Israël en guerre - Jour 535

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Opinion

Nous avons eu les photos de la victoire, mais comment Israël veut gagner la guerre ?

Sinwar et Nasrallah sont morts, mais leurs groupes terroristes affaiblis restent dangereux et le régime iranien est intact. L'armée israélienne, le gouvernement Netanyahu et les États-Unis travaillent, parfois ensemble, pour changer la donne

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Des soldats de Tsahal en surplomb du corps sans vie du chef du Hamas, Yahya Sinwar, à Gaza, le 17 octobre 2024. (Autorisation)
Des soldats de Tsahal en surplomb du corps sans vie du chef du Hamas, Yahya Sinwar, à Gaza, le 17 octobre 2024. (Autorisation)

C’était l’élimination qu’Israël espérait depuis un an – et sans conteste l’image la plus évidente de sa victoire : Yahya Sinwar, la figure principale de l’attaque la plus effroyable de toute l’histoire d’un Israël souverain, forcé de quitter ses tunnels et tué par les soldats de l’armée israélienne, ses derniers instants et son corps sans vie, exposés à la vue de tous, pour que tout le monde le voie parmi les décombres auxquels Gaza est réduit, – par sa faute.

Et l’assassinat de Sinwar à Rafah, mercredi dernier, était en effet essentiel à la victoire nécessaire d’Israël sur le Hamas – sur le plan pratique déjà, de par sa centralité au sein de ce gouvernement par une armée terroriste bien déterminée à détruire Israël, mais aussi sur le plan psychologique, en raison de la longue ascension d’Israël hors de l’abîme dans lequel Sinwar nous a tous plongés, le 7 octobre 2023.

Mais sa disparition, comme cela a été patiemment et constamment souligné depuis sa confirmation, n’est pas une victoire absolue, signe d’un renouveau durable et stable de la sécurité israélienne : elle n’a pas mis fin à la guerre – ni à Gaza, où ce qu’il reste du Hamas tente de tirer parti des otages pour forcer Tsahal à se retirer, ni sur aucun des fronts sur lesquels Israël est attaqué.

Cette capture d’écran d’une vidéo remise par l’armée israélienne et publiée le 17 octobre 2024 donne à voir les images tournées par un drone du chef du Hamas, Yahya Sinwar, la veille de sa mort, dans le quartier de Tel Sultan à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. (Tsahal / AFP)

À Gaza, la guerre s’est métastasée à partir d’un conflit entre des forces militaires organisées sur un champ de bataille urbain, au niveau du sol mais également de manière souterraine, là où le Hamas pensait, à tort, que le fait de jouer à domicile, sans compter ses années entières de préparation et son indifférence absolue à la mort des civils de Gaza, lui permettraient de vaincre l’armée israélienne et d’assurer sa survie.

Mais aujourd’hui, le Hamas est engagé dans une guérilla, attaquant l’armée israélienne là où il le peut et maintenant une grande partie de son autorité dans les deux tiers inférieurs de la bande de Gaza.

Dans le nord de Gaza, et particulièrement à Jabaliya, l’armée israélienne est en train de déplacer la population civile – les quelque 150 000 Gazaouis qui restent – vers le sud de façon à finir d’éliminer toute présence du Hamas – en gardant un oeil sur les Gazaouis lors de l’évacuation, en arrêtant les suspects du Hamas cachés parmi eux et en faisant progressivement de cette zone une sorte de zone militaire d’exclusion.

Une capture d’écran d’une vidéo diffusée par l’armée israélienne le 19 octobre 2024 montrant le chef du Hamas Yahya Sinwar portant un téléviseur à écran plat alors qu’il s’échappe dans un tunnel avec sa famille la nuit précédant le pogrom du groupe terroriste de Gaza contre Israël, le 7 octobre 2023. (Crédit : Capture d’écran ; utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur le droit d’auteur)

L’objectif semble consister à créer un nord de Gaza sûr, sans Hamas, géré par une sorte de mécanisme international, avec une bureaucratie locale non affiliée à l’Autorité palestinienne, le retour progressif des civils, une possible prise en charge de la distribution de l’aide humanitaire par des entreprises privées et aucune perspective de retour du Hamas, que ce soit en matière de gouvernance militaire ou civile.

Il semble que l’on attende du succès dans le nord de la bande de Gaza qu’il s’étende ensuite au centre et au sud de l’enclave. La possibilité d’une sortie de Gaza sans encombres pour le Hamas – semblable à la réinstallation forcée de l’OLP du Liban à Tunis en 1982 – pourrait permettre de conclure un accord en vue de la libération des otages.

Si cela semble encore un peu vague et, pour tout dire, improbable, c’est en partie parce qu’Israël ne dit officiellement rien de la manière dont cela pourrait se dérouler, pour des raisons politiques et diplomatiques liées à des considérations de politique intérieure. Mais sur le terrain, dans le nord de Gaza, ces déplacements massifs sont en cours.

Des personnes évacuent Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza, le 9 octobre 2024. (Crédit : Omar Al-Qattaa/AFP)

Un Hezbollah toujours puissant, mais plus en mesure de nous envahir

Au Liban, la frappe ciblée de l’armée de l’air israélienne qui a tué Hassan Nasrallah dans son bunker de Beyrouth le 27 septembre dernier a été, comme pour Sinwar, un élément essentiel, mais pas unique, du succès israélien.

La direction du Hezbollah a été en grande partie éliminée, des milliers de ses hommes armés ont été tués ou mis hors d’état de nuire et une grande partie de ses armes ont été détruites.

Mais près d’un mois plus tard, il reconstitue peu à peu son commandement. Ses forces armées se comptent encore par dizaines de milliers. Et si, comme on a pu l’entendre cette semaine, il peut encore compter sur environ 30 % de ses roquettes et missiles, cela fait de lui une force bien plus puissante que la plupart des armées de par le monde, bien plus puissante que le Hamas au début de ce conflit.

Des manifestants tenant des photos de Hassan Nasrallah, chef défunt du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, lors d’une veillée de protestation dans la ville de Sidon, dans le sud du Liban, le 28 septembre 2024. (Crédit : Mahmoud Zayyat/AFP)

Mercredi matin, [la semaine dernière], à la veille de Simhat Torah, un an jour pour jour au regard du calendrier hébraïque depuis le pogrom perpétré par le Hamas, le centre d’Israël s’est réveillé, comme souvent depuis un an, au son des sirènes annonçant des tirs de roquettes ou de missiles – sorte de nouvelle routine liée aux attaques depuis l’autre côté de la frontière nord.

Il ne se passe pas un jour sans que le Hezbollah ne tire une centaine de roquettes et de missiles – parfois plus – sur le nord et le centre d’Israël.

L’organisation terroriste réussit parfois à déjouer les défenses israéliennes avec ses drones – dans certains cas avec une grande effronterie, comme l’illustre l’attaque sur le domicile du Premier ministre Benjamin Netanyahu à Césarée [NDLT : il y a une dizaine de jours], lorsqu’un drone explosif a brisé la fenêtre d’une chambre. Profondément ébranlée par l’élimination de ses dirigeants, l’organisation n’a pas totalement renoncé.

Dommages causés à la maison du Premier ministre Benjamin Netanyahu à Césarée lors d’une attaque de drone du Hezbollah, le 19 octobre 2024. (Autorisation)

Ce qu’elle avait l’intention de faire mais qu’elle ne peut plus faire, c’est mener une invasion de grande ampleur sur le nord d’Israël.

L’opération terrestre de Tsahal de ce dernier mois a détruit les infrastructures du Hezbollah sur plusieurs kilomètres de profondeur le long de la frontière.

En l’état actuel des choses, l’armée israélienne entend achever cette opération dans les toutes prochaines semaines et permettre ainsi à une partie au moins des dizaines de milliers d’Israéliens forcés d’évacuer depuis le 8 octobre 2023, de rentrer enfin chez eux dans le nord du pays.

Le nord est et restera vulnérable aux tirs du Hezbollah, comme le reste du pays – mais pas à une invasion.

L’armée israélienne, qui jouit d’une primauté militaire écrasante au Liban, n’a pas l’intention de s’en prendre à la totalité de l’arsenal de roquettes, missiles et drones du Hezbollah – disséminé un peu partout au Liban, y compris à Beyrouth et même au-delà – à moins que le gouvernement Netanyahu n’ait d’autres idées et instructions.

En ce qui concerne Tsahal, pour prévenir – et non éliminer – ce danger permanent du Hezbollah, il faudrait un geste diplomatique qui laisserait Israël libre d’agir en cas de retour du Hezbollah dans le sud.

Une coalition anti-iranienne ?

S’agissant du théâtre régional au sens large – et de l’impératif stratégique de tenir face au régime iranien – les autorités sont catégoriques sur le fait qu’Israël doit et va riposter à l’attaque de missiles balistiques du 1er octobre dernier qui a valu à toute la population israélienne de se ruer vers les abris anti-aériens et autres pièces sécurisées. Elle sont conscientes que cette riposte israélienne pourrait à son tour déclencher d’autres ripostes et entrainer une escalade des hostilités.

Le gouvernement ne souhaite pas déclencher une guerre contre l’Iran et veut absolument conserver le soutien militaire et diplomatique des États-Unis. Il navigue entre la nécessité de riposter au 1er octobre et celle de s’assurer le soutien américain, deux points essentiels au rétablissement de la dissuasion israélienne envers le régime [iranien].

Plus globalement, l’administration Biden demeure persuadée qu’un résultat plus ambitieux reste possible – comme l’approfondissement d’une alliance dirigée par les États-Unis permettant à Israël de s’intégrer plus profondément à la région ou une coalition solide contre le régime de Téhéran, avec pour élément clé de la normalisation des relations israélo-saoudiennes.

Le chef du Mossad, David Barnea, plus proche de Netanyahu que la plupart des figures clés des milieux de la Sécurité israéliens, et Ron Dermer, le principal confident de Netanyahu à ce niveau de responsabilité, sont des personnages israéliens de tout premier plan en la matière.

Cette photo diffusée par le Forum des familles des otages et des disparus montre des parents d’Israéliens retenus en otage à Gaza par le Hamas rencontrant le secrétaire d’État américain en visite, Antony Blinken, le 22 octobre 2024. (Forum des familles d’otages et de disparus)

Pour l’heure, les Saoudiens ne se sont pas prononcés. Ils maintiennent un certain degré d’interaction diplomatique auto-protectrice avec l’Iran, conscients qu’ils ne peuvent s’attaquer au régime eux-mêmes et attendent de voir comment Israël et les États-Unis vont s’en sortir.

Ils sont également conscients que Netanyahu ne dira pas clairement sa volonté d’avancer en direction de la création un État palestinien, pas plus qu’il ne permettra à l’Autorité palestinienne de jouer un rôle formel à Gaza – une grande partie de ses dirigeants ayant fait l’éloge du génocidaire Sinwar et reconnu en lui un « grand leader national ».

Mais avec l’immense avantage que procure une relation considérablement améliorée avec les États-Unis, des propositions diplomatiques israéliennes pourraient être saisies par Ryad comme des possibilités d’ouverture de l’horizon diplomatique pour les Palestiniens, ce qui aurait pour effet d’apaiser sa propre minorité chiite et d’envisager ainsi une relation officielle approfondie avec Israël.

Dans ce contexte, les Saoudiens espèrent sans doute le retour prochain à la présidence des États-Unis d’un Donald Trump on ne peut plus sûr de lui et peu soucieux des détails, plutôt que d’une Kamala Harris prudente pour ce qui serait son premier mandat. Tout comme Netanyahu, bien sûr.

L’ex-président américain Donald Trump, candidat Républicain à la présidence, avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu dans sa propriété de Mar-a-Lago, le 26 juillet 2024, à Palm Beach, en Floride. (Crédit : AP/Alex Brandon)

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