Plus de 500 Juifs, progressistes en majorité, poussent Biden à demander la trêve à Gaza
Ces employés appartenant à 140 groupes juifs ont signé une missive affirmant que de nombreux Juifs américains souhaitaient que des pressions soient exercées sur Israël en faveur d'un cessez-le-feu avec le Hamas
WASHINGTON (JTA) — Des centaines d’employés de 140 organisations juives, progressistes pour la majorité d’entre elles, ont signé une lettre adressée au président Joe Biden et au Congrès – une lettre qui demande à ces derniers de pousser Israël à conclure un cessez-le-feu avec le groupe terroriste palestinien du Hamas. Ils affirment, dans leur missive, qu’une telle initiative bénéficierait d’un large soutien chez les Juifs américains.
La lettre, qui ne reflète pas nécessairement le point de vue des employeurs des signataires, est le dernier signe des différences qui ne cessent de devenir plus visibles et plus fortes entre les Juifs américains concernant la réponse apportée par Israël aux massacres perpétrés par le groupe terroriste, le 7 octobre.
Un certain nombre de membres juifs du Congrès réclament dorénavant un cessez-le-feu après avoir initialement présenté un front uni dans leur soutien à Biden, qui appuie l’État juif dans sa guerre.
« Nous sommes des individus qui travaillons dans des organisations juives diverses de tous les États-Unis et nous nous rassemblons aujourd’hui au-delà de notre large variété de croyances, de pratiques, d’origine et d’identités, de tout ce qui constitue le tissu riche qui forme la communauté juive américaine », note la lettre qui a d’abord été rendue publique par NBC.
« Nous sommes unis à cet instant pour appeler à un cessez-le-feu, à la libération de tous les otages et à un engagement en faveur d’une solution politique à long-terme qui garantira la liberté et la sécurité collectives des Israéliens et des Palestiniens », continue la missive.
Une lettre qui survient quelques semaines seulement après un rassemblement pro-israélien massif qui a eu lieu à Washington, au National Mall. A cette occasion, des intervenants avaient approuvé avec enthousiasme le refus d’Israël de mettre un terme à sa campagne militaire jusqu’au démantèlement du Hamas et jusqu’à la remise en liberté de tous les otages enlevés sur le sol israélien, le 7 octobre.
Le Hamas avait libéré plus de cent otages en échange de centaines de prisonniers palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité nationale au sein de l’État juif pendant une pause des combats de sept jours qui s’est terminée au début du mois de décembre.
La lettre laisse ainsi supposer au président américain que les groupes juifs qui sont opposés à la guerre représentent un large pan des Juifs américains. Biden s’enorgueillit de se montrer attentif à la sensibilité des Juifs américains ; il a cité ses décennies de relations étroites avec Israël et avec la communauté juive des États-Unis en expliquant pourquoi il avait décidé de résister aux appels de la gauche qui réclamaient que des pressions soient exercées sur Jérusalem en faveur d’un cessez-le-feu.
« En tant que groupe de professionnels issus d’un large spectre d’organisations juives, un grand nombre d’entre nous avons consacré notre vie à bâtir des communautés juives prospères », poursuit le courrier. « Nos organisations peuvent se joindre à cet appel au cessez-le-feu ou ne pas s’y joindre elles-mêmes mais nous ressentons le besoin de prendre la parole, au niveau individuel, pour montrer le large soutien qu’il y a, au sein de la communauté, en faveur d’un cessez-le-feu. »
La majorité des organisations représentées par les signataires sont des groupes de la gauche de l’échiquier politique – avec parmi elles Bend the Arc, Jews For Racial and Economic Justice, le Workers Circle et ses différentes branches, qui sont toutes des organisations de défense de la justice sociale. D’autres organisations similaires n’ont, pour leur part, pas réclamé un cessez-le-feu, leurs activités se concentrant sur les questions nationales (une branche dérivée du Workers Circle, à Boston, est une exception, comme c’est le cas également du JFREJ.)
Parmi les signataires, il y a aussi des employés de deux groupes de premier plan qui ont mobilisé les opposants juifs à la campagne militaire à Gaza et soutenu un cessez-le-feu : IfNotNow, à l’extrême-gauche, et Jewish Voice for Peace, dont les membres sont officiellement anti-sionistes. Les activistes de gauche soulignent la présence visible des activistes de ces deux mouvements lors des manifestations condamnant la guerre pour affirmer qu’il existe un soutien juif au cessez-le-feu.
Mais certains des signataires proviennent également de groupes consacrant leurs activités à Israël qui ont fait part de leur opposition à un cessez-le-feu : c’est le cas notamment de J Street, le groupe politique libéral sur le Moyen-Orient. Autre signal de changement, J Street a annoncé jeudi, dans un communiqué de presse, que l’organisation pouvait réexaminer son positionnement sur la guerre si Israël ne faisait pas plus d’efforts pour éviter des pertes civiles.
Il y a aussi des employés de synagogues qui ont apposé leur signature sur la missive – certaines connues pour être libérales et qui n’ont pas toutes, par ailleurs, adopté un positionnement sur un éventuel cessez-le-feu.
Plus de 80 signataires de la lettre ont demandé l’anonymat mais ils ont fait part du nom de leurs employeurs, avec parmi eux des groupes mainstream qui ont soutenu l’effort de guerre, comme les mouvements réformé et massorti. Il y a trois employés de l’UJA-Federation of New York, qui a levé des millions de dollars pour Israël pendant la guerre. Ces personnels n’ont pas souhaité être identifiés.
« J’ai signé cette lettre parce que toutes les décisions prises à ce moment fragile doivent être prises en conservant à l’esprit la paix durable et la sécurité de tous les peuples de la région », a dit, selon un communiqué du groupe, l’un de ces employés de l’UJA. « J’appelle le président Biden à agir immédiatement en faveur d’un cessez-le-feu permanent, de la libération de tous les otages et d’une résolution équitable de cette guerre brutale ».
De son côté, Heather Booth, consultante auprès de groupes juifs, qui n’a pas elle-même signé le courrier, a exhorté les organisations qui emploient certains de ces signataires à ne pas adopter de mesure de représailles.
« Ceux qui ont signé la lettre ne font que répondre à leurs valeurs », a estimé Booth, s’exprimant auprès de la Jewish Telegraphic Agency. « Nous pouvons être ou ne pas être d’accord avec ce qu’ils signent, avec ce qu’ils disent, et je n’ai moi-même pas signé ce courrier pour de nombreuses raisons. Mais je soutiens le droit qui est le leur de partager leur attachement passionné à leurs valeurs. Et c’est un signe des temps que certains dont les noms figurent sur la liste disent craindre des représailles ».
Dans un communiqué de presse, un rabbin du secteur de Boston a indiqué que le soutien qu’elle a apporté au cessez-le-feu émanait en partie de son aversion à l’égard du Hamas.
« Au nom de la nécessité de vaincre l’idéologie perfide du Hamas, au nom de la nécessité de rapatrier chez eux tous les otages, au nom du bien-être de tous les Israéliens et de tous les Palestiniens piégés dans cette guerre, je recommande vivement à l’administration Biden de faire tout ce qu’elle pourra en faveur d’un cessez-le-feu, première étape vers une solution politique et durable au conflit », a commenté la rabbin Tovah Spitzer de Dorsey Tzedek, une synagogue du mouvement Reconstructionniste de Newton.
Ce courrier a été écrit alors qu’un certain nombre de Juifs démocrates du congrès ont récemment appelé à un cessez-le-feu ou qu’ils ont réclamé des restrictions sur les aides demandées par Biden pour soutenir Israël, des aides qui n’ont pas encore été approuvées. L’une de ces démocrates, la représentante du Vermont Becca Balint, s’est prononcée en faveur de la missive.
« Des milliers de Palestiniens, et notamment des milliers d’enfants, ont été tués. Un grand nombre de plus a été déplacé sans eau, sans médicament, sans carburant », a-t-elle dit. « C’est inhumain. Ce qu’il faut, c’est un cessez-le-feu négocié et bilatéral qui garantira la remise en liberté de tous les otages et qui ouvrira la voie à la paix, à la sécurité et à la sûreté pour tous les Israéliens et pour tous les Palestiniens. »
Le Hamas avait tué plus de 1 200 personnes lors de son attaque sans précédent du 7 octobre – en majorité des civils – et fait des milliers de blessés. Une horde de plusieurs milliers de terroristes avaient franchi la clôture frontalière avec Israël, ainsi que des civils gazaouis, s’introduisant au sein de l’État juif par voie maritime, aérienne et terrestre sous couvert d’un barrage de milliers de roquettes.
Cette attaque a fait 1 200 morts du côté israélien, des civils en majorité – notamment des bébés, des enfants et des personnes âgées – après avoir pris le contrôle des communautés frontalières. Des familles entières avaient été exécutées dans leurs habitations et plus de 300 jeunes avaient été massacrés lors d’une rave-party. Le Hamas avait aussi pris 240 personnes environ en otage – des hommes, des femmes et des enfants.
Depuis que l’État juif, en guise de riposte, a lancé des frappes aériennes et une incursion terrestre au sein de l’enclave côtière, le ministère de la Santé dirigé par le Hamas a fait savoir mardi que plus de 17 000 personnes avaient perdu la vie à Gaza depuis le début de la guerre, dont des milliers d’enfants – des chiffres qui sont invérifiables et qui ne font pas la différence entre les civils et les membres du groupe terroriste, et qui comptent aussi les victimes des roquettes défaillantes qui, lancées vers le territoire israélien, sont retombées dans la bande. Israël dit que deux fois plus de civils que de combattants ont perdu la vie lors de cette contre-offensive, blâmant une grande part de ce bilan meurtrier à l’utilisation des civils, par les terroristes, comme autant de boucliers humains.
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.