Pologne : Recours de l’opposition contre le résultat de la présidentielle
La Plateforme civique, dont le candidat Rafal Trzaskowski, maire libéral pro-européen de Varsovie, a perdu de peu ce scrutin, a mis en cause des irrégularités
Rejetant la réélection du président polonais conservateur sortant Andrzej Duda le 12 juillet, la principale coalition de l’opposition a annoncé jeudi avoir déposé un recours devant la Cour suprême, demandant l’invalidation du scrutin.
La Plateforme civique (PO), dont le candidat Rafal Trzaskowski, maire libéral pro-européen de Varsovie, a perdu de peu ce scrutin, a mis en cause des irrégularités et la partialité présumée de la télévision publique.
« Nous avons demandé que l’élection soit déclarée invalide », a déclaré le chef de la Plateforme civique, Borys Budka, à la presse : le scrutin n’était ni « équitable » ni « honnête » et « l’ensemble de l’appareil d’Etat a enfreint la loi » en apportant son soutien à M. Duda.
Soutenu par le parti conservateur nationaliste Droit et Justice (PiS, au pouvoir), M. Duda l’a emporté d’extrême justesse, avec 51 % des suffrages face à M. Trzaskowski qui a obtenu 49 % des voix.
Le vote devait avoir lieu en mai – à l’époque M. Duda était nettement en tête des intentions de vote – mais il a dû être reporté en raison de la pandémie provoquée par le nouveau coronavirus.
Le soutien à M. Duda avait considérablement diminué depuis, y compris en raison des retombées de l’épidémie, qui a plongé la Pologne dans sa première récession depuis la chute du régime communiste en 1989.
Au premier tour, le 28 juin, M. Duda est arrivé premier avec 43,5 % des voix et M. Trzaskowski deuxième avec 30,4 %.
Le recours de la PO comprend des plaintes pour irrégularités émanant de 2 000 personnes, faisant état de problèmes liés à l’inscription sur les listes électorales, à des bulletins de vote non envoyés à temps ou à la participation au scrutin d’électeurs se trouvant à l’étranger.
La députée de gauche Barbara Nowacka, membre de la PO, a estimé que l’élection n’avait pas été « honnête ».
« Une des raisons pour lesquelles je dépose cette contestation électorale aujourd’hui, c’est pour que ceux au pouvoir sachent que les citoyens gardent un œil sur eux. Parce que si nous décidons de ne pas réagir aujourd’hui, alors ils vont resserrer la vis encore plus lors de la prochaine élection », a-t-elle expliqué.
Elzbieta Witek, présidente de la Diète (chambre basse du Parlement) et membre du PiS au pouvoir a réagi en estimant que « chacun peut faire appel ».
« Ces appels seront examinés », a-t-elle ajouté, « mais je doute que quelque appel que ce soit ait un impact sur le résultat du vote ».
Selon la Constitution, la Cour suprême a jusqu’au 3 août pour se prononcer sur la validité du scrutin.
Des observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont estimé lundi que le vote avait été « terni » par une couverture partiale de la télévision publique.
La campagne électorale et « la couverture par les médias publics ont été marqués par une rhétorique homophobe, xénophobe et antisémite », selon un communiqué du Bureau de l’OSCE chargé des Institutions démocratiques et des droits de l’homme (ODIHR).
Au cours de la campagne, M. Duda a dénoncé avec des accents populistes « l’idéologie LGBT », les adoptions par des couples homosexuels et a accusé son rival de ne pas rejeter les demandes de compensations de juifs persécutés pendant la Deuxième Guerre mondiale, qui, estime le gouvernement polonais, devraient être adressées à l’Allemagne.
De nombreux observateurs ont remarqué que la couverture par le télévision publique avait largement favorisé M. Duda. Les deux candidats rivaux ont refusé un débat face-à-face, une première pour des élections en Pologne depuis la chute du communisme.
« La polarisation politique était telle que le manque d’impartialité dans la couverture des médias publics a nui à des élections bien conduites », a déclaré Thomas Boserup, chef de la mission spéciale d’évaluation des élections de l’ODIHR.
« Après une campagne durant laquelle le dialogue a fait défaut, il est particulièrement important de souligner que les démocraties sont basées sur le respect de la diversité et des droits de tous, pas simplement de la majorité », a-t-il rappelé.