Israël en guerre - Jour 465

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Opinion

Le paradoxe de Netanyahu : Protéger Israël de ses ennemis sans nuire en interne

Les projecteurs sur Netanyahu sont allés mardi aux tunnels du Hezbollah. Sur le plan sécuritaire, il a la confiance des Israéliens, d'où le trouble de ses attaques contre la police

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Le chef de la police Roni Alsheich et le Premier ministre Benjamin Netanyahu, photographiés au cabinet du Premier ministre à Jérusalem, le 3 décembre 2015. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)
Le chef de la police Roni Alsheich et le Premier ministre Benjamin Netanyahu, photographiés au cabinet du Premier ministre à Jérusalem, le 3 décembre 2015. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

L’attention en Israël s’est rapidement déplacée, mardi, des allégations de corruption contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et de son attaque contre la police qui recommande son procès – la grande nouvelle de dimanche – au lancement à la frontière nord d’une importante opération de l’armée israélienne de destruction de tunnels creusés par le Hezbollah en territoire israélien.

Mais pas toute l’attention.

Les détracteurs de Netanyahu – dont certains, s’exprimant officieusement au sein de la coalition – ont laissé entendre que les deux drames étaient liés : que Netanyahu avait bien calculé le timing de l’action militaire pour détourner l’attention de ses problèmes juridiques. Il va sans dire que ses défenseurs ont rejeté ces théories jugées cyniques, soulignant que l’action militaire était vitale, et vitale dans l’immédiat – un discours étayé par le simple fait que Tsahal ne s’y était pas préparé en quelques jours ; c’est une opération complexe et soigneusement préparée.

Omer Bar-lev, membre de la Knesset de l’Union sioniste qui dirige un groupe parlementaire chargé de superviser la préparation d’Israël à la guerre, a déclaré qu’il n’avait aucun doute que l’opération « Bouclier du Nord » de l’armée israélienne était urgente et nécessaire.

Contrairement aux porte-parole de Tsahal, qui ont d’ailleurs insisté sur le fait que les tunnels du Hezbollah étaient « non opérationnels » à ce stade, Bar-lev a déclaré dans une interview accordée à la radio que puisque les tunnels s’étendent en Israël, ils sont par définition « opérationnels » et que leur fermeture est donc un impératif immédiat.

Sur cette photo publiée par le Hezbollah Central Military Media, des pelleteuses de l’armée israélienne travaillent à la frontière israélo-libanaise près d’un mur qu’Israël a construit le mardi 4 décembre 2018, face au village de Kafr Kila au sud du Liban. L’armée israélienne a lancé une opération pour « démasquer et neutraliser » les tunnels qu’elle dit avoir été construits par le groupe terroriste du Hezbollah qui s’étend du Liban au nord d’Israël. (Médias militaires du Hezbollah via AP)

Néanmoins, Bar-lev, ancien commandant de l’unité d’élite des forces spéciales israéliennes du Sayeret Matkal, a fait preuve de scepticisme quant à l’encadrement de l’opération par le Premier ministre. Il n’a pas établi de lien entre le moment choisi et les problèmes de corruption du Premier ministre. Mais il a fait valoir que la nécessité de s’attaquer aux « tunnels terroristes » du Hezbollah ne justifiait pas la réticence de Netanyahu à mener une offensive majeure contre le Hamas à Gaza le mois dernier.

C’était en réponse à des affirmations, notamment de Yoav Kisch, membre du Likud de Netanyahu, selon lesquelles c’était parce que les militaires devaient se concentrer d’urgence sur le Hezbollah que le Premier ministre a décidé de faire preuve de retenue face aux roquettes du Hamas, dont le nombre a dépassé les 500 et que la gestion avisée des opérations, en établissant des priorités, contraste fortement avec l’absence de responsabilité dont faisait preuve Avigor Liberman qui a démissionné en tant que ministre de la Défense pour dénoncer la politique apparemment molle de Netanyahu envers le Hamas.

Le député de l’Union sioniste, Omer Barlev, donne une conférence de presse à la Knesset le 30 novembre 2015. (Miriam Alster/Flash90)

Selon Bar-lev, l’armée israélienne est tout à fait capable de protéger simultanément le sud et le nord d’Israël.

Toutes sortes de « sources politiques » anonymes ont alimenté les médias israéliens avec la même ligne jusqu’à mardi : Oui, il était absolument nécessaire de s’attaquer aux tunnels du Hezbollah, mais c’était également nécessaire il y a un mois.

L’opération de Tsahal devrait se poursuivre pendant des jours, voire des semaines, a déclaré le porte-parole de l’armée, Ronen Manelis. Et à l’heure où j’écris ces lignes, on ne sait pas si le Hezbollah pourrait choisir de réagir ni comment il pourrait le faire.

Le porte-parole de l’armée israélienne, le brigadier-général Ronen Manelis, parle aux députés français devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, le mardi 3 juillet 2018 (Capture d’écran : Assemblée nationale)

Saper la confiance

Tôt ou tard, cependant, les complications juridiques de Netanyahu reprendront le devant de la scène, illustrant ainsi le paradoxe qu’est devenu son poste de Premier ministre.

Netanyahu reste le choix préféré des Israéliens pour le poste de Premier ministre, et l’opération de l’armée israélienne à la frontière nord ne fera probablement que souligner cette préférence, car il est perçu comme étant plus capable que ses rivaux de protéger ce pays – et de repousser nos ennemis.

Mais en même temps, dans sa stratégie de lutte contre la corruption et les allégations connexes contre lui, il fomente délibérément la division à l’intérieur du pays, en sapant la confiance des Israéliens dans les forces de l’ordre et en mettant en cause l’état de droit.

Tandis que l’armée israélienne s’attaque aux dangers sur le front nord, sur le front de la corruption, les choses ne se présentent pas bien pour Netanyahu.

La police, dirigée par un chef qu’il a choisi, a maintenant recommandé qu’il soit inculpé dans trois affaires de corruption distinctes – la dernière cette semaine, pour corruption présumée et autres infractions liées à ses interactions avec l’ancien actionnaire majoritaire du géant israélien des télécommunications Bezeq. Cette dernière de ces trois recommandations était le cadeau d’adieu du chef de la police Roni Alsheich, et elle a été rendue publique juste à la fin du dernier jour du mandat de M. Alsheich – le dernier jour d’un mandat de trois ans que M. Netanyahu a choisi de ne pas prolonger pour une quatrième année comme il est pourtant d’usage.

Le ministère public, dirigé par un procureur général qu’il a nommé, a supervisé les enquêtes approfondies, qui n’ont été ouvertes qu’avec l’approbation directe de ce procureur général. Des rapports non confirmés indiquent que la hiérarchie d’Avichai Mandelblit n’a pas été surprise par les accusations spécifiques recommandées par la police dans l’affaire Bezeq, et que les différents adjoints de Mandelblit partagent l’évaluation de la police selon laquelle il existe effectivement des cas auxquels répondre dans les deux autres enquêtes aussi.

Le procureur général Avichai Mandelblit lors d’une conférence à Jérusalem le 5 février 2018. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Pourtant, il serait insensé et inutile d’exprimer des certitudes quant au déroulement du processus juridique. C’est Mandelblit, le plus haut juriste du pays, pas ses adjoints et certainement pas la police, qui doit décider s’il y a lieu ou non de faire des poursuites.

En 2004, les choses n’allaient pas bien non plus pour le Premier ministre Ariel Sharon. Le procureur de l’État avait en fait commencé à rédiger un acte d’accusation contre lui au sujet de l’affaire dite des îles grecques. Mais le procureur général de l’époque, Menachem Mazuz, avait classé l’affaire avec la conclusion brutale que « la preuve ne s’approche même pas » du niveau requis pour une condamnation.

Peut-être Mandelblit sera-t-il persuadé par les affirmations de Netanyahu que tous ces cigares du magnat hollywoodien Arnon Milchan n’étaient que des cadeaux d’un ami (Affaire 1 000). Que chaque lecteur en Israël peut voir dans le dénigrement permanent de Netanyahu dans l’édition quotidienne du Yedioth Ahronoth qu’aucun accord n’a été conclu par le Premier ministre et l’éditeur de ce journal Arnon Moses pour lui assurer une couverture plus favorable (Affaire 2 000). Qu’il n’a fait aucune intervention illicite pour favoriser les intérêts commerciaux d’Elovitch de Bezeq, et qu’il n’y a rien de mal à ce qu’un Premier ministre, ou son épouse, cherche à persuader l’exploitant d’un site Web d’information (Walla d’Elovitch) de les traiter plus décemment (Affaire 4 000).

Peut-être. La police a conclu catégoriquement que ses actions étaient illégales. Mais peut-être.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu prend la parole lors d’une manifestation du Likud à Ramat Gan, marquant la première nuit de la fête juive de Hanoukka, le 2 décembre 2018. (Miriam Alster/Flash90)

Ce qui est malheureusement incontestable, cependant, c’est que dans sa défense publique féroce et amère contre la liste croissante d’allégations contre lui, Netanyahu discrédite sa fonction.

Un Premier ministre qui a fait preuve d’un jugement aussi prudent pour assurer la sécurité relative d’Israël au cours de la dernière décennie dans cette région sournoise et imprévisible agit de manière cynique et irresponsable en ce qui concerne le bien-être interne d’Israël. Cherchant désespérément à conserver le maximum de soutien de l’opinion publique, il monte ses prises de bec juridiques contre eux – alors que le « eux » n’est pas seulement l’opposition de gauche et les médias bolcheviks, mais aussi la police partisane, avec ses motifs apparemment inavouables et son chef inapte. Et par extension implicite, « eux » est aussi le ministère public dirigé par Mandelblit qui supervise l’affaire.

Le premier soir de Hanoukka, quelques heures après qu’Alsheich a largué la recommandation explosive dans l’affaire 4 000, Netanyahu devait s’adresser au Likud pour célébrer la fête des lumières. Il aurait pu prendre la voie éclairée appropriée, la voie de l’homme d’État. Il aurait pu assurer aux Israéliens qu’il avait confiance en l’intégrité des forces de l’ordre de notre pays, et ce, tout en proclamant son innocence.

Au lieu de cela, il a utilisé le discours – comme il l’a fait à des moments difficiles dans sa lutte contre les allégations de corruption – pour prétendre que lui et sa femme Sara sont victimes d’une « chasse aux sorcières », que les enquêteurs de police sont malhonnêtes, que l’affaire était « une cause perdue depuis le début ».

La question de savoir qui succédera à Alsheich est actuellement embourbée dans une série de complications distinctes, et Netanyahu a dit à la foule qu’il ne savait pas qui serait le nouveau chef de la police. Mais « je sais une chose », a déclaré le Premier ministre, en s’appuyant sur le pupitre indiquant qu’il allait faire une confidence au public acquis à sa cause : « Il aura de sérieux efforts de réhabilitation à faire, parce que, comment dire, la confiance du public envers la police n’a jamais été aussi grande. »

En fait, ce n’est pas le cas. Et ce n’est pas grâce au Premier ministre.

Le procureur général Avichai Mandelblit assiste à une réunion de la commission de contrôle de l’État à la Knesset, le 3 décembre 2018. (Miriam Alster/Flash90)

C’était désolant de voir Mandelblit contraint de déclarer lundi que « je félicite la police et lui apporte tout mon soutien… La police ne persécute personne, le ministère public ne persécute personne et les autorités judiciaires ne cherchent ni à diriger ni à persécuter… La seule chose que nous recherchons est la justice et la règle du droit ». Quel dommage qu’il défende la fiabilité des forces de l’ordre israéliennes face aux critiques déplorables du Premier ministre israélien.

Ne pariez pas contre lui, mais…

Netanyahu est toujours aussi sûr de lui. Lorsqu’un partisan lui a adressé des encouragements pendant son discours de dimanche soir, le Premier ministre a souri et a répondu : « Je n’ai pas peur, et merci pour le soutien, mais je suis fort. »

Fort en effet. Et la tête et les épaules au-dessus de ses rivaux en tant que leader politique. Le mois dernier, il a facilement échappé à la tentative de ses détracteurs bellicistes Liberman et Naftali Bennett de le conduire vers des élections anticipées en raison de son hésitation face au terrorisme du Hamas.

En voyant la façon dont il a résolu la crise de Gaza, en éclipsant ses rivaux dans une allocution de neuf minutes devant la nation, et en observant la nation tourner son regard mardi de Netanyahu le prétendu criminel à Netanyahu qui dirige d’une main ferme la défense d’Israël, il serait idiot, encore une fois, de parier contre lui pour la victoire aux élections, le moment venu, dans le courant de l’année prochaine.

Richard Nixon dit au revoir aux membres de son personnel à l’extérieur de la Maison Blanche à Washington alors qu’il embarque dans un hélicoptère pour la base aérienne Andrews après avoir démissionné de la présidence. Le 9 août 1974. (AP Photo/Bob Daugherty, Dossier)

Le jour viendra où Netanyahu demandera aux citoyens d’accepter son récit de « chasse aux sorcières », ou du moins de mettre de côté les allégations contre lui, et de le réélire en raison de son bilan dans la protection du pays contre ses ennemis. Et l’opposition, qui comptera son propre ancien ministre de la Défense du Likud, Moshe Yaalon, demandera aux citoyens de le chasser car il bafoue la démocratie en Israël, car il représente un puissant danger en son sein.

Ne pariez pas contre lui.

Mais ne négligez pas, non plus, un scénario à la Nixon.

Paranoïaque et craignant de ne pas être réélu, Richard Nixon a eu recours à un comportement illégal pour prendre l’avantage sur ses rivaux. Malgré les preuves de plus en plus nombreuses contre lui, il a été réélu, ce qui prouve, ironiquement, qu’il n’avait pas eu besoin de recourir à l’illégalité en premier lieu. Ça vous dit quelque chose ? Et puis tout l’a rattrapé.

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