Portrait d’un pays aux mille visages
Deux projets photographiques dirigés par des Français observent Israël d’une multitude de points de vue
« This Place » est le plus important des deux projets. Il comprend des livres, des expositions itinérantes et des événements en direct. Il a été fondé par le photographe Frédéric Brenner qui a travaillé avec 11 collègues pour examiner la complexité d’Israël et de la Cisjordanie.
Brenner, un Juif français, est connu pour un projet précédent intitulé « Diaspora », une sorte d’odyssée sur 25 ans qui visait à documenter la vie des Juifs autour du monde.
Il s’est embarqué sur « This Place » en 2006 en réunissant quatre millions de dollars grâce à des fondations américaines bien connues et en choisissant des photographes du monde entier.
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Pour initier le projet, Brenner a reçu le soutien de Jeff Rosenheim, le conservateur en charge du département photo du Metropolitan Museum of Art de New York.
Les participants à « This Place » ont comparé le projet à la Mission héliographique de 1851, dans laquelle des photographes français étudiaient minutieusement la France et son patrimoine architectural, et au recensement photographique de l’Administration de l’agriculture américaine durant la Grande dépression des années 1930.
Chaque photographe a passé environ six mois en Israël, se laissant guider par ses propres intérêts artistiques et ses expériences d’Israël.
Cela pouvait aller de repas à des rencontres avec une grande variété d’experts et d’intellectuels locaux comme le philosophe Moshe Halbertal ou Clinton Bailey, un expert de la culture des Bédouins.
« J’ai pensé aux photographes les plus influents qui sont de vrais auteurs, des artistes qui sont des photographes afin de poser des questions », explique Brenner.
« L’idée était d’apporter certains des grands ‘poètes’ de notre époque afin d’avoir éventuellement l’audace de questionner ce qui se passe vraiment dans le pays. »
Chaque artiste bénéficiait de l’aide d’un étudiant de l’Académie des arts et du design Bezalel de Jérusalem qui parlait hébreu. Presque tous les artistes ont résidé dans le centre culturel Mishkenot Shaananim à Jérusalem.
Le projet s’est étalé sur quatre ans de 2009 à 2012. Brenner explique qu’il s’agissait d’une initiative très importante dont il était à la fois le directeur, le collecteur de fonds et l’organisateur.
Il rit lorsqu’il se souvient avoir pensé à l’origine inviter environ 30 à 50 photographes, étant donné la complexité logistique du projet.
En réalité, les difficultés organisationnelles étaient si complexes que Brenner a dû attendre jusqu’en 2009 pour commencer son propre projet, « Une Archéologie de la peur et du désir », ensuite devenu le livre phare de l’exposition et le premier à être publié.
Les clichés de Brenner vont des portraits aux photos de groupe, mais se focalisent sur les dichotomies complexes d’Israël bien souvent définies par ses habitants.
On retrouve alors des Palestiniens et des Israéliens, des religieux et des Israéliens laïcs, des immigrants et des habitants de longue date, y compris sa propre fille actuellement à l’armée, explique Brenner.
« Il y a plusieurs strates, plusieurs niveaux de lecture », souligne Brenner. « C’est un livre sur le désir, l’appartenance et l’exclusion. »
Le projet est à présent terminé et, en plus de 12 livres présentant le travail des photographes, une exposition itinérante de plus de 500 images va être lancée au Centre d’art contemporain DOX de Prague en octobre 2014.
L’exposition se rendra ensuite en Israël (au Musée d’art de Tel Aviv) et aux Etats-Unis pour finir son parcours en juin 2015.
« Il y a plusieurs strates, plusieurs niveaux de lecture. C’est un livre sur le désir, l’appartenance et l’exclusion. »
Frédéric Brenner
Proposant un regard plus individuel, Axel Saxe, lui aussi photographe français, mais non juif, a visité Israël pour la première fois en 2005.
Son livre, Les Israéliens (Steimatzky), montre sa vision du pays formée à partir de voyages réguliers en Israël pendant plus de huit ans.
Pourtant, son intérêt pour Israël a commencé il y a bien longtemps. Maintenant âgé de 53 ans, Saxe a entendu parler dans son enfance pour la première fois du pays après la guerre des Six-Jours de 1967.
« J’ai toujours eu un sentiment très fort pour ce pays, et je savais que je voulais faire quelque chose, mais avec calme », explique Saxe. « Je devais métaphoriquement nettoyer mon objectif photographique. »
Il se souvient de sa sensation de perdition lors de son premier voyage en Israël. La lumière naturelle du pays était trop forte, il pensait qu’il ne pourrait jamais photographier quoi que ce soit, justement à cause de cette intensité.
En se familiarisant avec le pays, Saxe s’y est senti plus à l’aise. Il s’est habitué à la lumière d’Israël, pour finalement en tomber amoureux, tout particulièrement au petit matin et en fin d’après-midi.
Il cherchait les endroits du paysage israélien menacés de disparition, spécifiquement les quartiers shikunim d’immeubles d’appartements géants, qui étaient généralement construits à la hâte et à un moindre coût pour loger les nouveaux immigrants et les familles avec des petits revenus.
« Ce sont des endroits anciens », déclare-t-il, « comme l’arrêt de bus de Beersheva où j’ai passé une semaine. C’est un endroit incroyable. »
Les Israéliens sont adoucis par des milliers de bus
Comme des louves sauvages, ils pourchassent le temps
Parlant d’une voix puissante pour étouffer la cupidité
Ecoutant leurs bien-aimés au bord de la route.
Poésie de Serge Ouaknine tirée du livre Les Israéliens
Les poésies du livre écrites en anglais et en hébreu par Ouaknine ont été ajoutées après que les deux se soient rencontrés dans la ville méridionale de Mizpe Ramon, dans une boutique d’hôtel appelée Chez Eugène et gérée par un compatriote français.
Les textes écrits par Ouaknine font écho à la vision du pays de Saxe, explique-t-il, que ce soit pour les immigrants, le service militaire ou les arrêts de bus.
Saxe est un photographe de presse qui a travaillé au Liban en Jordanie. Il a fini par venir en Israël environ quatre fois par an depuis 2005 pour quelque trois semaines à chaque séjour.
« C’est mon travail », dit-il. « Quand on est photographe, on passe beaucoup de temps là où les personnes ne pensent pas séjourner. On veut trouver des images fortes dans cet endroit, alors je parlais avec les gens et travaillais du matin au soir. »
Maintenant que Les Israéliens a été publié, Saxe retournera en Israël pour travailler sur son prochain livre sur les réservistes de l’armée.
Il pense qu’il lui faudra cinq ans pour finir son livre mais ne se préoccupe pas de la question du temps.
« C’est normal », déclare-t-il. « Cela me donne l’occasion de revenir. »
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