Opposé à la conscription, Yahadout HaTorah se libère de la discipline de coalition
Le parti haredi "ne fera pas tomber le gouvernement" mais, sans percée sur l’exemption de service militaire des étudiants de yeshivot, il votera de manière indépendante

Frustré par l’incapacité du gouvernement à faire adopter une loi exemptant les étudiants de yeshivot de la conscription, le parti ultra-orthodoxe Yahadout HaTorah a fait savoir qu’il ne se considérait plus lié par la discipline de la coalition.
Selon des médias israéliens, à l’issue d’une réunion de faction mercredi, les députés du parti ont décidé d’adopter une ligne indépendante lors de la prochaine session parlementaire d’été, qui débutera le 4 mai, à moins que des avancées ne soient réalisées sur cette législation controversée.
« Il y a deux façons de quitter une coalition. L’une consiste à claquer la porte, l’autre à s’en éloigner progressivement. Nous avons choisi la seconde », a déclaré un haut responsable du parti au quotidien Maariv.
« Pour l’instant, nous ne sommes plus tenus par la discipline de la coalition, mais nous ne ferons pas tomber le gouvernement », a-t-il ajouté, en liant cette position à la question de la conscription ainsi qu’à la réintroduction des subventions aux crèches pour les enfants d’hommes ultra-orthodoxes non enrôlés.
Désormais, plutôt que de suivre automatiquement la ligne de la coalition, chaque dossier sera soumis à l’avis des autorités rabbiniques du parti, a indiqué sur X Avraham Friend, journaliste politique pour le site ultra-orthodoxe Behadrei Haredim.
Lors de la réunion de mercredi, les membres de la faction Degel HaTorah, représentant le courant dit « lituanien » du judaïsme ultra-orthodoxe, ont vivement dénoncé les députés des partis HaTzionout HaDatit et Likud, accusés de « participer à l’incitation contre le public haredi » sur la question de la conscription, selon la Quatorzième chaîne.

Les partenaires ultra-orthodoxes de la coalition de Netanyahu ont fait pression pour que soit adoptée une loi régularisant les exemptions militaires pour les étudiants de yeshivot et d’autres membres de la communauté haredi, après que la Haute Cour a statué en juin dernier que ces dispenses, en vigueur depuis des dizaines d’années, étaient illégales car sans fondement législatif.
En dépit des assurances données par le Premier ministre à ses alliés haredim, le projet de loi – qualifié de « loi d’évitement » par ses détracteurs est longtemps resté bloqué à la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, présidée par Yuli Edelstein (Likud), qui a déclaré ne vouloir « produire qu’une véritable loi sur la conscription, susceptible d’augmenter significativement les effectifs de Tsahal ».
Les exemptions générales de conscription pour la population haredie sont devenues extrêmement impopulaires, même au sein de la coalition, compte tenu de la pénurie d’effectifs au sein de Tsahal dans le cadre de la guerre en cours et de la pression qu’elle a exercée sur la société israélienne.
La faction hassidique Agoudat Yisrael de Yahadout HaTorah et Shas, l’autre parti ultra-orthodoxe de la coalition, ont déjà menacé de faire tomber le gouvernement en s’opposant au budget de l’État 2025 sur la question de l’enrôlement, avant de faire marche arrière et de voter en faveur du budget.
Après l’adoption du budget, à la fin du mois dernier, le site d’information ultra-orthodoxe Kikar Hashabbat a rapporté que le rebbe hassidique de Gur avait demandé au président de Yahadout HaTorah, Yitzchak Goldknopf, de signer un plan alternatif, proposé par Degel HaTorah, visant à accroître la pression sur Netanyahu.
Ce plan prévoyait que l’ensemble du parti Yahadout HaTorah menace de quitter le gouvernement si une loi sur les exemptions n’était pas adoptée dans un délai de trois mois.

Pour tenter de désamorcer un tel ultimatum, Netanyahu se serait entretenu avec plusieurs grands rabbins haredim liés à Yahadout HaTorah, parmi lesquels, le rabbin Yissachar Dov Rokeach, le chef du mouvement hassidique Belz, la deuxième plus grande branche hassidique en Israël, et le rabbin Moshe Hirsch, figure de proue du courant « lituanien ».
D’après Kikar Hashabbat, lors de ses appels avec les rabbins Rokeach et Hirsch, Netanyahu aurait argumenté que le calendrier proposé n’était pas réaliste, et qu’une loi réglementant la conscription ne pouvait être votée dans un délai aussi court.
À la suite de ces échanges, les deux rabbins se sont réunis au domicile du guide spirituel de Degel HaTorah, le rabbin Dov Lando, à Bnei Brak, afin d’élaborer une nouvelle stratégie pour le parti. Selon plusieurs médias, il a été décidé qu’aucune lettre publique ne serait publiée ; les dirigeants rabbiniques privilégieraient une négociation discrète avec le gouvernement.
De nombreux juifs ultra-orthodoxes estiment que le service militaire est incompatible avec leur mode de vie et redoutent que ceux qui s’enrôlent ne finissent par se séculariser.
Ces exemptions sont néanmoins de plus en plus contestées par les Israéliens soumis au service militaire obligatoire, en particulier dans le contexte de guerre actuel, qui a coûté la vie à des centaines de soldats et entraîné la mobilisation de centaines de milliers de réservistes.

L’armée a déclaré faire face à une pénurie de main-d’œuvre et avoir besoin d’environ 12 000 nouvelles recrues, dont 7 000 destinées à des unités de combat.
À l’heure actuelle, environ 70 000 hommes haredim âgés de 18 à 24 ans sont éligibles à la conscription, mais n’ont pas été enrôlés. Depuis juillet 2024, Tsahal a émis 18 915 ordres initiaux d’enrôlement à l’attention de membres de la communauté haredie, répartis sur plusieurs vagues. Pourtant, selon le lieutenant-colonel Avigdor Dickstein, chef de la branche haredie au sein de la Direction des ressources humaines de l’armée, seuls 232 de ces jeunes hommes ont effectivement rejoint les rangs – dont 57 dans des unités combattantes.
S’adressant mercredi à la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, Dickstein a précisé que, malgré l’objectif fixé par l’armée de recruter 4 800 hommes haredim durant le cycle 2024-2025, seuls 1 721 s’étaient engagés à ce jour.
« On observe une tendance à la hausse, mais elle reste insuffisante et ne répond pas aux très importants besoins opérationnels », a-t-il déclaré.
Des données présentées le même jour par le Bureau central des statistiques à la commission montrent que 24,4 % des 57 424 jeunes âgés de 18 ans pouvant être enrôlés cette année – soit 14 035 personnes – sont issus du milieu ultra-orthodoxe. Ce chiffre devrait atteindre 27,2 % d’ici 2030.