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Analyse

Netanyahu voit une opportunité dans la mort de Sinwar : accord ou escalade ?

Le Premier ministre voit dans l'élimination du chef du Hamas « le début de la fin » à Gaza, mais on ignore qui reprendra les négociations sur les otages ou si la pression diplomatique marchera

Lazar Berman

Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Des soldats de l’armée israélienne transportant le corps de Yahya Sinwar sur une civière, en route vers Israël depuis Gaza, à Rafah, le 17 octobre 2024. (Crédit : Autorisation)
Des soldats de l’armée israélienne transportant le corps de Yahya Sinwar sur une civière, en route vers Israël depuis Gaza, à Rafah, le 17 octobre 2024. (Crédit : Autorisation)

L’assassinat du chef du groupe terroriste palestinien du Hamas, Yahya Sinwar, mercredi, marque « le début de la fin » de la guerre dans la bande de Gaza, a déclaré le Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Difficile de dire ce qu’il entendait par cette déclaration audacieuse – mais il est vrai que depuis le début de la guerre, on peine à comprendre comment les remarquables succès tactiques de l’armée israélienne pourront mener à la fin du règne du Hamas à Gaza, au désarmement de son armée terroriste et au retour des otages.

L’élimination du personnage le plus influent du groupe terroriste pourrait constituer une occasion unique d’atteindre les objectifs de guerre poursuivis par Israël – des objectifs qui sont loin d’avoir été atteints à ce jour. Des responsables américains de haut rang, dont le secrétaire à la défense Lloyd Austin et le secrétaire d’État Antony Blinken, ont tous deux indiqué qu’ils y voyaient une chance de mettre fin à la guerre dans un avenir proche, un sentiment partagé par de nombreux dirigeants à travers le monde.

Cependant, une question persiste : à quel point Sinwar influençait-il encore les opérations du Hamas à ce stade ? Gaza est divisée en deux, voire plus, depuis longtemps maintenant dans le cadre de la guerre, et les cellules du Hamas ont dû opérer de manière indépendante face aux forces israéliennes.

De plus, les images de leur chef gisant au milieu des ruines du territoire qu’il dirigeait autrefois pourraient bien démoraliser les combattants qui continuaient à espérer, de manière éperdue, que leur chef avait un plan pour les sortir vivants de la guerre et qu’il resterait au pouvoir. L’absence de tirs de barrage de roquettes après la mort de Sinwar semble en outre suggérer que l’organisation ne fonctionne plus de manière cohérente.

En combinant les frappes contre les commandants sur le terrain et les hauts dirigeants à Beyrouth, Israël a pu créer une occasion favorable contre un Hezbollah confus et démoralisé au Liban. Cependant, au lieu de tirer pleinement parti de cette opportunité en lançant une campagne visant à démanteler la puissante armée du Hezbollah, Israël a opté pour une campagne terrestre limitée, ciblant principalement les infrastructures ennemies plutôt que les combattants.

Cette opportunité est désormais en train de disparaître. Le Hezbollah montre des signes de regroupement, lançant des barrages efficaces de roquettes et de drones et prenant en embuscade, de manière bien ordonnée, les troupes de Tsahal en mouvement.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu fait une déclaration vidéo après la mort du chef du Hamas Yahya Sinwar, le 17 octobre 2024. (Capture d’écran)

Pour exploiter ses avantages acquis sur le terrain, à Gaza, tant que c’est encore possible, Tsahal devrait temporairement intensifier la pression militaire sur l’ensemble de la bande de Gaza, et pas seulement à Jabaliya où les soldats ont récemment mené des opérations. Le recours inattendu à une force militaire accrue après la mort de Sinwar pourrait pousser certains dirigeants restants à déposer les armes ou à tenter de fuir sous couvert d’une identité civile vers des zones humanitaires.

Un Hamas démoralisé et sans chef offre également une occasion temporaire de confier à quelqu’un d’autre la distribution de l’aide humanitaire, un élément clé qu’Israël a déclaré comme essentiel pour miner l’autorité civile du Hamas dans la bande de Gaza.

Des Palestiniens sont assis près du site d’une frappe aérienne israélienne qui aurait déclenché un incendie dans des tentes pour personnes déplacées dans la cour de l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa à Deir al-Balah dans le centre de la bande de Gaza, le 16 octobre 2024. (Crédit : Eyad Baba / AFP)

La mort de Sinwar pourrait également ouvrir des opportunités concernant les otages enlevés par le Hamas lors du pogrom du 7 octobre – le massacre qui a provoqué le déclenchement de la guerre.

Depuis des mois, les responsables américains et israéliens expriment leur frustration face à la réticence de Sinwar à céder sur ses principales exigences. En début de semaine, un responsable israélien a confié au Times of Israel que même les tentatives de parvenir à de modestes accords visant à instaurer la confiance avec le Hamas étaient invariablement torpillées par ce dernier.

De nouveaux obstacles pourraient toutefois se dresser sur la voie d’un accord sur les otages.

En effet, il n’a jamais été établi que Sinwar lui-même avait la capacité de rassembler tous les otages de Gaza, même s’il avait souhaité conclure un accord ; un successeur moins crédible et moins puissant risque d’avoir encore plus de mal à le faire.

Sans compter qu’il n’y aura pas forcément de successeur. Géographiquement divisé depuis près d’un an, le Hamas pourrait se transformer en milices dirigées par des commandants locaux, chacune détenant plusieurs otages et formulant ses propres exigences. Si cette situation offre la possibilité de voir certains otages libérés dans le cadre d’accords plus modestes, une telle dynamique rendrait un accord global virtuellement impossible.

Des manifestants appelant à la libération des otages détenus dans la bande de Gaza, peu après qu’Israël a confirmé l’élimination à Gaza du chef du Hamas, Yahya Sinwar, lors d’une manifestation devant les quartiers généraux de l’armée de la Kirya, à Tel Aviv, le 17 octobre 2024. (Crédit : Erik Marmor/Flash90)

Avec des alliés à l’étranger clairement désireux de trouver une issue avant une escalade du conflit, Netanyahu pourrait opter pour un accord global, reliant Gaza, le Liban et l’Iran.

Les pluies transformeront bientôt le sol libanais en boue, compliquant les manœuvres terrestres de Tsahal. Les blindés israéliens embourbés constitueraient des cibles idéales pour le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, soutenu par l’Iran, qui tente de restaurer sa réputation après avoir subi de lourdes pertes.

Israël n’a pas encore réagi à l’attaque de missiles balistiques lancée par l’Iran au début du mois – des représailles que la Maison Blanche s’efforce de limiter.

Par l’intermédiaire des États-Unis, Netanyahu pourrait envoyer un message à l’Iran, lui faisant savoir que le pays minimisera sa réponse si le Hezbollah accepte les conditions d’Israël au Liban et si le Hamas capitule à Gaza. L’Iran a déjà perdu tout moyen de dissuasion à l’encontre d’Israël avec le Hamas et, du point de vue de Téhéran, une solution diplomatique au Liban assurerait la survie de son principal mandataire, le Hezbollah, et lui permettrait de commencer à se reconstruire.

La candidate aux élections présidentielles américaines et vice-présidente Kamala Harris (gauche) tient la main du président Joe Biden (droite) à la Convention nationale du parti démocrate, le 19 août 2024 à Chicago. (AP Photo / Jacquelyn Martin)

Un tel accord servirait également les intérêts de l’administration Biden, en évitant une extension du conflit – et une éventuelle hausse des prix du pétrole – à l’approche d’une élection qui semble de plus en plus précaire. La vice-présidente Kamala Harris pourrait dire aux partisans d’Israël qu’elle a soutenu l’allié américain pendant un an pour qu’il atteigne ses objectifs de guerre, tout en assurant aux électeurs musulmans et arabes du Michigan qu’elle et Biden ont joué un rôle clé dans la fin de la guerre.

Netanyahu, cependant, surfe sur une vague de succès et semble de plus en plus justifié dans sa détermination à poursuivre les combats à Gaza et à enfin intensifier contre le Hezbollah. Saisira-t-il l’appui international pour mettre fin à la guerre et atteindre les objectifs d’Israël, ou intensifiera-t-il encore la pression militaire, une approche qui a porté ses fruits ces derniers temps ?

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