« On aurait pu les sauver »: les proches des otages morts disent leur profonde déception
Au moment où le gouvernement est pressé de conclure un accord, le Forum des otages dit qu'Israël a "l'obligation morale" de les libérer ; Selon un proche, les otages ont été "sacrifiés" sur l’autel de la survie du gouvernement
Le Forum des otages et des proches de disparus a commenté, mardi, le retour des dépouilles d’Avraham Munder, Alex Dancyg, Chaim Peri, Yagev Buchshtab, Yoram Metzger et Nadav Popplewell, enlevés en vie par le Hamas le 7 octobre dernier. Il en a profité pour demander au gouvernement de « faire tout ce qui est en son pouvoir » pour conclure un accord et faire libérer les 109 otages encore détenus à Gaza.
« Le retour des corps d’Abraham, Alex, Chaim, Yagev, Yoram et Nadav permet à leurs proches d’avancer et aux suppliciés de goûter au repos éternel », a déclaré le Forum des otages par voie de communiqué.
« Israël a l’obligation morale et éthique de rapatrier les personnes assassinées pour qu’elles soient inhumées dans la dignité, tout comme les otages encore en vie, pour leur permettre de se reconstruire. Le retour immédiat des 109 derniers otages ne peut se faire que via un accord. Le gouvernement israélien, avec l’aide des médiateurs, doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour conclure l’accord en cours de négociation. »
L’armée israélienne a annoncé mardi matin que les six corps ont été retrouvés lors d’une opération nocturne à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza. Ces six hommes avaient été emmenés vivants à Gaza lors de l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre : ils ont été tués au cours de la guerre qui s’en est suivie.
Mati Dancyg, dont le père a été retrouvé mort mardi, a fustigé le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qu’il accuse d’avoir « sciemment abandonné les otages pour assurer sa propre survie ».
Au micro de Kan news, Dancyg a évoqué le témoignage d’ex-otages ayant déclaré qu’Alex était plutôt en bonne santé dans les tout premiers mois de captivité. Il a été kidnappé, avec 250 autres personnes, par des terroristes dirigés par le Hamas qui, par milliers, se sont introduits en territoire israélien le 7 octobre, pour y tuer 1 200 personnes.
« Lui, comme les autres otages, auraient pu être déjà revenus », a-t-il accusé. « Netanyahu a délibérément sacrifié les otages. Son karma fera le travail : il va le payer cher. »
L’équipe de négociateurs israéliens doit se réunir, cette semaine, avec les médiateurs américains, égyptiens et qataris pour évoquer la proposition d’accord de cessez-le-feu avec le Hamas, suite aux deux jours de négociations à Doha la semaine passée.
Les médiateurs s’étaient dits optimistes quant aux perspectives de conclusion d’un accord suite à ces pourparlers, mais ces tout derniers jours, l’enthousisame est retombé suite au refus du Hamas d’accepter la dernière offre.
Avraham Munder, 78 ans, est le seul des six otages morts, rapatriés en Israël mardi, dont la mort en captivité n’avait pas été confirmée à ce stade par l’armée israélienne.
Son petit-fils âgé de 9 ans, Ohad Munder-Zichri, lui aussi enlevé au Kibbuz Nir Oz le 7 octobre et libéré, en même temps que sa mère et sa grand-mère, à la faveur d’une trêve d’une semaine en novembre dernier, a déclaré mardi que les tentatives d’accord avaient « toujours échoué au dernier moment ».
« Tous les otages auraient pu revenir vivants. Dès le premier jour. Je suis revenu vivant, mais certains otages ne sont plus en vie, comme mon grand-père », a-t-il déclaré à Kan.
La famille de Yagev Buchshtav, 35 ans, dont la mort avait été confirmée en juillet, a déclaré par voie de communiqué que, bien qu’elle se « réjouisse » du rapatriement du corps, elle « était déterminée à continuer à se battre aux côtés des autres familles d’otages ».
Yagev Buchshtav a été enlevé en même temps que sa femme, Rimon Kirsht Buchshtav, 36 ans, à leur domicile du kibboutz Nirim, le 7 octobre. Rimon a été libérée dans le cadre de l’accord de novembre dernier.
« Nous savons qu’il était encore en vie en février. Lui et les autres auraient pu être sauvés. C’est pourquoi il est important de sauver ceux qui le peuvent encore afin que d’autres familles ne se retrouvent pas dans notre situation. Nous vivons dans le deuil depuis un bout de temps maintenant », a déclaré la famille Buchshtav.
Nadav Popplewell, âgé de 51 ans, avait lui aussi été enlevé avec sa mère, Channah Peri, dans la pièce sécurisée de sa maison du kibboutz Nirim, le 7 octobre. Peri a été libérée à la faveur de l’accord de novembre dernier, Popplewell, déclaré mort par l’armée israélienne en juin.
La fille de Chaim Peri, 79 ans, a déclaré mardi : « Il est impossible de ne pas éprouver de rage. A cause des terribles négligences qui ont permis son enlèvement, le 7 octobre, puis conduit à la décision de ne pas le libérer, de ne pas le sauver, alors qu’il était encore en vie. »
« Il faut que les gens sachent que c’est le sort des otages abandonnés en captivité. En ce jour, je pense essentiellement aux otages que l’on laisse mourir à Gaza, affronter les mêmes dangers. Ils ont besoin d’être sauvés. Immédiatement. », a-t-elle déclaré, comme le relaie Ynet.
Peri avait été enlevé vivant en son domicile du kibboutz Nir Oz : sa mort a été confirmée en juin dernier.
Peri et Yoram Metzger étaient apparus, vivants, dans une vidéo de propagande publiée par le Hamas en décembre dernier.
A la tête d’une organisation de proches d’otages qui manifestent régulièrement contre le gouvernement, Ayala Metzger, belle-fille de l’octogénaire Metzger, a indiqué mardi que sa famille accueillait la nouvelle avec des « sentiments partagés ».
« Nous nous sentons partagés. C’est presque la fin d’une étape pour nous. Au moins, Yoram et ses amis sont revenus chez eux. Nous aurons une tombe sur laquelle nous recueillir. Mais nous ne savons pas ce qui lui est arrivé là-bas, ni dans quelles circonstances il est mort », a-t-elle déclaré, tout en s’engageant à continuer à manifester contre le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Son camarade de manifestation, Einav Zangauker, dont le fils Matan Zangauker est otage à Gaza depuis son enlèvement au kibboutz Nir Oz le 7 octobre, aurait affirmé mardi que le chef du Mossad, David Barnea, lui avait dit qu’un accord sur les otages serait impossible « dans les circonstances politiques actuelles ».
Une déclaration faite par le cabinet de Netanyahu pour le compte de l’agence d’espionnage a catégoriquement démenti la nouvelle et affirmé que le chef du Mossad « travaillait pour conclure un accord et faire libérer les otages le plus vite possible ».
Le Secrétaire d’État américain Antony Blinken a déclaré lundi que Netanyahu avait confirmé l’acceptation par Jérusalem de la proposition de rapprochement faite par les États-Unis à Doha, la semaine dernière.
Les pressions pour obtenir un accord, mettre fin aux combats à Gaza et libérer les otages aux mains de l’organisation terroriste depuis le 7 octobre ont atteint leur apogée, ces dernières semaines, depuis que l’Iran et le Hezbollah font peser la menace de représailles de grande ampleur contre Israël suite à la mort de chefs terroristes de haut niveau, le mois dernier. Ces deux pays attendraient les résultats des négociations.
A la nouvelle du rapatriement des corps des otages, la critique du gouvernement est également venue des bancs de l’opposition : le président de Yesh Atid, Yair Lapid, a écrit sur X : « Ils étaient vivants ! »
Sur les 251 otages enlevés par le Hamas le 7 octobre dernier, 105 se trouveraient encore à Gaza, dont les corps de 34 d’entre eux, dont l’armée israélienne a confirmé la mort.
Le Hamas a libéré 105 civils à la faveur d’une trêve d’une semaine, fin novembre. Quelques jours plus tôt, quatre autres otages avaient été remis en liberté. Sept otages vivants ont été secourus par l’armée, auxquels s’ajoutent les corps des 30 otages retrouvés, trois d’entre eux tués par erreur par l’armée en tentant d’échapper à leurs ravisseurs.
Le Hamas séquestre également deux civils israéliens entrés dans la bande de Gaza, respectivement en 2014 et 2015, ainsi que les corps de deux soldats tués en 2014.