NYC : Agression d’une enseignante pro-Israël, les autorités font corps avec l’établissement
Le 20 novembre, dans un lycée du Queens, une manifestation a dégénéré et une enseignante a dû s'enfermer pour se protéger, ce qui interpelle sur les niveaux élevés d'antisémitisme
New York Jewish Week – Étudiants du lycée Hillcrest, dans le Queens, et autorités de la ville se défendent des accusations d’antisémitisme suite à l’agression d’un enseignant juif lors d’une manifestation, alors même que les dirigeants juifs locaux demandent des comptes.
La vidéo de cette manifestation chaotique, qui a eu lieu le 20 novembre et a fait le tour d’internet, a attiré de nombreuses critiques sur l’école allant jusqu’à des accusations d’antisémitisme, notamment de la part du maire de New York, Eric Adams.
À l’occasion d’une conférence de presse donnée dans les locaux de l’établissement le 27 novembre dernier, le chancelier des écoles, David Banks, le président de l’arrondissement de Queens, Donovan Richards, et les dirigeants des organisations étudiantes se sont défendus de ces accusations, tout en condamnant l’incident et annonçant que des élèves seraient suspendus.
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« Parmi les élèves présents, ils étaient nombreux à n’avoir aucune idée de ce qui se passait. Ils faisaient ce que font les jeunes de 14/15 ans », a déclaré Banks. « Dire que cet endroit est radicalisé, que ces enfants sont radicalisés et antisémites, c’est le comble de l’irresponsabilité. »
Banks a expliqué avoir interrogé les élèves pour comprendre ce qui avait pu semer le chaos dans l’école et découvert le rôle central joué par les réseaux sociaux.
« Avec tout le respect que je leur dois, les jeunes d’aujourd’hui ne regardent pas New York 1, NBC ou ABC », explique Banks. « Ils consomment de l’information sur les réseaux sociaux, TikTok ou autres, et ce qu’ils voient au quotidien, ce sont des enfants et des jeunes en Palestine, des familles palestiniennes victimes de bombardements. »
Et en conséquence, « ils se sentent solidaires des membres de la communauté palestinienne », ajoute-t-il.
« Quand ils ont tout d’un coup vu cette image de l’enseignant en train de dire : « Je suis aux côtés d’Israël », les étudiants m’ont dit avoir compris que c’était une forme de validation de ce qui arrivait aux familles et à la communauté palestiniennes ». « Ca m’a paru crédible. »
Après avoir twitté que cet incident était une « effroyable démonstration d’antisémitisme », Adams a adopté un ton plus apaisé lors d’une conférence de presse à l’hôtel de ville mardi, déclarant que Banks avait fait « ce qu’il fallait » en se rendant dans cette école et reprenant à son compte l’accusation portée par Banks sur les réseaux sociaux, ajoutant que les algorithmes « détruisaient nos enfants, ce dont la situation témoignait clairement ».
The scene at Hillcrest High School in Queens as a Jewish teacher hid in her locked office for hours while students demanded she be fired for attending a pro-Israel rally. pic.twitter.com/jzVCEofvJS
— Steve McGuire (@sfmcguire79) November 25, 2023
Le vice-chancelier Dan Weisberg a déclaré, lors de cette même conférence de presse dans les locaux de l’hôtel de ville, que la perception de l’incident par le grand public était erronée. « Ces reproches et calomnies proférés à l’encontre des étudiants sont injustes », a-t-il déclaré.
La réaction de la municipalité témoigne de la difficulté de prendre en charge les prises de positions pro-palestiniennes des étudiants liées à la guerre d’Israël contre le Hamas, à Gaza, qui a commencé le 7 octobre par le massacre de 1 200 personnes en Israël et l’enlèvement de 240 personnes par les terroristes. Le mois dernier, des centaines d’élèves avaient organisé une manifestation contre Israël, à Bryant Park, aux mots d’« Intifada » et autres, pour demander un cessez-le-feu, accuser Israël de génocide et faire l’éloge de la « résistance » palestinienne. L’incident de Hillcrest prouve donc que les tensions se manifestent également dans les écoles.
Les événements à l’origine de l’incident remontent à plusieurs semaines, lorsqu’une professeure juive en santé d’Hillcrest a mis comme photo de profil Facebook un selfie pris lors d’une manifestation pro-israélienne où on la voit avec une pancarte de soutien à l’État juif. Les élèves de l’école ont vu cette photo et l’ont partagée avec leurs camarades de classe, explique Banks.
Ils ont organisé une manifestation contre l’enseignante, le 20 novembre, qui a rapidement dégénéré lorsque des centaines d’élèves, dans les couloirs, entre deux cours, se sont joints à eux et se sont déchaînés. Des vidéos les montrent en train de courir dans les couloirs, agiter des drapeaux palestiniens et dégrader les biens de l’école. Une photo de l’enseignante peut être vue sur des vidéos publiées.
« C’était censé être une manifestation pacifique, mais certains élèves manquent manifestement de maturité », a expliqué le président des classes de Terminale de l’école, Muhammad Ghazali. « Ces étudiants ont le droit de manifester, c’est leur façon de faire qui a été mauvaise. »
Khadija Ahmed, élève de Hillcrest, confie : « Nous voulions dire que nous souhaitions que la Palestine soit libre, mais le message s’est perdu et beaucoup de personnes ont été blessées moralement. »
Banks estime à 400 le nombre d’élèves, sur les 2 500 que compte l’école, qui « se sont comportés de manière perturbatrice ». Il estime cela inacceptable et affirme que le ministère de l’Éducation prendra des mesures.
« La violence, la haine et le désordre n’ont rien à faire dans nos écoles », affirme M. Banks. « L’antisémitisme, l’islamophobie et toutes les formes de sectarisme sont tout simplement inacceptables. »
Il a ajouté qu’il convoquerait tous les directeurs d’école de la ville de New York pour une réunion sur le conflit au Moyen-Orient. Il a dit avoir passé un après-midi à parler de la situation avec les élèves et le personnel de Hillcrest et annoncé qu’un intervenant extérieur travaillerait avec les écoles, en adaptant les ressources offertes à chaque établissement.
Banks précise que certains étudiants d’Hillcrest seront suspendus. Les autorités de l’établissement ont refusé de donner des détails sur le nombre d’étudiants ou les sanctions envisagées, invoquant les lois sur la protection de la vie privée, et rejeté les appels à suspendre des centaines d’élèves.
« Le message que nous envoyons à ces élèves, c’est qu’il n’y a pas de mal à manifester », explique Richards. « Le problème, ce n’est pas ce que vous dites, mais comment vous le dites et comment vous le faites. »
Banks, lui-même diplômé de Hillcrest, rappelle que l’enseignante a été prise pour cible en raison de son soutien à Israël et de « sa judéité », mais que, contrairement aux informations reprises par les médias, elle a été mise en sécurité à un étage différent des élèves qui manifestaient contre elle.
Avant l’incident déjà, l’enseignante s’était inquiétée des publications la concernant, sur les réseaux sociaux, dont elle avait informé la police. Cette dernière affirme avoir répondu à un appel au 911, dans l’établissement, aux alentours de 9h30, le 20 novembre, à propos d’une enseignante « destinataire de menaces de la part d’un inconnu sur les réseaux sociaux ».
« Personne n’était barricadé et il n’y avait ni manifestation ni émeute sur place. Il n’y a pas eu d’arrestation et l’enquête est en cours », a fait savoir la police.
Banks rappelle que le corps étudiant de Hillcrest est composé d’environ 30 % de musulmans et que le corps professoral comprend à la fois des enseignants juifs et musulmans. Le chancelier précise qu’après la manifestation du 20 novembre dernier, un élève avait averti le directeur, deux jours plus tard, que les manifestations se poursuivraient tant que l’enseignante resterait à son poste, et qu’une autre manifestation aurait lieu plus tard dans la journée. L’école a pris des mesures pour empêcher la tenue de cette manifestation.
L’enseignante, qui ne s’est pas exprimée publiquement si ce n’est par une déclaration au New York Post, retournera à l’école cette semaine, explique Banks, ajoutant que l’école était préoccupée par une manifestation contre l’antisémitisme prévue devant l’école par le groupe d’autodéfense pro-israélien et juif Yad Yamin. Le groupe a fait savoir que le rassemblement avait été annulé.
L’incident a suscité de vives critiques de dirigeants juifs et inspiré la création d’une nouvelle organisation, l’Alliance des écoles publiques de la ville de New York, qui tente d’obtenir du service de l’éducation de la ville qu’il lutte plus efficacement contre l’antisémitisme au sein des établissements scolaires. La création de cette organisation a été annoncée lors d’une conférence de presse, sur les marches du palais de justice de Tweed, siège du ministère de l’Éducation.
« Le chancelier Banks tourne le dos à nos élèves, nos familles et nos professeurs. Il n’a pas réussi à faire que les salles de classe et les écoles soient des lieux sûrs et inclusifs pour tous les élèves, familles et employés juifs », a déclaré la fondatrice Tova Plaut, coordinatrice pédagogique pour le district 2 de Manhattan.
L’organisation, qui dénonce ce qu’elle qualifie de « timide réaction » de Banks à l’incident de Hillcrest, exige qu’il reconnaisse « l’étendue de la haine et de la culture anti-juive » au sein des écoles publiques, adopte la définition de l’antisémitisme de l’IHRA, applique une politique de tolérance zéro à l’égard de l’antisémitisme, revoie la façon dont les écoles abordent la diversité pour y inclure les Juifs et enfin fasse une place à la judéité dans les programme et objectifs tenant à la diversité et à l’inclusion.
Dans le Queens, les dirigeants juifs locaux revendiquent des mesures plus fortes suite à l’incident de Hillcrest.
« Il faut que les têtes tombent. Les administrations doivent rendre des comptes. Il n’est plus acceptable de seulement entendre : ‘Nous ne voulons pas d’antisémitisme’ », explique Sorolle Idels, à la tête de l’Alliance juive du Queens, organisation communautaire orthodoxe. « Les paroles ne suffisent plus. »
Informée des vidéos de l’incident de la semaine dernière, l’organisation attendait la réponse des autorités de la ville, explique Idels. Suite à la nouvelle de l’émeute, le week-end dernier, elle s’est empressée d’organiser une conférence de presse le 27 novembre au matin, à laquelle a assisté Eric Dinowitz, président du caucus juif du conseil municipal.
Idels pense que l’école a tenté de taire l’incident, car il n’y a eu aucune réaction publique avant la publication de l’information par le New York Post, près d’une semaine après l’incident. Ce que nie catégoriquement Banks, qui assure que la ville agit dans la plus grande transparence. Il indique que d’autres incidents de violences, survenus récemment au sein de l’école, ont été déformés par les médias alors qu’ils ne sont en rien liés à la manifestation anti-israélienne.
La Fédération unie des enseignants (UFT), le syndicat des enseignants de la ville de New York, a publié une déclaration indiquant que le syndicat avait été informé de la survenue de l’émeute le jour où elle s’est produite.
« L’UFT travaille avec l’enseignante, le service de sécurité de l’école, le DOE et le NYPD depuis lundi dernier », explique le président de l’UFT, Michael Mulgrew, dans un communiqué envoyé à New York Jewish Week. « Le syndicat continuera d’envoyer du personnel dans le bâtiment et de travailler avec l’administration, le personnel de sécurité du DOE, la sécurité de l’école et le NYPD pour rétablir et maintenir un environnement sûr pour les professeurs, les étudiants et le personnel. »
Contactée, l’American Federation of Teachers (AFT), l’organisation mère du syndicat, a également envoyé la déclaration de Mulgrew. La cheffe de l’AFT, Randi Weingarten, est une fervente partisane d’Israël, où elle se trouve en ce moment avec sa partenaire, rabbin. Au cours du week-end, elle a qualifié l’émeute d’« acte antisémite ignoble » sur X et déclaré que « de nombreuses personnes se mobilisent pour y faire face ».
Le caucus juif, le caucus Common Sense du conseil municipal, la procureure générale de l’État de New York, Leticia James, l’Anti-Defamation League et d’autres dirigeants ont eux aussi condamné cet incident.
Le directeur exécutif du Conseil de la communauté juive du Queens, Mayer Waxman, a déclaré que le groupe entretenait une relation de bonne qualité avec l’ensemble de la communauté au sens large, qu’il n’avait, avant cela, jamais entendu parler d’actes antisémites au sein des écoles secondaires des environs et qu’il était bouleversé par l’incident de Hillcrest.
« Nous pensions que le Queens était à l’abri de ça », dit Waxman, qui se dit déçu que l’incident ne se soit ébruité qu’au bout d’une semaine. « Cela aurait dû être prioritaire, cela aurait dû être rendu public et étouffé dans l’œuf. »
La principale université publique de l’arrondissement, le Queens College, essentiellement fréquentée par des banlieusards, a elle aussi été le théâtre d’incidents antisémites et de tensions entre étudiants juifs et musulmans.
À l’instar du maire et du chancelier, les dirigeants de la communauté juive ont déclaré que les réseaux sociaux et les effets de mode avaient joué un rôle central dans l’organisation de la manifestation.
« Je ne pense même pas que les élèves comprennent vraiment ce qu’ils font. Ca les amuse. Comme si la nouvelle mode en ce moment, c’était de haïr les Juifs », confie Idels.
Le rabbin Yossi Schwartz, directeur de l’Union des étudiants juifs de l’Union orthodoxe à New York, organisation de jeunes qui œuvrent dans les lycées publics, dit avoir constaté des manifestations d’antisémitisme depuis le 7 octobre dernier, mais que l’émeute de Hillcrest était pour lui un choc. Selon lui, le petit nombre d’élèves juifs, dans l’école, a peut-être joué en défaveur, car de ce fait, les élèves étaient sans doute moins habitués aux positions israéliennes et juives.
Suite à la conférence de presse, il a dit attendre des mesures plus fermes de la part des administrateurs et a attribué la responsabilité du regain des sentiments anti-Israël aux effets de mode et aux réseaux sociaux.
« C’est bien de se mobiliser et d’aider ceux qui sont considérés comme les outsiders », a-t-il déclaré. « Mais ça cesse de l’être quand il y a de la violence ou quand on se soulève en grand nombre contre un enseignant ou qui que ce soit d’autre. C’est triste que cela se produise avec des adolescents. »
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