Ouverture du procès du jihadiste de Toulouse, Jonathan Geffroy, proche des Merah
Le terroriste français, ami d'Abdelkader Merah, a reconnu avoir brièvement hébergé Mohamed Merah lors d'un séjour en Egypte en 2010
C’est le plus bavard des ex-jihadistes de l’organisation Etat islamique (EI). Le Toulousain Jonathan Geffroy, jugé à partir de lundi par la cour d’assises spéciale de Paris aux côtés de son épouse et de sa mère, s’est révélé une précieuse source d’informations depuis son interpellation il y a six ans.
Capturé début 2017 par l’Armée syrienne libre (ASL) tandis qu’il cherchait à fuir la Syrie avec sa femme et ses deux enfants (dont l’un né en Turquie en juin 2017 après l’interpellation du couple), remis aux autorités françaises en septembre de la même année, cet homme de 40 ans a beaucoup parlé aux enquêteurs.
Il a révélé notamment que l’EI envisageait d’envoyer des enfants-soldats – les « lionceaux du califat » – en Europe « pour y mener des opérations suicides ».
Selon Jonathan Geffroy, l’EI avait également prévu de « semer la terreur dans les campagnes françaises » en commettant « de multiples meurtres isolés à la campagne ». L’EI souhaitait aussi « cibler une centrale nucléaire française », a confié aux enquêteurs l’ex-jihadiste. Il a en outre livré les noms de dizaines de Français ayant rejoint l’organisation islamiste.
Jugé pour association de malfaiteurs terroriste (AMT), Jonathan Geffroy se présente aujourd’hui comme un « repenti ». Mais des rapports d’évaluation en prison notent qu’il adhère toujours « à une vision très rigoriste de l’islam, prônant la séparation des hommes et des femmes lors des fêtes et repas, préférant une femme portant le jilbab ou le niqab et n’écoutant pas d’autre musique que des anasheeds (chants religieux), la musique étant liée au plaisir ».
Dans un courrier saisi par la justice en avril 2021, Jonathan Geffroy reprochait vivement à sa femme sa tenue vestimentaire qui ne comportait plus de voile. Ça me fait « faire des cauchemars », écrivait-il.
Jonathan Geffroy avait rejoint la Syrie et les rangs de l’EI en février 2015 avec sa femme marocaine Latifa Chadli, – qui comparaît libre sous contrôle judiciaire également pour AMT – et leur premier enfant, âgé alors seulement de deux mois, partie civile dans le procès de ses parents par l’intermédiaire de l’association SOS Victimes 93.
La mère de Jonathan Geffroy, Denise P., 59 ans, comparait également libre, sous contrôle judiciaire, pour « financement du terrorisme » après avoir envoyé plusieurs milliers d’euros à son fils quand il se trouvait en zone irako-syrienne.
Converti à l’islam en 2007, Jonathan Geffroy s’est rapidement radicalisé, effectuant un premier voyage en Egypte en 2008.
A compter de cette date, il effectuera des séjours réguliers dans ce pays où il rencontrera notamment Abdelkader Merah, le frère de Mohamed Merah.
Au cours de ses auditions, Jonathan Geffroy a reconnu avoir brièvement hébergé Mohamed Merah lors d’un séjour en Egypte en 2010.
Le 19 mars 2012, Mohammed Merah avait tué par balles l’enseignant juif Jonathan Sandler et deux de ses enfants, Gabriel, 3 ans, et Aryeh, 6 ans, ainsi q’une autre petite fille de 8 ans, Myriam Monsonégo dans le collège-lycée Ozar Hatorah, à Toulouse, après avoir abattu Imad Ibn Ziaten, Mohamed Farah Chamse-Dine Legouad et Abel Chennouf à Toulouse et à Montauban les jours précédents.
En 2013, il s’installe au Maroc avec sa première épouse qu’il quitte pour se marier avec Latifa Chadli, âgée aujourd’hui de 40 ans. Le couple quitte le royaume pour s’installer en Egypte en février 2014 et déjà Jonathan Geffroy songe à rejoindre la Syrie « afin de vivre dans une terre d’islam sur laquelle était appliquée la charia ».
Malgré la naissance d’un enfant en novembre 2014, Jonathan Geffroy et Latifa Chadli rejoignent en février 2015 la Syrie où ils sont aussitôt pris en charge par l’EI.
Jonathan Geffroy sert dans les rangs de la katiba (brigade) Anwar al-Awlaki, un détachement de l’EI regroupant quelques dizaines de Français dont les frères Jean-Michel et Fabien Clain, également originaires de Toulouse, deux responsables de la propagande de l’EI, qui revendiqueront notamment les attentats du 13 novembre 2015 en France.
Il combattra également à Ramadi en Irak dans les rangs de la katiba d’élite Tariq Ibn Zyad, brigade créée par Abdelilah Himich (l’un des combattants français les plus gradés de l’EI, connu sous le nom de guerre d’Abou Souleymane al-Faransi, le Français) dont ont fait partie notamment les assaillants du Bataclan.
Jonathan Geffroy qui aimerait « refaire sa vie » au Maroc où il envisage d’ouvrir « une boutique de lingerie » avec sa femme encourt 30 ans de réclusion criminelle. Latifa Chadli risque la même peine et Denise P. 10 ans de prison.
Le procès est prévu jusqu’au 23 janvier.