, qui connaissait la situation de l’intérieur du cabinet du Premier ministre.

Aujourd’hui, le ministère public sait que les témoins de l’État ne sont pas crédibles par définition. Il faut se méfier d’eux. Les tribunaux se méfient d’eux. De toute évidence, il faut se méfier de quelqu’un qui obtient quelque chose en échange de son témoignage. Par conséquent, lorsqu’ils parviennent à un accord avec un témoin de l’État, ils doivent d’abord s’assurer qu’ils peuvent confirmer ce qu’il a à dire à partir des autres informations. Apparemment, ils ont des enregistrements, des SMS, je ne sais pas quoi, qui appuient ces deux témoins de l’État. Je ne vois pas très bien, même si tout ceci ne tient pas toujours debout, comment Netanyahu peut se sortir de cette affaire [légalement indemne]. Il se définissait lui-même comme un ami d’Elovitch. Et la signification la plus simple de ceci est que vous ne devez pas être impliqué d’aucune façon [dans les relations d’affaires] de votre ami. Je ne vois pas comment il peut se soustraire complètement aux allégations d’abus de confiance dans cette affaire.

Nous avons vu des choses étranges. Mais (ne pas inculper) serait une chose étrange. Étrange au point d’être inexplicable

De toute évidence, ici, il y avait un marché. Et il semble qu’il y ait des dommages pour le public. Dans de nombreux cas de corruption, le public n’est pas lésé. Ici, bien que cet accord ait profité à Elovitch, il n’est pas clair qu’il s’agissait d’une bonne affaire pour le public et pour le marché israélien.

À l’arrière-plan de cette affaire, il y a en outre un Premier ministre, avec tout ce qu’il a déjà à faire, qui prend sur lui d’être le ministre des Communications. Et demandant à ses partenaires de la coalition de s’engager à l’avance à accepter tout ce qu’il veut faire dans ce domaine. Quand cela s’est produit, je me suis dit : Cela, en soi, ne sent pas bon. Quelle explication [légitime] pourrait-il y avoir pour cela ?

Voilà pour mon analyse juridique, qui, je le souligne, est fondée sur ce que j’ai vu dans les médias. Si la vraie position est différente, alors tout ce que j’ai dit ne serait pas pertinent.

Par conséquent, votre conclusion, dans les trois affaires, sur la base de ce que vous savez, est que le procureur général portera des accusations, y compris pour corruption ?

Oui.

Et la seule affaire où il semblerait qu’il y ait encore des arguments au sein de la hiérarchie [du ministère public] est celle de savoir si l’affaire Milchan, l’affaire 1000, concerne la corruption ainsi que l’abus de confiance. A mon avis, d’après ce que j’ai compris, y compris les efforts de Netanyahu [pour obtenir un visa américain] pour Milchan, il s’agit également d’un cas de corruption.

Netanyahu est un homme intelligent. Il ne pouvait pas ne pas savoir que lorsqu’il côtoie des hommes d’affaires, même lorsqu’ils appellent cela de l’amitié, ils ont des attentes de la part de quelqu’un d’un pouvoir aussi considérable.

Mais en même temps, vous n’excluez pas que Mandelblit puisse trouver une explication légale pour dire : « Non, je suis désolé, aucune de ces affaires ne mérite un acte d’accusation ?

Nous avons vu de telles choses, donc je ne peux pas l’exclure. Nous avons vu des choses étranges. Mais [ne pas accuser] serait une chose étrange. Étrange au point d’être inexplicable.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu se prépare à faire une déclaration à la Knesset, le 19 décembre 2018. (MENAHEM KAHANA / AFP)

Soit dit en passant, j’ai reconnu, relativement tard dans ma carrière, la difficulté qu’ont les procureurs et les juges à traiter des affaires comme celles-ci. Le fait de reconnaître que le Premier ministre accepte des pots-de-vin, qu’il est une personne profondément corrompue, ne concerne pas seulement le Premier ministre lui-même. Cela nous concerne tous, ainsi que l’État.

Il y a une certaine difficulté psychologique à dire que c’est ce qui s’est passé ici, parce que cela dit de très mauvaises choses, pas seulement sur la personne elle-même. Mais aussi sur nous. En fin de compte, le pouvoir qu’il a obtenu, il l’a obtenu de nous. De toute évidence, nous ne lui avons pas donné le mandat de faire ce qu’il a fait. Mais néanmoins, la mauvaise odeur flotte au-dessus de nous tous. Ce genre de cas exige donc beaucoup d’efforts de la part des autorités. Responsabilité particulière.

Ce que nous avons ici, et que nous n’avons jamais eu auparavant, c’est un Premier ministre qui vient nous dire : C’est une chasse aux sorcières contre moi, c’est une persécution politique.

Le chef de la police, Roni Alsheich, (à gauche), et le Premier ministre Benjamin Netanyahu, pendant une cérémonie en l’honneur d’Alsheich dans les bureaux du Premier ministre à Jérusalem, le 3 décembre 2015. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

De toute évidence, cela nuit grandement à la perception qu’a le public de la police. Je ne crois pas que la police poursuive une vendetta politique contre le Premier ministre. Pourquoi [le chef de police récemment retraité Roni] Alsheich ferait-il cela ? Mais beaucoup de gens le croient.

Et cette dernière chose que David Amsalem [le chef de la coalition] a dite au sujet des gens [qui refuseraient par millions de l’accepter] si Netanyahu est inculpé, je considère cela comme une affirmation très dangereuse. Est-ce une prédiction ? Est-ce une invitation ?

Je crains qu’il n’y ait de grandes manifestations pour protester contre les actions en justice contre Netanyahu. Manifestations en dehors des tribunaux, avec l’affirmation qu’il s’agit d’une chasse aux sorcières politique. Il n’est pas certain que le processus juridique puisse se dérouler correctement sous une telle pression de la rue.

C’est très préoccupant.

On ne sait pas très bien comment cela influencerait la procédure.

Netanyahu pourrait-il rester Premier ministre s’il est inculpé ?

Ce n’est pas clair : la loi n’indique pas clairement qu’un Premier ministre qui a été inculpé doit démissionner. La loi stipule que ce n’est qu’après avoir été reconnu coupable d’un délit de turpitude morale et que le verdict est définitif – en d’autres termes, le processus d’appel a été épuisé, ce qui peut prendre Dieu sait combien de temps – qu’il sera obligé de démissionner.

La Knesset a le droit de ne pas attendre la fin de cette procédure, et de lui demander de se retirer après une première décision judiciaire [de condamnation]. Mais si la Knesset ne le fait pas, du point de vue de la loi, il peut rester jusqu’à ce que le processus d’appel soit épuisé.

Le ministre de l’Intérieur, Aryeh Deri, assiste à une cérémonie de prestation de serment pour le Conseil rabbinique à la résidence du Président à Jérusalem, le 24 octobre 2018. (Yonatan Sindel/Flash90)

Dans les dossiers du [ministre de Shas] Aryeh Deri et du [vice-ministre] Rafael Pinhassi, il a été déterminé qu’un ministre soupçonné d’un crime grave, qui comporte une turpitude morale, devrait démissionner une fois inculpé.

Et s’il ne démissionnait pas, le Premier ministre devrait le renvoyer. Cela a été dit à propos d’un ministre et d’un vice-ministre. Il n’y a pas de décision semblable en ce qui concerne le Premier ministre, et on peut argumenter dans les deux sens si elle s’applique ou non au Premier ministre.

Comme l’a dit le procureur général, il y aurait probablement une requête de la Cour suprême sur cette question [si Netanyahu devait être mis en accusation et ne pas démissionner]. Je ne sais pas ce que le procureur général lui-même dirait à la Cour suprême à ce sujet. Il doit prier pour ne pas avoir à prendre de décision.

Appliquer ce que vous venez de dire à Ehud Olmert, c’est dire que s’il a été forcé de quitter son poste de Premier ministre, politiquement, en 2008, il aurait pu légalement rester jusqu’en 2016, lorsque toutes les requêtes et procédures légales ont finalement expiré et il est allé en prison ?

Oui, en effet. Et c’est d’ailleurs Netanyahu qui a dit d’Olmert qu’il ne pouvait pas continuer à être Premier ministre.

Au-delà des aspects juridiques, il y a aussi la question des normes publiques. Je pense que s’il y a une croyance réelle et raisonnable que le Premier ministre a accepté des pots-de-vin, [il devrait se retirer]. Si vous ou moi devions attraper un travailleur en train de voler de l’argent ou d’agir d’une manière inacceptable, même si vous ne l’aviez pas pris en flagrant délit, vous sauriez quoi faire. Je pense que c’est le critère.

S’il est inculpé, il pourrait se rendre à la Knesset et demander l’immunité. Je ne crois pas qu’une telle démarche réussirait, mais c’est une démarche possible

Quand il y a une réelle possibilité qu’il ne mérite pas la confiance du public, alors il devrait partir. Mais bien sûr, c’est une question qui s’adresse au public. Malheureusement, je ne pense pas que le public d’aujourd’hui applique de telles normes. Si les politiciens savent qu’ils perdront la confiance du public parce qu’ils sont perçus comme corrompus – je ne parle pas de la définition juridique, mais selon le bon sens – cela constituerait une arme contre la corruption.

Dans le cas du public, il se peut fort bien que le sentiment général soit que Netanyahu n’ait pas agi de manière honnête, mais il y a d’autres considérations qui priment pour beaucoup, notamment sa capacité à assurer la sécurité de ce pays dans une région toxique.

Est-il possible que Mandelblit cherche à conclure une sorte de négociation de plaidoyer avec Netanyahu ? En lui disant, les choses semblent se diriger dans telle ou telle direction, et vous préféreriez peut-être démissionner ?

Avant de répondre à cette question, j’aimerais ajouter quelque chose que je n’ai pas dit auparavant. S’il est inculpé, il pourrait se rendre à la Knesset et demander l’immunité. Je ne crois pas qu’une telle démarche réussirait, mais elle est possible.

La Knesset peut lui donner l’immunité ? Il y a une loi pour ça ?

La loi sur l’immunité des membres de la Knesset. La Knesset peut lui accorder l’immunité si elle est convaincue qu’il est victime d’une vendetta – comme il le croit.

Je sais qu’il a été question de légiférer sur le fait qu’un Premier ministre en exercice ne pouvait pas être inculpé – comme le président français…

L’immunité existe déjà. Les membres de la Knesset sont autorisés, dans les 30 jours suivant la mise en accusation, à demander à la Knesset de leur accorder l’immunité de poursuites pénales pour diverses raisons. L’une des raisons est que l’infraction présumée a été commise dans l’exercice des fonctions législatives de député. Une autre est si « l’acte d’accusation n’est pas émis de bonne foi ou à la suite d’une discrimination ». Il y a donc une telle possibilité. Évidemment, prétendre que le procureur général n’ait pas agi de bonne foi…

Semblerait absurde.

Dans le passé, lorsque les lois sur l’immunité étaient différentes, la Knesset a fait un usage épouvantable des droits des députés à l’immunité. Il y a eu une situation où quelqu’un du parti [de feu] Ezer Weizman [aujourd’hui disparu] était l’une des deux personnes inculpées dans une affaire. Le civil a été jugé et le membre de la Knesset a obtenu l’immunité. Mais il s’agissait d’une version antérieure de la loi, qui comportait des dispositions plus larges.

Pourquoi les gens n’en parlent pas ?

Il se peut qu’ils ne le sachent pas. Et aussi parce que d’ordinaire, si vous n’êtes pas le Premier ministre, avec le genre de soutien que Netanyahu a, il n’y a aucune chance que vous gagniez une telle bataille comme un député. Dire que le procureur général a agi de mauvaise foi équivaut à le congédier. Mais au vu de l’actuelle Knesset, avec Netanyahu, ce n’est peut-être pas impossible. Je ne pense pas que Koulanou le soutiendrait.

Je ne pense pas que HaBayit HaYehudi [ancien HaYamin HaHadash] le ferait non plus.

Revenons donc à la question de l’entente relative au plaidoyer.

L’ancien président Moshe Katsav (à gauche), condamné à sept ans de prison pour viol, avec sa femme, Gila, alors qu’il quitte la prison Maasiyahu pour une permission pour Pessah, le 3 avril 2015. (Crédit : Flash90)

Comme vous le savez, dans le processus judiciaire israélien, il y a des négociations de plaidoyer. La plupart des affaires se terminent par une négociation de plaidoyer. Ils ont offert à Katsav une négociation de plaidoyer dont il ne pouvait que rêver. Et lui, dans sa folie, ayant dit oui, a changé d’avis et l’a rejeté.

En ce qui concerne le genre de négociation de plaidoyer [pour Netanyahu] qui a fait l’objet de discussions dans certains médias, où le procureur général dit au Premier ministre : « Vous rentrez chez vous et il n’y aura aucune mise en accusation – il n’y a jamais eu quelque chose comme cela auparavant. J’ai beaucoup de difficulté à voir le procureur général prendre une décision raisonnable à cet égard, surtout dans les cas de corruption, et dans plus d’une affaire.

Le fossé qu’il créerait en termes d’égalité devant la loi – entre tous ceux qui sont accusés d’accepter des pots-de-vin et celui qui est censé donner l’exemple, le Premier ministre – est si large que je ne vois pas comment une telle décision pourrait être prise. Ou défendue.

Ce serait une décision sur laquelle la Cour suprême pourrait intervenir. Il ne lui faudrait pas étudier des milliers de pages de documentation. Elle n’aurait qu’à poser la question : Un accord comme celui-ci est-il
acceptable ?

Je ne pense pas que ce genre d’accord soit acceptable.

Donc quel serait, selon vous, un accord acceptable ?

Et bien imaginez que ce n’est pas le Premier ministre. Le procureur général a trois affaires complexes. Il les classe par ordre de difficulté à obtenir une condamnation. Il pourrait aller de l’autre côté et dire, je vais céder sur le cas le plus problématique. Je ne vous inculperai pas pour ça. A condition que vous admettiez votre culpabilité dans les autres affaires. Ici, l’État y gagnerait : il abandonnerait une affaire dans laquelle il voit qu’il aurait des difficultés à obtenir une condamnation, mais il obtiendrait un aveu dans les autres affaires.

Comment cela pourrait-il se passer ?

C’est très difficile à envisager sans connaître les spécificités des cas. Sur le plan normatif, il doit y avoir une bonne explication à la raison pour laquelle une affaire donnée est abandonnée. Une explication raisonnable est que j’abandonne cette affaire, parce que je trouve que la probabilité d’une condamnation est difficile, en échange d’un aveu [de culpabilité] dans les autres affaires.

Il est difficile d’envisager que Netanyahu admette quoi que ce soit, étant donné ses affirmations répétées qu’il n’est coupable d’aucun acte répréhensible. Et sans un tel aveu, il n’y a pas d’accord.

Donc, ce que vous dites, 1, c’est qu’il est probable qu’il y aura une poursuite. Et 2, que la question suivante est de savoir dans quel climat le procès se déroulerait, et si oui ou non cela deviendrait une véritable catastrophe pour la démocratie israélienne.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu dirige une réunion de la faction du Likud à la Knesset le 24 décembre 2018, confirmant la tenue d’élections anticipées. A ses côtés se trouve le chef de la coalition David (Dudi) Amsalem (Yonatan Sindel/FLASH90).

Oui. J’espère que cette vision qu’Amsalam a évoquée ne se réalisera pas ici. Que les gens respecteront l’application de la loi et la hiérarchie judiciaire, la décision du procureur général et la nécessité d’avoir un processus judiciaire approprié et ordonné. Et que ces hiérarchies ne seront pas soumises à la pression des masses. Parce que nous cesserions d’être un État de droit si nous nous trouvions dans une situation où les gens se rassemblent à l’extérieur du tribunal lorsqu’un procès est en cours et prétendent qu’il y a quelqu’un de saint et de pur qui est souillé à des fins politiques.

Ce serait si terrible que je ne crois pas que cela se produira ici. Après 70 ans en tant qu’État, je pense que nous avons construit ici une société qui comprend les choses et qui est responsable. Qui veut maintenir le principe de l’État de droit. Parce qu’en fin de compte, les gens comprennent que pour maintenir une société, il faut des institutions. Vous avez besoin de la primauté du droit.

Même après l’assassinat d’Yitzhak Rabin, vous êtes optimiste quant à la capacité du public à ne pas être attiré… ?

L’assassinat de Rabin a eu lieu dans une certaine atmosphère sociale. Mais c’était l’acte d’une seule personne. Dans chaque société, il y a des individus qui peuvent faire des choses folles. Pour que ce scénario soit vraiment terrifiant, il faudrait qu’il y ait un grand nombre de participants. Et j’espère que cela n’arrivera pas.

La stratégie de Netanyahu, s’il était inculpé, serait déterminante pour la suite des événements.

C’est tout à fait exact.

Et que pensez-vous qu’il ferait ?

Je ne sais pas. Il devrait faire face à son destin sur le plan juridique.

Son bilan à ce jour, à ma grande tristesse, n’est pas bon : La façon dont il répète qu’il est persécuté. Qu’il est victime d’une chasse aux sorcières politique. Se contenter de répéter cela pourrait s’avérer être l’étincelle [qui met le feu aux poudres]. Et si les gens autour de lui l’encourageaient…

Néanmoins, vous ne croyez pas que cela arrivera ?

Les soutiens d’Elor Azaria, le soldat israélien condamné pour l’homicide involontaire en 2015 d’un terroriste palestinien, manifestent aux abords du tribunal militaire du quartier général de la Kiriya, le 30 juillet 2017 à Tel Aviv (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Je ne crois pas que le public protestera de cette façon. Il pourrait y avoir un groupe de personnes. Si vous avez suivi le cas d’Elor Azaria [le soldat reconnu coupable d’homicide involontaire pour avoir abattu un terroriste palestinien désarmé et neutralisé à Hébron], il y a eu un groupe de personnes venant au tribunal militaire [pour protester en son nom]. C’était Azaria, pas Netanyahu. Mais s’il s’agit de protestations à l’échelle d’Azaria, c’est quelque chose que la hiérarchie juridique peut gérer.

Il y a quelques mois, un militant juif américain en faveur d’Israël m’a posé la question : Vous allez vous débarrasser d’un Premier ministre formidable à cause d’une erreur comptable ? Il parlait des cadeaux de Milchan.

Si je pensais que le crime était si marginal et d’une valeur si insignifiante, je dirais qu’il n’y a pas de raison de renvoyer le Premier ministre chez lui pour cela. J’irai plus loin : Je pense que si on présentait au procureur général la preuve d’une suspicion d’un acte répréhensible marginal, l’équivalent d’une erreur comptable, un procureur général raisonnable dirait : Je ne vais pas m’occuper de cela. Il y a égalité devant la loi. Mais puisque nous avons affaire au Premier ministre, il dirait : Je ne vais pas l’ennuyer avec cette insignifiante affaire.

Mais il n’y a aucune similitude entre la notion d’erreur comptable mineure et les allégations dont nous parlons ici. Aucune.

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