Plus de 2,5 millions d’Israéliens vivent dans la pauvreté, dont 1,1 million d’enfants
Le nombre de ménages proches du seuil de pauvreté, en situation d'insécurité alimentaire et de détresse financière, est en hausse de près de 25 % depuis la pandémie, selon Latet
Ricky Ben-David est journaliste au Times of Israël
Plus de 2,5 millions d’Israéliens vivent actuellement dans la pauvreté, parmi lesquels plus de 1,1 million d’enfants, et 932 000 ménages supplémentaires vivent dans un état de détresse économique, révèle une nouveau rapport publié cette semaine. Sur ces 932 000 ménages (soit 31,6 % de l’ensemble des ménages en Israël), 233 000 se sont ajoutés rien qu’en 2021, les familles étant aux prises avec les pires effets économiques de la pandémie en cours.
Selon le dernier rapport de l’organisation d’aide israélienne Latet, l’ajout de 233 000 ménages à la catégorie des ménages à risque – définis comme étant juste au-dessus du seuil de pauvreté mais confrontés à de graves difficultés – a porté la proportion de ces ménages à 23,6 %, contre 14 % au début de la crise sanitaire mondiale. Selon le rapport, ces ménages appartiennent à la « classe moyenne pauvre ».
Le rapport indique que 651 900 ménages israéliens (22,1 %) ne disposent pas des éléments essentiels tels que le logement, l’éducation, les soins de santé et la nourriture, et sont donc considérés comme vivant dans la pauvreté. Bien que le pourcentage soit plus faible qu’en 2020, lorsque Latet avait constaté que 29,3 % des ménages étaient en état de pauvreté, les chiffres « restent élevés », a déclaré l’organisation mardi en dévoilant son étude annuelle.
Le rapport note également qu’au cours de l’année 2021, la deuxième année de la pandémie en Israël, les ménages considérés comme faisant partie de la classe moyenne se sont réduits à 48,3 %, contre 58,3 % avant la pandémie.
Latet s’efforce de lutter contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire et soutient chaque année 70 000 familles dans le besoin via un réseau d’organisations caritatives. Son rapport estime qu’environ 630 000 ménages souffrent d’insécurité alimentaire, dont quelque 300 000 de manière grave. Ces ménages comprennent près de 800 000 enfants de moins de 18 ans.
L’insécurité alimentaire a été définie comme l’incapacité d’assurer un approvisionnement constant en nourriture contenant tous les éléments nutritionnels nécessaires au bon développement et à la santé. Si elle peut conduire à la malnutrition, ce n’est pas la même chose. En effet, elle est l’une des principales causes de l’obésité et est étroitement liée aux maladies et à une vulnérabilité accrue aux maladies.
Selon Latet, 77 % des ménages demandeurs d’aide interrogés dans le cadre de l’étude ont déclaré ne plus avoir assez d’argent pour acheter suffisamment de nourriture, et plus de la moitié des ménages ayant des nourrissons ou des enfants en bas âge à la maison ont témoigné qu’ils devaient parfois renoncer à acheter du lait maternel. Leurs enfants devaient soit manquer des tétées, soit se contenter de portions inférieures aux quantités recommandées par les professionnels de la santé. Pour les enfants plus âgés, 45 % des ménages ont déclaré que les enfants devaient également manquer des repas ou manger moins par repas.
Ces familles dépensaient en moyenne 8 405 shekels par mois pour tous leurs besoins, alors que leurs revenus ne s’élevaient qu’à 5 117 shekels. Près de 65 % d’entre elles ont déclaré que leur dette avait augmenté en raison de la crise, contre un peu plus de 25 % de la population générale.
Le rapport national sur la pauvreté en Israël est uniquement basé sur le revenu, alors que le rapport alternatif sur la pauvreté de Latet mesure la pauvreté en fonction des ménages manquant de besoins essentiels tels que le logement, l’éducation, les soins de santé, la sécurité alimentaire et la capacité à couvrir le coût de la vie.
Les chiffres de Latet sur l’insécurité alimentaire sont plus élevés que ceux estimés par l’Institut national d’assurance, qui a enregistré environ
513 000 ménages en situation d’insécurité alimentaire, dont 252 000 en situation grave.
L’Institut national d’assurance a mené sa dernière enquête sur l’insécurité alimentaire en 2016 et a publié son dernier rapport sur la pauvreté en 2019, sur la base des données de 2018. Il est entendu qu’il collecte de nouvelles données sur la sécurité alimentaire en vue de publier un rapport actualisé.
Comme le Times of Israel l’a précédemment rapporté, les organisations caritatives assument la plus grande partie du fardeau de l’insécurité alimentaire en Israël, le manque de financement du gouvernement laissant les organismes de protection sociale largement impuissants à répondre. Le ministre de la Protection sociale, Meir Cohen, a récemment pris l’initiative d’inclure 100 millions de shekels dans le budget national pour la sécurité alimentaire, une première en Israël.
Eran Weintraub, PDG de Latet, a déclaré dans le rapport que « les graves conséquences de la crise économique se reflètent dans la formation d’une nouvelle ‘classe moyenne pauvre’. Un quart de la population, touchée par la crise économique, n’a pas réussi à se redresser et a atteint le seuil de pauvreté et était en réel danger de passer en dessous. »
« L’érosion continue de la classe moyenne et le fait que des centaines de milliers de familles risquent de tomber dans la pauvreté menacent la résilience de la société et de l’économie israéliennes », a déclaré Weintraub.
Le rapport, qui a interrogé les répondants parmi les 80 000 personnes qui reçoivent une aide de Latet, a révélé que plus de 80 % d’entre eux ont déclaré avoir subi un préjudice économique grave résultant de la pandémie.
Dix pour cent des personnes interrogées ont déclaré ne pas avoir de logement permanent, et 22,9 % ont déclaré risquer de perdre leur logement en raison de leur incapacité à payer le loyer. Près de 70 % ont déclaré avoir dû renoncer à acheter des médicaments ou à demander une aide médicale en raison de leur incapacité à payer.
Les trois quarts (75 %) des ménages ont déclaré ne pas avoir suffisamment d’ordinateurs à la maison pour que leurs enfants puissent étudier en ligne et/ou ne pas pouvoir acheter les fournitures scolaires nécessaires, comme des livres et des cahiers.
Trois mesures de la pauvreté
La recherche de Latet utilise trois mesures pour évaluer la détresse économique : le revenu, où la pauvreté est officiellement définie comme le fait d’avoir un revenu net inférieur à 50 % du revenu médian disponible (actuellement fixé à 6 000 shekels) ; les évaluations subjectives des familles à faible revenu ; et l’incapacité d’acheter des produits de première nécessité dans au moins trois de plusieurs catégories telles que la nourriture, les médicaments et les fournitures scolaires des enfants.
Les répondants ayant obtenu un score négatif pour l’une des trois mesures ont été définis comme étant en détresse économique. Ceux qui remplissaient deux conditions étaient qualifiés de pauvres.
Le pourcentage de familles qui sont pauvres et qui se passent de produits alimentaires de base a presque triplé sous le poids de la crise, selon l’étude.
Le cabinet de recherche et de conseil ERI a réalisé l’étude sur les difficultés économiques pour Latet, en interrogeant 560 personnes bénéficiant de l’aide de Latet âgées de 18 ans et plus en août 2021, avec une erreur d’échantillonnage maximale de 4,5 %.
Toujours dans le cadre du rapport Latet, pour une vision plus approfondie de l’insécurité alimentaire, la société de recherche marketing Rotemar a analysé des ensembles distincts de données recueillies plus tôt dans l’année à partir d’entretiens avec 1 357 bénéficiaires de banques alimentaires, 112 directeurs d’organisations à but non lucratif et 502 membres représentatifs du public.
Un tableau inquiétant
Les conclusions du rapport Latet ont été présentées cette semaine à la commission du Travail et des Affaires sociales de la Knesset, présidée par la députée Efrat Rayten Marom (parti Travailliste).
Mme Marom a déclaré que les chiffres « reflètent un tableau triste et inquiétant qui devrait nous faire perdre le sommeil » et que le mépris à l’égard des personnes vivant dans la pauvreté ou risquant d’y tomber se poursuit depuis des années. Elle a appelé à une coopération ministérielle pour comprendre « la profondeur du problème et [nous] aider à voir les êtres humains, les citoyens pour lesquels nous travaillons et envers lesquels nous sommes engagés. »
La ministre des Transports, Merav Michaeli, a déclaré que le rapport « montre le grave préjudice économique causé par le coronavirus. C’est un danger existentiel pour l’État d’Israël lorsqu’il y a un groupe aussi important de personnes en détresse ; ce n’est pas de la charité, c’est de la responsabilité. »