« Notre Jérusalem », la nouvelle synagogue des Juifs ougandais
Bien qu'éligible à la Loi du retour, cette communauté préfère marquer sa présence avec un nouveau lieu de culte

Quand la synagogue de Nabagoye, en Ouganda, était pleine, les fidèles se réunissaient dehors, sous les arbres. Mais les branches n’étaient pas suffisantes pour les protéger de la pluie pendant la saison humide de ce pays d’Afrique de l’est, qui dure la moitié de l’année.
Un nouveau centre communautaire de 650 mètres carrés, abritant une synagogue et devant ouvrir ce vendredi, devrait régler le problème, mais quelque chose de plus grand est en train de se jouer.
Pour les juifs d’Ouganda, dont beaucoup ont été convertis par des rabbins conservateurs, et donc ne sont pas reconnus comme juifs par le Grand rabbinat orthodoxe d’Israël, ce centre communautaire est un moyen de consolider leur présence dans le pays.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
« C’est un endroit qui rassemble notre peuple – c’est notre Jérusalem », confie le chef de la communauté, le rabbin Gersom Sizomu, à JTA depuis Kampala, où il sert comme membre du parlement ougandais pendant la semaine.
Bien que de nombreux juifs ougandais souffrent de la pauvreté et que l’Agence juive ait récemment reconnu la communauté comme juive, rendant l’émigration en Israël possible sous la Loi du retour (qui ne demande pas l’approbation du rabbinat), Sizomu explique qu’ils ne veulent pas quitter leur pays.
« Ceux qui veulent partir en Israël, ils peuvent le faire individuellement, précise-t-il. Mais, en tant que communauté, nous sommes habitués à être ici ensemble, comme un pays. »
La communauté d’Abayudaya, native d’Ouganda et qui rassemble environ 2 000 personnes, existe depuis le début du 20e siècle, quand un ancien chef a lu la Bible et a embrassé le judaïsme.

Diane Tobin, directrice de l’association caritative Be’chol Lashon, qui a travaillé avec la communauté pour construire la synagogue, confirme que le projet avait pour objectif de renforcer les statuts de la communauté en Ouganda.
« C’était important de montrer qu’il y a des Juifs qui ne cherchent pas à faire leur alyah vers Israël – ce n’est pas leur but principal », explique Tobin, dont la collaboration avec la communauté remonte à 2002, à JTA. « Ils veulent être reconnus comme Juifs pour leur propre bien, et construire des infrastructures prouve qu’ils sont attachés au fait d’être ici, en Ouganda ».
Les Abayudaya, dont le nom signifie « peuple de Judah » dans la langue locale, ont dû faire face à de nombreuses épreuves et à des persécutions – notamment quand le dictateur Idi Amin a interdit la pratique du judaïsme dans les années 1970 – mais, aujourd’hui, la situation est meilleure. En février, Sizomu a remporté un siège très contesté au parlement ougandais, devenant le premier parlementaire juif du pays.
Ce nouveau centre aidera également à améliorer les liens avec les voisins musulmans et chrétiens, en rendant ses services accessibles aux Ougandais de toutes les religions, ont ajouté les organisateurs.
Le complexe inclut en effet un centre de soins pour enfants et une réserve alimentaire, rares en Ouganda. Ils seront utilisables pour une petite somme par les résidents de toutes les religions, et pourraient bénéficier à 10 000 personnes, selon les estimations de Sizomu.
« Les défis auxquels nous faisons face ne font pas de discrimination, et nous pensons que vivre ensemble, en harmonie, fait partie de cette tradition – ce que nous appelons ‘tikkun olam’ », explique Sizomu, utilisant l’expression hébraïque signifiant « réparer le monde », une ancienne idée de la mystique juive souvent interprétée dans le monde moderne comme un appel religieux à l’action solidaire.

« Cela encourage les bonnes volontés », souligne Tibon, rappelant comment les liens des Abayudaya avec leurs voisins chrétiens et musulmans se sont améliorés après l’ouverture par la communauté juive de plusieurs puits, que Be’chol Lashon les avaient aidés à construire.
« Le puits musulman était fermé, et parce que le nouveau puits juif était ouvert à tous, l’autre s’est ouvert également ».
Be’chol Lashon, dont la mission est de promouvoir l’inclusion des minorités ethniques et raciales dans la communauté juive, a travaillé avec les Juifs en Ouganda pour lever des fonds, trouver un architecte et dessiner des plans, puis pour surveiller le processus sur place. Le groupe a réuni 300 000 dollars, dont la moitié fournie par un couple californien, Sue et Ralph Stern.
Tobin espère que le nouveau centre « va rendre la communauté plus visible ».
« Les politiques sur la religion sont très spécifiques en Ouganda, il y a tellement d’églises et de mosquées partout – cela a aussi motivé la construction d’un merveilleux bâtiment pour les Juifs ».
La synagogue sera bien une sorte de Jérusalem pour la communauté, qui est éparpillée dans des villages dans l’est du pays. Ses membres suivent le commandement biblique de faire un pèlerinage au Temple de Jérusalem pendant les fêtes de Pessah’, Shavouot et Souccot – en se rassemblant dans leur Nabagoye, plutôt que dans le lointain Israël.
Comptez-vous sur le Times of Israël en français pour vous informer de manière précise et pertinente sur Israël, le Moyen Orient et le Monde juif ? Si la réponse est oui, n'attendez plus pour rejoindre la Communauté du Times of Israël !
En contribuant avec la somme de votre choix, une fois par mois ou une fois par an, vous pouvez :
- soutenir un journalisme indépendant et de qualité
- profiter d'une lecture sans publicité sur le site, la version mobile et les e-mails
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cela que nous travaillons chaque jour : pour offrir aux lecteurs avisés, comme vous, une couverture médiatique pertinente sur Israël, le Moyen Orient et le Monde juif. Contrairement à de nombreux autres médias, notre contenu est accessible gratuitement - sans paywall surgissant dès le premier paragraphe. Mais notre travail s'avère de plus en plus coûteux. C'est pourquoi, nous invitons les lecteurs, qui le peuvent et pour qui le Times of Israël en français est devenu important, à nous soutenir en rejoignant la Communauté du Times of Israël en français. Pour la somme de votre choix, une fois par mois ou une fois par an, vous pouvez vous aussi contribuer à ce journalisme indépendant de qualité et profiter d'une lecture sans publicité.