Netanyahu : une possible détente avec Ankara est indépendante des relations avec la Grèce
Pendant une conférence de presse commune, le Premier ministre a dit à son homologue grec que l’amitié pouvait se transformer en « alliance sincère pour la paix, le progrès, et la sécurité »
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël
L’amélioration rapide des relations d’Israël avec la Grèce et Chypre ne se fait pas aux dépens de ses relations avec d’autres pays de la région, notamment la Turquie, a déclaré mercredi le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
« Notre coopération avec la Grèce et Chypre est indépendante. C’est quelque chose qui a longtemps été retardée et nous sommes heureux d’y faire des progrès », a-t-il déclaré pendant une conférence de presse commune avec son homologue grec, Alexis Tsipras, à Jérusalem.
« C’est indépendant de nos efforts pour normaliser nos relations avec la Turquie, a ajouté Netanyahu. Nous essayons de le faire, je ne sais pas si nous réussirons, mais nous continuons d’essayer. Nous devons nous assurer que les intérêts d’Israël sont entretenus. »
La Turquie et Israël jouissaient d’une « très bonne relation » dans le passé, a-t-il continué. « Nous n’avons pas voulu voir sa détérioration, et nous n’avons pas provoqué cette détérioration. S’il y a un changement de politique, nous l’accueillerons. »
Les relations entre Ankara et Jérusalem sont glaciales depuis presque dix ans et ont presque été totalement rompues après un raid naval israélien en 2010 sur une flottille pour Gaza qui a tué dix citoyens turcs.
Malgré des excuses de Netanyahu en 2013, les efforts pour sortir de l’impasse ont échoué plusieurs fois, bien que ces dernières semaines aient vu un nombre croissant de signes d’un rapprochement en vue.
En décembre, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait déclaré à des journalistes que la « normalisation avec Israël » était possible, mais Israël avait réagi tièdement à cette ouverture. « La balle est dans le camp de la Turquie », aurait déclaré un haut-fonctionnaire de Jérusalem.
Immédiatement après leur conférence de presse commune jeudi, Netanyahu et Tsipras ont présidé un conseil des ministres des deux gouvernements auquel plusieurs ministres des deux pays ont participé.
Les ministres ont signé de nombreux accords bilatéraux dans les domaines des affaires étrangères, de la coopération économique, de l’innovation, de l’énergie, de l’environnement, du tourisme, des transports, des relations maritimes, du maintien de l’ordre public, de la défense civile et de la guerre contre le terrorisme.
C’était la deuxième fois qu’un conseil des ministres commun était organisé entre les deux pays depuis 2013. « La Grèce est un ami véritable. Je pense que nous développons une amitié qui peut se transformer en alliance sincère pour la paix, le progrès et la sécurité », a déclaré Netanyahu.
Lui et Tsipras doivent se rendre jeudi à Nicosie pour rencontrer le président chypre Nicos Anastasiades, pour un sommet trilatéral pour discuter des « intérêts régionaux d’inquiétude commune », selon le bureau du Premier ministre.
Cette réunion « vise à établir un cadre permanent des pays avec une vision du monde similaire, des valeurs partagées et des intérêts communs afin de renforcer la stabilité de la Méditerranée orientale et de promouvoir la prospérité », a déclaré le bureau du Premier ministre dans un communiqué.
Ces derniers mois, Jérusalem, Athènes et Nicosie ont drastiquement augmenté leur coopération, particulièrement dans le domaine de l’énergie.
« L’énergie comprend non seulement la possibilité d’utiliser notre gaz off-shore, mais également de relier Israël, Chypre et la Grèce par un câble électrique qui pourrait, pour la première fois, permettre à Israël de diversifier son réseau électrique et même d’exporter du gaz grâce à l’énergie électrique », a ajouté Netanyahu.
Depuis plusieurs années, la Méditerranée orientale est devenue une zone d’exploration gazière très active, notamment après la découverte de gros gisements gaziers au large d’Israël et de Chypre.
Chypre, la Grèce et Israël ont signé il y a deux ans des accords de coopération visant à sécuriser les ressources énergétiques et lancé un projet qui vise à relier les trois pays via un câble électrique sous-marin.
Le groupe américain Noble Energy, basé au Texas, a été le premier à découvrir un important gisement de gaz, en 2011, au large de la côte sud-est de l’île, qui renfermerait environ 127,4 milliards de m3 de gaz.
L’île espère commencer à exporter du gaz, et peut-être du pétrole, d’ici à 2022.
Chypre, divisée depuis 1974 et dont la partie nord est occupée par la Turquie, doit trouver davantage de gaz pour rendre viable la construction d’un terminal de liquéfaction de gaz naturel, qui lui permettrait d’exporter par bateau vers l’Europe ou l’Asie.
Pendant la conférence de presse, lui et Tsipras ont discuté des développements régionaux, mais sans grande précision. Mentionnant le fait que mercredi était la journée internationale de commémoration de l’Holocauste, les deux hommes ont déclaré que le monde devait tier les leçons du passé et les appliquer au futur.
« Je pense que nous devons être vigilants et forts face aux appels à de nouveaux génocides, pour les nouveaux bouleversements des principes meurtriers qui cherchent à annihiler les peuples modernes, les restes des civilisations anciennes, le propre mode de vie qui s’est développée dans notre culture commune, a déclaré Netanyahu. Et je pense que nous avons la capacité d’apprendre de notre histoire et d’empêcher qu’elle ne se répète. »
Il a mentionné les 321 Grecs qui ont été reconnus par le mémorial de Yad Vashem comme Justes parmi les nations pour avoir risqué leurs vies pour avoir sauvé des juifs. « Trois cents vingt-et-un. C’est un nombre substantiel », a-t-il déclaré.
Tsipras, s’exprimant en grec avec un interprète, a déclaré que le Parlement avait tenu à Athènes pour la première fois une session extraordinaire en mémoire des victimes de l’Holocauste du pays. « La Grèce n’a jamais été neutre. Elle a joué un rôle important dans le combat pour la justice, et pendant la dure période du nazisme, le peuple grec a fait preuve d’un héroïsme réel. »
Le Premier ministre grec, qui dirige un gouvernement d’extrême-gauche, a également exprimé des « inquiétudes » à la fois sur les attaques terroristes contre des civils israéliens et sur l’extension des implantations. Il a appelé à la reprise des négociations de paix israélo-palestiniennes.
« La Grèce est l’ami d’Israël, mais en même temps nous sommes amis avec les Palestiniens et voulons jouer un rôle dans la coopération et la paix, a-t-il déclaré. Cela ne peut être fait que par le dialogue et des négociations directes. »
Le Parlement grec a récemment voté en faveur de la reconnaissance de l’État palestinien.
L’AFP a participé à cet article.