Paris : Des débats sur le conflit Israël-Hamas à l’EHESS
Si l’engagement et la neutralité de certains intervenants peuvent être questionnés, les débats promettent de porter sur les "racines du conflit", les "sociétés israéliennes et palestiniennes" et le "silence des mondes arabes"
L’attaque terroriste du Hamas en Israël le 7 octobre et la réponse israélienne à Gaza a provoqué une forte hausse de l’antisémitisme partout dans le monde, en Europe, en Amérique et ailleurs, et notamment sur les campus universitaires, où le conflit y est un sujet inflammable, qui peut susciter de vives tensions.
« On est sur la corde raide », a expliqué Romain Huret, historien et président de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), à Libération. « La guerre entre le Hamas et Israël est une mise à l’épreuve de la démocratie universitaire. On constate une indignation très forte sur ce sujet, des prises de paroles très scandalisées, des appels à la censure, des accusations d’antisémitisme, de racisme ou de violence d’État. »
Ainsi, face à cette vive montée des tensions, l’EHESS, située dans le centre de Paris, a décidé d’organiser un cycle de débats sur la guerre en cours, « à condition qu’il soit serein, en refroidissant l’objet avec les outils des sciences sociales ».
Ouvertes au public, les tables rondes démarreront le 1er février, avec un débat intitulé « Israël-Palestine : les mots pour le dire ». Suivront les débats « Israël-Palestine : aux sources d’un croisement de l’histoire » le 8 février ; « Israël-Palestine : d’Oslo à la guerre de Gaza » le 22 février ; et « Le Moyen-Orient face à la guerre : Turquie, Iran, monde arabe » le 26 février. Tous les détails et l’inscription sont disponibles sur le site de l’EHESS.
Les différents intervenants – dont l’engagement et la neutralité de certains peuvent être questionnés – seront : Joëlle Alazard (présidente de l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie), Benjamin Barthe (Le Monde), Guillaume Gendron (Libération) et Romain Huret (président de l’EHESS) ; Sylvie-Anne Goldberg (CRH – EHESS, CNRS) et Henry Laurens (Collège de France) ; Sylvaine Bulle (LAP – EHESS, CNRS / ENSA Paris-Val de Seine) et Jean-Paul Chagnollaud (IReMMO) ; Ahmet Insel (Université de Galatasaray), Marie Ladier-Fouladi (CETOBaC – EHESS, CNRS, Collège de France), et Matthieu Rey (IFPO, CNRS).
Ces débats promettent de porter sur les « racines du conflit », les « sociétés israéliennes et palestiniennes » ou encore le « silence des mondes arabes ».
« Comment doit-on qualifier ce qu’il se passe ? L’attaque du 7 octobre était-elle un pogrom ? Y a-t-il un génocide en cours à Gaza ? Toutes ces questions seront sur la table. Il y a une grande demande de débat », a expliqué Romain Huret.
Dès le 9 octobre, la ministre Sylvie Retailleau avait envoyé un courrier aux présidents d’établissements scientifiques les exhortant à sanctionner les « actions et propos » relevant de « l’apologie du terrorisme, l’incitation à la haine ou à la violence ».
Le même jour, Romain Huret avait signalé sur Pharos, plateforme dédiée aux contenus violents ou illicites sur Internet, un communiqué syndical Solidaires étudiant·e·s de l’EHESS qui appelait au « soutien indéfectible à la lutte du peuple palestinien dans toutes ses modalités et formes de lutte, y compris la lutte armée ». La section syndicale a par la suite écopé d’un rappel à la loi. Pour l’avoir diffusé et soutenu, une chargée de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a elle reçu une convocation en commission de discipline.
En novembre, plus de 1 300 chercheurs ont dénoncé sur le site Mediapart « un climat de menace qui engendre peur et autocensure au détriment de la libre expression de nos paroles, analyses et positions politiques » après l’attaque du 7 octobre.