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Pie XII et la Shoah : L’Eglise a un devoir de « transparence »

L'ouverture des archives sur la politique du pape Pie XII face à la Shoah participe à une démarche de "vérité" et de "transparence" indispensable, estime Mgr Etienne Vetö

Le Pape Pie XII dans la Cité du Vatican après 1939 (Crédit : Domaine public)
Le Pape Pie XII dans la Cité du Vatican après 1939 (Crédit : Domaine public)

L’ouverture des archives sur la politique du pape Pie XII face à la Shoah participe d’une démarche de « vérité » et de « transparence » indispensable à l’Eglise, a estimé Mgr Etienne Vetö, évêque auxiliaire de Reims, dans une interview à l’AFP. Le responsable religieux a inauguré un séminaire sur ce thème à Rome lundi 9 octobre.

AFP : Quel est l’objectif des recherches sur le règne de Pie XII ?

Mgr Etienne Vetö : Le pape François a débloqué l’accès en avance aux archives de cette période de l’Histoire et on se retrouve donc avec 16 millions de nouveaux documents. Il s’agit de la période de Pie XII, de 1939 à 1958, qui inclut la Seconde Guerre mondiale, la Shoah et la relation entre l’Eglise et le peuple juif et toute la partie qui suit la guerre et ses retombées. C’est une période très, très sombre d’un point de vue historique, c’est une des plus grandes catastrophes qu’ait vécu l’humanité. L’Eglise, qui s’est retrouvée confrontée à une situation très nouvelle, a essayé de réagir tant bien que mal. La question qu’on se pose, c’est : l’Eglise a certainement sauvé ou participé à sauver beaucoup de personnes, dans le monde juif mais aussi dans le monde chrétien (…) Mais en même temps, a-t-elle fait tout ce qu’on pouvait faire et avec le recul historique aurait-elle pu faire plus ?

AFP :Que peut-on dire justement de l’attitude de Pie XII, du Vatican et plus largement de l’Eglise catholique face à la Shoah ?

Mgr Etienne Vetö : Il faut réellement regarder la grande diversité de ce qu’est l’Eglise. On s’est beaucoup concentré sur la personne de Pie XII ou bien sur les réactions du Vatican, et de fait cela fait partie du champ de recherche parce que dans les relations avec Mussolini, Hitler ou bien sûr les Alliés, il y a beaucoup de choses à apprendre. Mais l’Eglise comprend aussi les évêques, les diocèses, les paroisses locales, les couvents… Ce qu’on peut dire, c’est que la situation n’est ni blanche ni noire, cela dépend beaucoup des lieux, énormément des personnes. Il y a eu des héros, il y a eu des malfrats, il y a eu des lâches, il y a eu des hommes et des femmes d’un grand courage. Il faut aussi prendre en compte le profond changement de perception que l’Eglise a du peuple juif après la Shoah. On n’a jamais eu un tel changement je pense dans les 2 000 ans d’Histoire des relations entre l’Eglise et le peuple juif et notamment le fait de dire clairement maintenant – ça fait partie de l’enseignement catholique – que le peuple juif conserve son rôle dans l’histoire du Salut, donc conserve un rôle religieux jusqu’à la fin des temps. La Shoah a probablement été un réveil pour l’Eglise : le fait de se rendre compte que son enseignement précédent avait pu contribuer à l’antisémitisme (…) et cela a conduit l’Eglise à changer profondément son regard sur le peuple juif dans la deuxième partie du pontificat de Pie XII, ce qui va se préciser et se déployer avec le Concile Vatican II.

AFP :Quelle a été la position des successeurs de Pie XII quant à l’ouverture des archives ?

Mgr Etienne Vetö : Les archives s’ouvrent après un nombre d’années déterminées. Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI ont respecté les temps. François par contre a pris la décision d’ouvrir en avance. Ses prédécesseurs ont simplement respecté le temps, mais François a fait un acte d’ouverture et de transparence (…). C’est une démarche que l’Eglise est en train de faire toujours plus, notamment depuis Benoît XVI, c’est de ne pas avoir peur de la transparence. Il y a une évolution globale de la société en général sur le privé et le public : protection du privé mais aussi plus de transparence dans la manière de prendre des décisions et de communiquer l’information. Tout le monde a besoin de progresser, l’Eglise a progressé mais a besoin de continuer à progresser. C’est très évangélique : nous avons la chance d’avoir, dès l’Evangile, une orientation très claire dans ce sens-là. Le Christ a bien dit ‘la vérité nous rendra libres’ dans l’Evangile de Jean et nous avons toujours besoin d’entendre cette parole. La vérité nous rend libres, elle peut parfois être très exigeante à entendre mais elle ouvre toujours un chemin qui est un chemin de liberté et de vie.

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