Netanyahu voit une opportunité dans la mort de Sinwar : accord ou escalade ?
Le Premier ministre voit dans l'élimination du chef du Hamas « le début de la fin » à Gaza, mais on ignore qui reprendra les négociations sur les otages ou si la pression diplomatique marchera

L’assassinat du chef du groupe terroriste palestinien du Hamas, Yahya Sinwar, mercredi, marque « le début de la fin » de la guerre dans la bande de Gaza, a déclaré le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Difficile de dire ce qu’il entendait par cette déclaration audacieuse – mais il est vrai que depuis le début de la guerre, on peine à comprendre comment les remarquables succès tactiques de l’armée israélienne pourront mener à la fin du règne du Hamas à Gaza, au désarmement de son armée terroriste et au retour des otages.
L’élimination du personnage le plus influent du groupe terroriste pourrait constituer une occasion unique d’atteindre les objectifs de guerre poursuivis par Israël – des objectifs qui sont loin d’avoir été atteints à ce jour. Des responsables américains de haut rang, dont le secrétaire à la défense Lloyd Austin et le secrétaire d’État Antony Blinken, ont tous deux indiqué qu’ils y voyaient une chance de mettre fin à la guerre dans un avenir proche, un sentiment partagé par de nombreux dirigeants à travers le monde.
Cependant, une question persiste : à quel point Sinwar influençait-il encore les opérations du Hamas à ce stade ? Gaza est divisée en deux, voire plus, depuis longtemps maintenant dans le cadre de la guerre, et les cellules du Hamas ont dû opérer de manière indépendante face aux forces israéliennes.
De plus, les images de leur chef gisant au milieu des ruines du territoire qu’il dirigeait autrefois pourraient bien démoraliser les combattants qui continuaient à espérer, de manière éperdue, que leur chef avait un plan pour les sortir vivants de la guerre et qu’il resterait au pouvoir. L’absence de tirs de barrage de roquettes après la mort de Sinwar semble en outre suggérer que l’organisation ne fonctionne plus de manière cohérente.
En combinant les frappes contre les commandants sur le terrain et les hauts dirigeants à Beyrouth, Israël a pu créer une occasion favorable contre un Hezbollah confus et démoralisé au Liban. Cependant, au lieu de tirer pleinement parti de cette opportunité en lançant une campagne visant à démanteler la puissante armée du Hezbollah, Israël a opté pour une campagne terrestre limitée, ciblant principalement les infrastructures ennemies plutôt que les combattants.
Cette opportunité est désormais en train de disparaître. Le Hezbollah montre des signes de regroupement, lançant des barrages efficaces de roquettes et de drones et prenant en embuscade, de manière bien ordonnée, les troupes de Tsahal en mouvement.

Pour exploiter ses avantages acquis sur le terrain, à Gaza, tant que c’est encore possible, Tsahal devrait temporairement intensifier la pression militaire sur l’ensemble de la bande de Gaza, et pas seulement à Jabaliya où les soldats ont récemment mené des opérations. Le recours inattendu à une force militaire accrue après la mort de Sinwar pourrait pousser certains dirigeants restants à déposer les armes ou à tenter de fuir sous couvert d’une identité civile vers des zones humanitaires.
Un Hamas démoralisé et sans chef offre également une occasion temporaire de confier à quelqu’un d’autre la distribution de l’aide humanitaire, un élément clé qu’Israël a déclaré comme essentiel pour miner l’autorité civile du Hamas dans la bande de Gaza.

La mort de Sinwar pourrait également ouvrir des opportunités concernant les otages enlevés par le Hamas lors du pogrom du 7 octobre – le massacre qui a provoqué le déclenchement de la guerre.
Depuis des mois, les responsables américains et israéliens expriment leur frustration face à la réticence de Sinwar à céder sur ses principales exigences. En début de semaine, un responsable israélien a confié au Times of Israel que même les tentatives de parvenir à de modestes accords visant à instaurer la confiance avec le Hamas étaient invariablement torpillées par ce dernier.
De nouveaux obstacles pourraient toutefois se dresser sur la voie d’un accord sur les otages.
En effet, il n’a jamais été établi que Sinwar lui-même avait la capacité de rassembler tous les otages de Gaza, même s’il avait souhaité conclure un accord ; un successeur moins crédible et moins puissant risque d’avoir encore plus de mal à le faire.
Sans compter qu’il n’y aura pas forcément de successeur. Géographiquement divisé depuis près d’un an, le Hamas pourrait se transformer en milices dirigées par des commandants locaux, chacune détenant plusieurs otages et formulant ses propres exigences. Si cette situation offre la possibilité de voir certains otages libérés dans le cadre d’accords plus modestes, une telle dynamique rendrait un accord global virtuellement impossible.

Avec des alliés à l’étranger clairement désireux de trouver une issue avant une escalade du conflit, Netanyahu pourrait opter pour un accord global, reliant Gaza, le Liban et l’Iran.
Les pluies transformeront bientôt le sol libanais en boue, compliquant les manœuvres terrestres de Tsahal. Les blindés israéliens embourbés constitueraient des cibles idéales pour le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, soutenu par l’Iran, qui tente de restaurer sa réputation après avoir subi de lourdes pertes.
Israël n’a pas encore réagi à l’attaque de missiles balistiques lancée par l’Iran au début du mois – des représailles que la Maison Blanche s’efforce de limiter.
Par l’intermédiaire des États-Unis, Netanyahu pourrait envoyer un message à l’Iran, lui faisant savoir que le pays minimisera sa réponse si le Hezbollah accepte les conditions d’Israël au Liban et si le Hamas capitule à Gaza. L’Iran a déjà perdu tout moyen de dissuasion à l’encontre d’Israël avec le Hamas et, du point de vue de Téhéran, une solution diplomatique au Liban assurerait la survie de son principal mandataire, le Hezbollah, et lui permettrait de commencer à se reconstruire.

Un tel accord servirait également les intérêts de l’administration Biden, en évitant une extension du conflit – et une éventuelle hausse des prix du pétrole – à l’approche d’une élection qui semble de plus en plus précaire. La vice-présidente Kamala Harris pourrait dire aux partisans d’Israël qu’elle a soutenu l’allié américain pendant un an pour qu’il atteigne ses objectifs de guerre, tout en assurant aux électeurs musulmans et arabes du Michigan qu’elle et Biden ont joué un rôle clé dans la fin de la guerre.
Netanyahu, cependant, surfe sur une vague de succès et semble de plus en plus justifié dans sa détermination à poursuivre les combats à Gaza et à enfin intensifier contre le Hezbollah. Saisira-t-il l’appui international pour mettre fin à la guerre et atteindre les objectifs d’Israël, ou intensifiera-t-il encore la pression militaire, une approche qui a porté ses fruits ces derniers temps ?
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.

Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel