Pezeshkian courtise l’UE, mais n’exclut pas une sortie du traité de non-prolifération
Le président iranien accuse Washington et ses alliés occidentaux de saper le TNP par des sanctions, et cite les ”conséquences néfastes" de l'assassinat de Soleimani
Une semaine après avoir été élu président de l’Iran, Massoud Pezeshkian, le candidat dit « réformateur », a exposé au monde entier sa doctrine en matière de politique étrangère. La tribune choisie : la première page du quotidien anglophone Tehran Times.
Il était évident que l’article de Pezeshkian, publié vendredi, avait été soigneusement édité. Il s’est efforcé de plaire à tout le monde, y compris à l’Occident. Plutôt qu’un antagoniste, il a cherché à se présenter comme un pragmatique, un patriote iranien désireux de préserver les intérêts de l’État qui lui a été confié.
Toutefois, en s’adressant aux pays musulmans voisins et en les appelant à coopérer sur la base de « valeurs islamiques communes », Pezeshkian a évité de nommer l’Arabie saoudite, le Bahreïn et les Émirats arabes unis. Et ce, pour une bonne raison : malgré le retard de la normalisation israélo-saoudienne, les accords militaires de ces pays avec Israël ont été mis en œuvre pour la première fois le 14 avril, contre l’Iran.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
Dans l’ensemble, Pezeshian a utilisé un langage général pour envoyer un message clair : « Notre région est en proie depuis trop longtemps à la guerre, aux conflits sectaires, au terrorisme et à l’extrémisme […] et à l’ingérence étrangère. Il est temps de s’attaquer à ces défis communs […] Nous devons nous unir et nous appuyer sur le pouvoir de la logique plutôt que sur la logique du pouvoir », a écrit le nouveau président, qui se situe bien en dessous du guide suprême Ali Khamenei dans la hiérarchie du régime.
Les relatifs réformateurs de l’Iran ont toujours eu recours à des paroles douces pour tenter d’apaiser les tensions.
En ce qui concerne les liens entre l’Iran et l’Europe, Pezeshkian semble avoir jeté son dévolu sur l’Allemagne, la France et l’Italie – les « trois grands » de l’Union européenne (UE) – et il a semblé essayer de creuser un fossé entre eux et les États-Unis en ce qui concerne le programme nucléaire du régime.
D’une part, Pezeshkian a accusé l’Europe de revenir sur sa promesse de préserver les liens économiques avec l’Iran après que Washington s’est retiré en 2018 de l’accord sur le programme nucléaire de Téhéran – connu sous le nom de JCPOA. D’autre part, il a affirmé que le moment était venu de renouer le dialogue sur la base du respect des droits du peuple iranien.
« Il existe de nombreux domaines de coopération que l’Iran et l’Europe peuvent explorer une fois que les puissances européennes auront accepté cette réalité et mis de côté la suprématie morale qu’elles s’arrogent, associée aux crises fabriquées qui ont empoisonné nos relations pendant si longtemps », a écrit Pezeshkian.
Le ton du président nouvellement élu à l’égard des États-Unis était beaucoup plus vif et conflictuel, parfois presque menaçant. Pezeshkian a choisi de souligner que l’Iran est signataire du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), auquel Israël n’a jamais adhéré.
« Les États-Unis et leurs alliés occidentaux […] ont gravement porté atteinte au traité de non-prolifération en montrant que le coût de l’adhésion aux principes du régime de non-prolifération pourrait l’emporter sur les avantages qu’il peut offrir », a écrit Pezeshkian – laissant clairement entendre que les sanctions sévères imposées à l’Iran pourraient l’amener à envisager de quitter le TNP.
Si une telle décision n’équivaut pas à une mise au point immédiate de la bombe par l’Iran, l’Occident doit tenir compte de cette menace à peine voilée.
Selon toute vraisemblance, ces propos visent à inciter l’Occident à reprendre les pourparlers avec l’Iran qui, désormais sur le point de se doter de l’arme nucléaire, occuperait une position de négociation nettement plus forte qu’auparavant.
Il convient de noter que Pezeshkian s’est adressé aux « États-Unis et à leurs alliés occidentaux », tentant ainsi de les présenter comme une sorte de « mauvais flic » nuisant aux intérêts de tous.
Dans les jours qui ont suivi la publication de son article, Pezeshkian a reçu une certaine reconnaissance de la part des médias iraniens, étroitement contrôlés, pour avoir ostensiblement exprimé les positions intransigeantes de Khamenei d’une manière modérée.
Depuis son élection, Pezeshkian a tenté de faire savoir qu’il était « le président de tout le monde », y compris du camp conservateur qui s’était opposé à sa candidature.
Selon des informations parues à Téhéran, Pezeshkian assiste tous les matins à l’office à la mosquée centrale de la capitale iranienne, ce qui lui permet de s’attirer les faveurs de ceux qui l’ont dénigré en le qualifiant de laïc.
Pezeshkian a également veillé à s’attirer les faveurs du Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI), le bras armé du régime en dénonçant l’assassinat en 2020 du général Qassem Soleimani, le commandant de la Force Al-Qods du CGRI, un groupe terroriste désigné comme tel par les États-Unis.
Soleimani, a affirmé Pezeshkian, était « un héros anti-terroriste mondial connu pour avoir réussi à sauver les peuples de notre région du fléau de l’État islamique [EI] et d’autres groupes terroristes féroces ».
« Aujourd’hui, le monde est témoin des conséquences néfastes de ce choix », a écrit Pezeshkian à propos de la frappe aérienne américaine qui a tué Soleimani.
Au terme de son intervention, le nouveau président a déclaré que « la doctrine de défense de l’Iran ne comprend pas d’armes nucléaires ». Téhéran avait minimisé ce message pendant le mandat du prédécesseur de Pezeshkian, Ebrahim Raïssi, et les dirigeants du régime ont récemment été signalés comme étant engagés dans un « débat stratégique » sur la question de savoir si le moment est venu de construire la bombe.
Ainsi, cet article est perçu comme une tentative d’apaiser l’Occident et de relancer les négociations en vue d’alléger les sanctions – un élément central de la campagne électorale de Pezeshkian – quelles que soient les intentions réelles du régime en ce qui concerne son programme nucléaire.
Traduit et édité à partir de l’original du site Zman Yisrael, la version en hébreu du Times of Israel.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel
- Israël et Ses Voisins
- Massoud Pezeshkian
- Programme nucléaire iranien
- Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires
- Opération Bouclier de Fer
- Axe Iran-Hamas-Hezbollah
- Gardiens de la Révolution islamique
- Relations Israël-Iran
- Force Al-Qods
- Ayatollah Ali Khamenei
- Opération Épées de fer
- Etats-Unis
- Iran
- Emirats arabes unis
- Qassem Soleimani
- Relations Iran-UE
- Relations Etats-Unis-Iran
- Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA)