Pologne : la loi de restitution des biens exclurait la majorité des survivants de la Shoah et leurs héritiers
Les organisations juives sont consternées par le projet de loi ; les experts estiment la valeur des biens concernés à plus d’un milliard de dollars
Le gouvernement polonais a publié un projet de loi sur les restitutions des propriétés saisies qui exclurait la plupart des survivants de la Shoah et leurs familles.
Le projet de loi, qui a été annoncé vendredi, exigerait que les demandeurs soient des citoyens polonais vivant en Pologne et exclut tous leurs héritiers, à l’exception des héritiers « de première ligne », qui sont les époux, les enfants et les petits-enfants.
La plupart des Juifs qui ont survécu à la Shoah ont quitté la Pologne, et ni leurs époux, ni leurs enfants, ni leurs petits-enfants ne vivent actuellement en Pologne. Les autres survivants ou leur descendance qui pourraient vouloir revendiquer une propriété familiale ne sont pas des héritiers de première ligne.
Près de 90 % de la communauté juive polonaise ont été tués pendant la Shoah.
Le projet de loi interdit les revendications des ressortissants étrangers qui étaient éligibles à un dédommagement dans le cadre des traités bilatéraux signés après la guerre entre leur pays et la Pologne, même s’ils n’ont pas présenté de revendication. La plupart des survivants ne pouvaient pas présenter de dossier de revendication dans le cadre de ces traités, et même ceux qui auraient pu le faire ne savaient pas qu’une telle possibilité existait.
La législation élimine également la possibilité de restitution de la propriété concernée, ou d’une autre propriété, et limite le dédommagement à 20 % de la valeur de la propriété en liquidités, ou à 25 % de la valeur en obligations du gouvernement polonais.
Les dirigeants de l’Organisation mondiale de restitution des biens juifs ont exprimé leur déception devant cette législation dans un communiqué.
« Nous sommes profondément déçus que la proposition du gouvernement polonais exclue la grande majorité des survivants polonais de la Shoah et leurs familles », ont écrit Ronald Lauder, le président de l’organisation, et Gideon Taylor, son directeur exécutif.
« Les survivants polonais de la Shoah et leurs familles sont partie intégrante de la vie polonaise depuis des siècles. Leurs propriétés sont souvent leur dernière connexion tangible à la vie qu’ils vivaient avant la destruction liée à la Shoah. Nous appelons vivement le gouvernement polonais à garantir que la législation, quand elle sera présentée au parlement, présentera des critères d’éligibilité et un processus de revendication qui seront justes pour ceux qui ont tant souffert et tant perdu. »
Le Congrès juif mondial a lui aussi exprimé sa « profonde déception. »
La Pologne est le seul grand pays d’Europe qui n’a pas adopté de législation de restitution des propriétés spoliées par les nazis ou nationalisées par le régime communiste, selon de l’Organisation mondiale de restitution des biens juifs.
En 1997, la Pologne a adopté une loi de restitution des propriétés détenues par des communes, mais plus de 15 ans après la date limite de demande de revendication, la majorité des plus de 5 000 demandes n’a toujours pas été résolue, et la plupart des dossiers classés n’ont entraîné ni restitution, ni dédommagement, a précisé l’Organisation.
Les experts en restitution estiment qu’après la Shoah, les individus et les institutions juives du Pologne ont perdu des propriétés dont la valeur combinée dépasse le milliard de dollars.