Passe d’armes entre Netanyahu et le petit-fils d’Yitzhak Rabin
Lors d'une cérémonie officielle, Yonatan Ben Artzi a prôné la démission du Premier ministre qui a dénoncé une "attaque politique flagrante et scandaleuse"

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le petit-fils du Premier ministre assassiné Yitzhak Rabin se sont envoyés des piques pendant les cérémonies annuelles de commémoration du meurtre de ce dernier qui ont eu lieu dimanche à Jérusalem. Netanyahu l’a accusé de politiser l’événement en appelant à sa démission.
Ces événements organisés par l’Etat ont marqué l’anniversaire de l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin, qui a été tué par un extrémiste juif religieux, Yigal Amir, il y a 24 ans, selon le calendrier hébreu.
Pendant la cérémonie officielle qui a eu lieu au cimetière national du mont Herzl à Jérusalem, le petit-fils de Rabin, Yonatan Ben Artzi, a vivement recommandé à Netanyahu de démissionner en raison des trois affaires criminelles ouvertes à son encontre.
« Il est temps que vous preniez vos responsabilités, que vous montriez l’exemple », a dit Ben Arzi. « S’il y a une souillure sur ce que vous êtes, partez, démissionnez de vos fonctions ».

Ben Artzi a rappelé que Rabin avait démissionné de son poste de Premier ministre en 1977 après un bref passage antérieur à ce poste après la découverte que lui et son épouse avaient conservé des comptes bancaires à Washington, un arrangement illégal à l’époque selon la loi israélienne. Ils avaient tous deux écopé d’une amende.
« Même s’il avait la conviction, de tout son coeur et de toutes ses forces, qu’il était la personnalité à même de prendre la tête du pays, il a décidé de prendre ses responsabilités personnelles et il a quitté ses fonctions », a clamé Ben Artzi. « Il a fait une concession personnelle douloureuse pour le bien d’Israël, de manière à ce que le pays ne soit pas entaché ».

Netanyahu a riposté à Ben Artzi au cours d’une autre cérémonie d’hommage à la Knesset, organisée dans la journée.
« A mon grand regret, cette année également, certains ont décidé d’exploiter le service officiel de commémoration pour se prêter à des attaques politiques flagrantes et scandaleuses qui, plus que tout le reste, nuisent à la mémoire d’Yitzhak Rabin », a dit Netanyahu en plénière.
Le procureur-général Avichai Mandelblit doit prendre une décision d’ici la fin du mois sur une éventuelle inculpation pour fraude et abus de confiance dans les trois dossiers contre Netanyahu et pour pots-de-vin dans l’un d’eux.
Plus tôt dans la journée, sur le mont Herzl, Netanyahu a rejeté les accusations selon lesquelles il n’avait pas suffisamment condamné la rhétorique incendiaire d’extrême-droite qui avait entraîné l’assassinat de Rabin.
« Dans les années qui se sont écoulées depuis le meurtre, j’ai entendu cette allégation mensongère que lorsqu’un membre fanatique du camp national, opposé aux Accords d’Oslo, avait qualifié Rabin de traître, j’avais détourné les yeux, j’avais gardé le silence et j’avais même approuvé. J’ai entendu dire ça à presque toutes les cérémonies de commémoration mais ce mensonge, même s’il est largement répété, n’en devient pas pour autant la vérité », a-t-il clamé.
« C’est ce que j’avais dit depuis des tribunes innombrables à ce moment-là : Rabin n’est pas un traître, a-t-il souligné. « Il avait tort mais il n’était pas un traître ».

Le président Reuven Rivlin, qui s’est exprimé avant Netanyahu sur le mont Herzl, a mis en garde contre une instrumentalisation politique du meurtre de Rabin.
« Nous ne devons pas continuer à utiliser le meurtre pour marquer des points dans le discours politique. Nous ne devons pas utiliser le traumatisme, la douleur, pour combattre l’idéologie du camp opposé », a-t-il affirmé.
« Si nous ne sommes pas capables de nous souvenir ensemble, de pleurer ensemble cet assassinat, cet acte de violence politique, alors que deviendrons-nous ? », a-t-il interrogé.
Rivlin a également dénoncé les théories du complot qui se sont développées autour du meurtre de Rabin, dont certaines doutent de la réelle culpabilité d’Amir. Cette allocution a été faite après les propos récents d’un professeur qui avait repris une théorie avançant que Yigal Amir ne serait pas l’assassin de Rabin.
« N’accordez pas de crédit aux voix absurdes, étranges et démentes de la marge », a demandé Rivlin. « Ne croyez pas ceux qui parlent de post-vérité, de faits alternatifs et de nouvelles théories. La post-vérité est un mensonge, les faits alternatifs sont une escroquerie. Ne soyez pas tentés de croire que ces voix soient représentatives ».

Amir, qui avait été filmé ouvrant le feu sur Rabin, avait confessé son acte et n’était jamais revenu sur son témoignage.
Des milliers de personnes se sont réunies dimanche soir sur la place Rabin de Tel Aviv – où avait eu lieu le meurtre le 4 novembre 2015 – et ont pris part à des discussions.
Le rassemblement annuel de commémoration, sur la place Rabin, avait été organisé il y a une semaine. Devant des dizaines de milliers d’Israéliens, samedi dans la soirée, Benny Gantz avait promis qu’Israël « vaincrait ceux qui prônent la haine » et qu’il ne reculerait jamais devant cette dernière.
Mais il avait affirmé que certains politiciens, dans le pays, faisaient encore commerce de la haine et des incitations.
Gantz, président de Kakhol lavan, qui tente en ce moment de former une coalition suite aux élections du mois de septembre, avait été le principal intervenant lors de cet événement de commémoration. La place avait été rebaptisée en l’honneur du Premier ministre après son meurtre, survenu lors d’un rassemblement en soutien aux initiatives de paix de son gouvernement.
Jacob Magid et Raoul Wootliff ont contribué à cet article.