« On nous fait disparaître » : le cri des femmes afghanes à l’ONU
"Je vous en supplie tous : S'il vous plaît, si ce Conseil peut faire quelque chose, qu'il le fasse !" a lancé Razia Sayad, leur demandant d'arrêter de parler du sujet si cela n'aboutit à rien

Des femmes afghanes ont lancé lundi à l’ONU un vibrant appel en faveur d’une véritable action internationale pour mettre fin à l' »apartheid des genres » instauré dans leur pays depuis le retour au pouvoir des talibans.
« Aujourd’hui, les droits humains en Afghanistan n’existent pas », a déclaré Mahbouba Seraj devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève, à l’occasion d’un débat sur les droits des femmes et des filles afghanes.
Cette journaliste et militante des droits des femmes en Afghanistan en a « assez » de tirer en vain la sonnette d’alarme sur l’abrogation des droits des femmes et des filles dans son pays.
Depuis leur retour au pouvoir le 15 août 2021, les talibans ont imposé des restrictions sévères aux filles et aux femmes pour qu’elles se conforment à leur vision ultra-rigoriste de l’islam, les écartant ainsi de la vie publique mais également des écoles secondaires.

Elle doivent se couvrir entièrement en public, y compris le visage, idéalement avec la burqa, un voile intégral avec une grille en tissu au niveau des yeux.
« Les femmes afghanes sont désormais à la merci d’un groupe qui est foncièrement anti-femmes et ne reconnaît pas les femmes comme des êtres humains », a affirmé Razia Sayad, avocate afghane et ancienne commissaire de la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan.
« Les femmes de ce pays n’existent pas… On nous fait disparaître », a renchéri Mme Seraj.
Elle a appelé les dirigeants onusiens à prendre toutes les mesures possibles afin d’inverser la situation.
« Je vous en supplie tous : S’il vous plaît, si ce Conseil peut faire quelque chose, qu’il le fasse ! » a-t-elle lancé, leur demandant d’arrêter de parler du sujet si cela n’aboutit à rien.
Elle a suggéré, avec d’autres, que le Conseil des droits de l’homme mette sur pied un groupe d’experts indépendants chargés de surveiller tous les violations, dans le but de demander des comptes aux auteurs de ces abus.
« Dieu seul sait quel genre d’atrocités ne sont pas signalées », a-t-elle averti.
Le Rapporteur spécial de l’ONU sur l’Afghanistan, Richard Bennett, a également souligné l’importance de renforcer la question de responsabilité, et a suggéré que la situation pouvait être comparée à un « apartheid des genres ».

Plus tôt dans la journée, l’expert – dont le mandat a été créé en octobre 2021 et doit être renouvelé le 6 ou 7 octobre – a présenté son premier rapport et déclaré que « les Afghans sont pris au piège d’une crise des droits humains à laquelle le monde semble impuissant à faire face ».
Outre la question des droits des femmes et des filles, il a énuméré une série d’autres violations, notamment la persécution des Hazaras et d’autres minorités chiites.
« Les communautés hazaras et chiites sont l’un des groupes les plus sévèrement persécutés. Leurs membres ont été arrêtés arbitrairement, torturés, exécutés de façon sommaire, déplacés de leurs terres traditionnelles, et ils sont soumis à une fiscalité discriminatoire et autrement marginalisés », a dénoncé M. Bennett.
La communauté chiite, qui est essentiellement Hazara et représente entre 10 et 20 % de la population afghane (environ 40 millions d’habitants), est persécutée de longue date dans ce pays à majorité sunnite.

« Ils sont victimes d’attaques depuis des années, souvent revendiquées par l’EI-K (l’Etat islamique-Khorasan, la branche régionale de l’EI, ndlr) », a expliqué M. Bennett.
« Ces attaques semblent être de nature systématique et comportent des éléments d’une politique organisée. Elles portent donc la marque de crimes internationaux et doivent faire l’objet d’une enquête approfondie », a-t-il affirmé.