Des députés hassidiques menacent Netanyahu de faire tomber le budget sans loi d’exemption
Malgré les promesses du Premier ministre, la loi sur l’exemption des Haredim semble repoussée ; sur 10 000 convoqués, seuls 177 se sont enrôlés, selon Tsahal

Les membres de la faction Agoudat Yisrael de la coalition ont envoyé jeudi une lettre au Premier ministre Benjamin Netanyahu, l’avertissant qu’ils voteraient contre le budget de l’État si le gouvernement n’adoptait pas une loi officialisant des exemptions radicales au service militaire obligatoire pour les étudiants ultra-orthodoxes de yeshivot.
La lettre a été signée par le ministre du Logement Yitzhak Goldknopf, ainsi que par les députés Yaakov Tessler et Moshe Roth.
Agoudat Yisrael est la faction hassidique de Yahadout HaTorah, qui inclut également le parti non hassidique Degel HaTorah.
L’annonce de la lettre est intervenue peu après les révélations par Ynet que plusieurs membres influents de la coalition Netanyahu estiment que ce projet de loi controversé, exemptant les étudiants ultra-orthodoxes de la conscription militaire, a peu de chances d’être adopté lors de la session législative actuelle de la Knesset et qu’il sera probablement reporté.
Malgré les promesses répétées du Premier ministre à ses partenaires haredim, le dossier semble être dans l’impasse. « Le projet de loi sur la conscription est mort », aurait confié un haut responsable de la coalition à Ynet.
L’un des principaux obstacles reste l’opposition interne à ce texte, notamment celle du président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, Yuli Edelstein (Likud).

Edelstein, qui supervise les travaux préparant la loi pour ses deuxième et troisième lectures, s’est engagé à ce que sa commission ne produise « qu’une véritable loi sur la conscription qui augmentera de manière significative la base de conscription de Tsahal ».
Netanyahu « a compris qu’il ne pouvait plus faire pression sur Edelstein », a déclaré une source du Likud à Ynet.
Le bureau du Premier ministre a cependant rejeté ces affirmations, qualifiant l’info de fake news, et assurant que la loi serait bien adoptée, permettant à la fois de réglementer le statut des étudiants de yeshivot et d’augmenter l’enrôlement des ultra-orthodoxes.

La semaine dernière, le président de Yahadout HaTorah a prévenu que si la loi n’était pas adoptée avant le vote du budget 2025, elle ne le serait jamais, menaçant que le gouvernement pourrait tomber si la législation n’était pas priorisée.
Selon le quotidien Hamodia, affilié au mouvement hassidique Gur de Goldknopf, ce dernier s’est plaint lors d’une réunion de faction que cette loi aurait dû être votée depuis longtemps, mais que le gouvernement Netanyahu multiplie les excuses et reporte sans cesse son avancement.
« Nous avons deux options devant nous : soit ils reportent la loi sur la conscription et nous irons aux urnes cet été, soit ils insistent pour faire passer cette loi avant le budget, et le gouvernement ira jusqu’au bout de son mandat », a averti Goldknopf.
Le budget de l’État pour 2025 doit impérativement être adopté avant la fin mars, faute de quoi le gouvernement sera automatiquement dissous, ce qui déclenchera des élections anticipées.

Dans une démarche similaire, le mois dernier, Aryeh Deri, avait lui aussi donné deux mois à Netanyahu pour régler la question du statut des étudiants de yeshivot, menaçant de faire tomber la coalition. « Nous irons aux urnes », avait-il prévenu.
Toutefois, dès le lendemain, le porte-parole du Shas, Asher Medina, avait nuancé ces propos, assurant sur N12 que son parti « ne renverserait pas le gouvernement de droite. Il n’y a ni menace ni ultimatum ».
Depuis, Avraham Betzalel (Shas), a publiquement rejeté la menace brandie par Yahadout HaTorah, déclarant à Radio Kol Hai qu’il n’existe aucune date butoir pour l’adoption de cette loi.
« Il n’y a pas de date butoir pour la loi sur la conscription. En revanche, si le budget n’est pas adopté avant la fin mars, il n’y aura plus de gouvernement. Il faut adopter le budget et avancer sur la loi sur la conscription, mais sans les lier », a déclaré Betzalel.
Selon le quotidien Maariv, Goldknopf envisagerait de démissionner avant le vote final du budget, malgré l’opposition de Degel HaTorah, qui préfère attendre que le budget soit adopté avant de rouvrir la bataille sur la conscription.
Par ailleurs, Deri et Moshe Gafni (Yahadout HaTorah), ont semblé prendre leurs distances par rapport à l’opposition de Goldknopf, au budget de l’État pour 2025, en publiant jeudi une déclaration conjointe saluant les « réalisations spectaculaires » du camp ultra-orthodoxe – ou haredi – dans l’augmentation du financement public de leurs institutions.
Gafni dirige la faction non hassidique Degel Hatorah de Yahadout HaTorah tandis que Goldknopf dirige sa faction hassidique Agoudat Israel, ainsi que le parti dans son ensemble.

Mardi soir, le cabinet a approuvé l’allocation de 5 milliards de shekels de fonds de coalition, dont 1,27 milliard de shekels pour les yeshivot et des centaines de millions pour diverses autres institutions haredim. Les allocations ont été votées à l’unanimité, à l’exception de Goldknopf, qui s’est opposé au fait que les fonds n’étaient pas inclus dans le budget initial pour 2025.
Goldknopf a menacé à plusieurs reprises de s’opposer au budget de l’État pour 2025 à moins qu’une loi exemptant les ultra-orthodoxes étudiant en yeshiva ne soit adoptée au préalable, le mettant ainsi en opposition avec Deri et Gafni, qui sont tous deux prêts à attendre l’adoption du budget pour faire avancer la loi jusqu’à ses lectures finales.
Dans leur déclaration, Deri et Gafni se sont félicités de l’approbation des fonds de la coalition, arguant que le fait que le montant total des fonds alloués aux yeshivot soit finalement inclus dans le budget initial à partir de 2026 est une victoire obtenue après des années de lutte acharnée de la part de leurs partis.
« Nous saluons la réussite historique que représente l’intégration d’un milliard de shekels du budget des yeshivot dans le budget de base, une étape qui témoigne de la réparation d’une grande injustice et de la reconnaissance officielle par l’État de la valeur de l’étude de la Torah. En outre, cette décision garantira la stabilité et la capacité de planification à long-terme des administrateurs des institutions [de la Torah] », ont déclaré les deux hommes.
Ils ont ajouté que la question de la conscription des étudiants en yeshiva « nous empêche de dormir la nuit ».
« Sous la direction de [nos rabbins], nous continuons à travailler avec détermination pour régler cette question – et nous ne nous reposerons pas et ne nous tairons pas tant que toutes les menaces pesant sur les étudiants de la Torah en Israël n’auront pas été levées », ont-ils affirmé.
Selon Radio Kol Hai, les députés de Degel HaTorah devaient rencontrer les chefs spirituels du parti, le rabbin Moshe Hirsch et le rabbin Dov Lando, afin de recevoir leurs consignes — qui devraient probablement consister à accepter l’adoption du budget avant de faire avancer le projet de loi sur les exemptions militaires.
Depuis que la Haute Cour de justice a statué, l’été dernier, que le gouvernement devait enrôler les étudiants ultra-orthodoxes des yeshivot, Tsahal a envoyé environ 10 000 convocations à des membres de la communauté.

Cependant, seuls 177 d’entre eux se sont effectivement enrôlés dans l’armée, a révélé jeudi un haut responsable de Tsahal chargé de la mobilisation des ultra-orthodoxes, lors d’une audition devant la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset.
D’après le lieutenant-colonel Avigdor Dickstein, 2 231 ordres d’incorporation forcée ont été envoyés à ceux qui ne se sont pas présentés dans les centres de conscription après réception de leur convocation initiale.
Plus d’un millier de « mandats d’arrêt » ont été émis à l’encontre de ceux qui ont ignoré le deuxième ordre de conscription. La police militaire de Tsahal n’a toutefois pas l’intention de procéder à des arrestations dans l’immédiat. Elle entend attendre que ces réfractaires soient formellement déclarés insoumis (réfractaires à l’appel sous les drapeaux), puis transmettra leur dossier aux forces de l’ordre civiles.
Une fois le mandat d’arrêt reçu, les recrues concernées recevront un ordre de convocation immédiat. Si cet ordre est également ignoré, elles seront officiellement déclarées réfractaires. Cette situation entraîne plusieurs sanctions administratives, dont un ordre de non-sortie — une interdiction de quitter le territoire israélien — et la possibilité d’être arrêtées lors de tout contrôle de police.
À ce jour, 265 haredim sur les 10 000 convoqués ont déjà été déclarés réfractaires, a précisé Dickstein.
Emanuel Fabian a contribué à cet article.