Otages : Les manœuvres du Hamas témoignent de sa mainmise continue sur Gaza
Ce régime terroriste, amoral et barbare, joue cyniquement avec les familles, avec Israël, obligeant même Biden à s'impliquer
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Le problème, lorsqu’il s’agit de tenter de conclure un accord avec un régime terroriste, amoral et sauvage qui vient à peine de massacrer plus d’un millier de vos compatriotes, d’enlever plus de 200 personnes en les gardant en captivité dans son enfer souterrain et qui s’efforce de détruire votre pays, c’est très précisément celui-là : c’est que votre interlocuteur obligé est un régime terroriste, amoral et sauvage, qui vient à peine de massacrer plus d’un millier de vos compatriotes, d’enlever plus de 200 personnes en les gardant en captivité dans son enfer souterrain et qui s’efforce de détruire votre pays.
Les leaders politiques israéliens ont graduellement compris que faire tout ce qui était en leur pouvoir pour garantir le rapatriement du plus grand nombre possible de nos otages était la priorité la plus urgente dans la riposte contre le Hamas au lendemain du 7 octobre. Ils ont réalisé qu’il ne pourrait y avoir aucune victoire, aucune réussite, aussi extraordinaire soit-elle, de l’offensive de l’armée contre le groupe terroriste sans le retour de tous les otages – ou, tout du moins, sans que la population puisse reconnaître que le gouvernement a tout fait pour les rapatrier, sains et saufs, sur le territoire israélien. Le cas échéant, même la démolition du Hamas, même la restauration de la dissuasion face aux autres ennemis d’Israël ne suffiraient pas à redonner confiance aux citoyens dans leurs responsables politiques et militaires après leur échec cuisant du 7 octobre, après leur ignorance des préparations pourtant publiques du Hamas en vue de son attaque monstrueuse contre les nôtres.
Mais sans surprise, le Hamas exploite l’amour que vouent les Israéliens à la vie pour tirer tous les avantages possibles de la trêve de quatre jours qui survient dans la guerre en cours que mène Tsahal contre la machine à tuer de Gaza. Il ne s’est rien passé, jeudi, première journée où des otages devaient être libérés. Après un report – vendredi, donc – les otages ont été relâchés avec d’autres retards. La phase deux des remises en liberté, samedi, a été un exercice de terrorisme psychologique bien orchestré, avec un Hamas qui a affirmé qu’il avait transféré les otages à la Croix-Rouge avant de démentir immédiatement cette information et de lancer de graves accusations à l’égard d’Israël, expliquant que l’État juif n’avait pas fourni autant de carburant et d’aides humanitaires que cela avait été déterminé et qu’il n’avait pas remis en liberté les bons prisonniers palestiniens condamnés pour des faits de terrorisme.
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Ne se contentant pas seulement de jouer avec Israël – et en particulier avec les familles dont les proches devaient être libérés – le Hamas s’est aussi moqué de ses interlocuteurs égyptiens et qataris, et il a obligé le leader du monde libre à s’impliquer directement, le président américain Joe Biden œuvrant, au téléphone, à relancer le processus. Alors qu’Israël menaçait, de toute évidence, de reprendre son offensive au sol si les otages ne se trouvaient pas entre les mains des Israéliens à minuit, le Hamas a daigné mener à bien la phase de libération de captifs qui était prévue samedi, tout en violant un engagement qu’il avait pris, semble-t-il, dans le cadre de l’accord – il avait juré de ne pas relâcher sans leur mère des enfants détenus.
La phase trois des libérations s’est déroulée dimanche sans encombre, et a eu lieu à l’heure. Mais, comme l’a déclaré samedi soir le porte-parole de Tsahal, Daniel Hagari : « Rien n’est jamais définitif tant que rien ne se passe véritablement sur le terrain. » Ou comme l’a dit Biden, vendredi : « Je ne considère pas que le Hamas est fiable. La seule chose fiable à mes yeux en ce qui concerne le Hamas, c’est qu’il ne répond qu’aux pressions. »
Même pas à moitié terminé
Pour le moment, il semble que, sept semaines après le début de la guerre lancée par Israël avec pour but avoué de le réduire en morceaux, le groupe terroriste semble se maintenir de façon très efficace. Les meilleures estimations laissent entendre que peut-être 4 000 à 5 000 de ses hommes armés sont morts – ce qui signifie que 20 000 à 30 000 ne le sont pas.
Israël contrôle une grande partie du nord de Gaza ; l’État juif y a détruit une grande partie des infrastructures du groupe terroriste mais la majorité des tunnels du Hamas, dans le nord de la bande, pourraient bien être encore intacts. Selon d’anciens généraux de l’armée israélienne – citons parmi eux Amos Yadlin, Yisrael Ziv et Giora Eiland – l’opération au sol n’est certainement pas seulement à moitié terminée alors que l’armée doit encore s’attaquer au centre et au sud de Gaza, notamment à des bastions du groupe terroriste, comme Khan Younès. Et la logistique des combats dans le sud de Gaza, une zone aujourd’hui densément peuplée dans la mesure où elle n’accueille plus seulement ses habitants mais aussi tous les évacués du nord de la bande, représentera un immense défi pour l’armée – au moment où presque toute la communauté internationale renforce ses pressions en faveur d’un cessez-le-feu permanent.
Yahya Sinwar, le cerveau présumé du 7 octobre, qui a mis au point la tactique vicieuse d’auto-préservation pour laquelle le Hamas a opté depuis – sacrifiant notamment sans scrupule les Gazaouis non-combattants au nom de ses causes suprêmes, l’extermination des Juifs, la destruction d’Israël, le culte islamiste de la mort – paraît conserver un contrôle très efficace dans une grande partie de la bande. C’est aussi le cas pour d’autres dirigeants de l’organisation.
Depuis que la trêve est entrée en vigueur – et à l’heure où j’écris cet article – la pause a été presque impeccablement respectée par le Hamas et par les autres factions terroristes de la bande, démentant par là même des évaluations nombreuses qui avaient été citées par Israël et qui avaient laissé penser que le groupe pourrait avoir des difficultés à imposer cet arrêt dans les combats à tous ceux qui, armés, haïssent l’État juif.
La comédie lugubre de samedi a aussi suggéré un leadership maîtrisant les événements, poussant à ses extrémités le terrorisme psychologique et sachant quand relâcher la pression.
La mécanique même de l’accord révèle une habileté tactique et stratégique. L’accent est placé sur l’entrée de carburant au sein de l’enclave côtière – un carburant, qui Israël le sait, sera détourné pour être utilisé par la machine de guerre du Hamas – dans le contexte d’un afflux d’aides humanitaires beaucoup plus large que les États-Unis ont appelé de leurs vœux depuis le début de la guerre.
Par ailleurs, les libérations quotidiennes de prisonniers palestiniens originaires de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, qui avaient été incarcérés pour atteinte à la sécurité nationale d’Israël – ils n’ont toutefois jamais été reconnus coupables de meurtres et plusieurs sont des personnalités devenues célèbres – ont entraîné des scènes de liesse qui soulignent la popularité croissante du Hamas, considéré comme le libérateur des soldats de la liberté, et ce au détriment de l’Autorité palestinienne.
Surprise par l’attaque du Hamas, le 7 octobre – de manière à la fois incompréhensible, catastrophique et déraisonnable – l’armée israélienne a affirmé avoir conservé l’avantage lors de toutes les confrontations avec l’armée terroriste depuis le lancement de l’incursion terrestre et elle semble avoir anticipé au moins quelques traquenards meurtriers qui avaient été tendus par le Hamas.
Les troupes ont été sidérées par la quantité extraordinaire d’armes meurtrières utilisées à leur encontre – ou préparées dans cet objectif – dans les innombrables maisons piégées, et par les stocks de roquettes antichars, ainsi que par le vaste réseau de tunnel. Mais elles s’y sont attaquées avec détermination.
Il faudra des années pour reconstruire les ruines laissées dans le sillage des soldats, a reconnu l’armée. Au vu de l’importance de l’enjeu – l’impératif de démanteler une armée terroriste qui a pleinement l’intention de renaître des cendres de la guerre et de massacrer encore et encore les Israéliens, si la possibilité leur est accordée – les militaires ont ordonné des bombardements aériens dans des circonstances où ils n’auraient pas procédé à des frappes dans le passé, avec un nombre de victimes civiles conséquent, tout en insistant sur le fait que leurs agissements étaient conformes au droit international régissant les conflits et qu’ils respectaient les principes de la proportionnalité.
Revenons à la guerre
Le Hamas devrait chercher à faire durer la pause actuellement mise en place dans les combats – grâce à un accord portant sur la libération de 50 otages en quatre jours, avec une trêve qui pourra être prolongée de vingt-quatre heures à chaque nouvelle remise en liberté d’un groupe de dix otages de plus. Plus longue sera cette trêve, plus ce sera compliqué pour l’armée israélienne de reprendre son offensive terrestre – en particulier si le Hamas encourage et force un grand nombre d’évacués du nord de Gaza à retourner dans la zone de guerre – et plus les pressions internationales en vue d’un cessez-le-feu intégral seront fortes.
Les Israéliens ne sont pas unis derrière le Premier ministre Benjamin Netanyahu – mais ils sont presque tous favorables à la mission des soldats dans cette guerre, qui est de démanteler le Hamas et de faire revenir les otages. Ce qui reste très certainement le plan envisagé. Comme l’a dit le chef d’état-major Herzi Halevi dans la journée de samedi : « Nous retournerons immédiatement, à la fin du cessez-le-feu, attaquer Gaza, manœuvrer à Gaza. Nous le ferons pour démanteler le Hamas et nous le ferons aussi pour appliquer une pression forte qui permettra de rapatrier aussi rapidement que possible le plus grand nombre d’otages que possible, jusqu’au dernier d’entre eux… Nous avons l’obligation de nous battre et nous avons l’obligation de mettre notre vie en péril de manière à ce que les citoyens israéliens puissent dorénavant vivre en sécurité. »
Pour le dire dans des termes plus frappants, les Israéliens ont parfaitement conscience du fait que le pays n’aura pas d’avenir si, à la fin des combats, le Hamas est encore une menace, si Sinwar est encore debout, si le Hezbollah – qui a dix fois plus de muscles militaires – peut se gausser d’Israël de l’autre côté de la frontière, depuis le Liban, avec un Iran qui arme, qui forme et qui inspire ses groupes mandataires tout en avançant tranquillement dans son chemin vers la bombe atomique.
« Démanteler » le Hamas, pour Halevi, consiste notamment à neutraliser le plus grand nombre d’hommes armés possible, à neutraliser les commandants du groupe et à détruire les armements, les systèmes de contrôle et les infrastructures du Hamas. Ce qui n’est pas une petite tâche – et ce qui est une tâche qui même une fois effectuée, ne sera pas la fin des difficultés.
Le soutien à une idéologie antisémite, anti-infidèles est bien antérieur à Israël et il ne sera pas détruit même si le Hamas, de son côté, perd ses capacités en tant que force de combat. Mais un Gaza de l’après-guerre devra être un Gaza où les groupes terroristes ne pourront pas prendre le pouvoir et où ils ne pourront pas se réarmer, comme le Hamas avait pu le faire, ces dernières années, avec des camions remplis d’armes entrés depuis la frontière égyptienne. Ainsi, les acteurs régionaux qui détestent le Hamas et qui craignent l’Iran doivent être encouragés à jouer un rôle au sein de l’enclave côtière.
Mais n’anticipons pas. En ce moment, il y a une pause dans les combats que le Hamas est bien déterminé à exploiter. Un Israël qui aspire à retrouver ses otages. Avec les familles de ceux qui n’ont pas été libérés – et qui pourraient ne pas l’être pendant longtemps – qui font preuve d’une noblesse morale et d’une solidarité époustouflantes. Il y a des pressions internationales en faveur d’un cessez-le-feu. Il y a aussi la détermination essentielle, en Israël, à garantir que la campagne militaire atteindra son but en anéantissant le Hamas. Et il y a une personnalité de premier plan qui, malgré les pressions qu’elle subit elle-même, offre à la fois clarté morale et soutien.
Dans ses propos, vendredi, Biden a déclaré entrevoir « une réelle opportunité » de voir la pause actuelle prolongée – non pas sous la forme d’un cessez-le-feu à long-terme, mais pour permettre à un plus grand nombre d’otages d’être libérés. Il a été explicite dans son soutien à l’effort d’Israël, sous Netanyahu, visant à détruire le Hamas : « J’ai encouragé le Premier ministre à se concentrer sur la nécessité de réduire le nombre de victimes dans cette tentative d’éliminer le Hamas, qui est un objectif légitime », a déclaré le président. « C’est une tâche difficile et j’ignore combien de temps il faudra pour la mener à bien. »
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel