Pour Ben Gvir, le chef du Shin Bet devrait être en prison
Le ministre de la Sécurité nationale d'extrême-droite, qui a nié toute altercation physique avec Ronen Bar, l'a accusé de "conspiration" à l'encontre de la démocratie israélienne

Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a démenti lundi des informations diffusées par les médias qui affirmaient que le chef du Mossad, David Barnea, et le chef d’état-major de Tsahal, Eyal Zamir, avaient été obligés d’intervenir pour empêcher une altercation physique entre lui-même et le chef du Shin Bet, Ronen Bar, lors d’une réunion consacrée à la sécurité qui a eu lieu la nuit dernière.
Alors que Ben Gvir a confirmé s’être heurté à Bar au cours de la réunion, comme cela avait été initialement signalé, il a nié avec véhémence de nouvelles informations transmises par la chaîne N12 qui laissaient entendre que les deux hommes avaient dû être séparés car il avait « perdu son sang-froid », ce qui avait nécessité l’intervention de Barnea et de Zamir.
Une confrontation qui s’était produite suite à un reportage qui avait antérieurement été diffusé sur la chaîne d’information N12, qui avait fait savoir que le Shin Bet avait secrètement enquêté sur l’infiltration possible d’éléments d’extrême droite au sein de la police israélienne suite à des ingérences politiques présumées, de la part du bureau de Ben Gvir, dans les forces de l’ordre.
« Toute déclaration faisant allusion à une possible confrontation physique entre le ministre Ben Gvir et Ronen Bar -ou à une tentative de confrontation – n’est pas seulement une pirouette qui est destinée à détourner l’attention de l’enquête politique et mafieuse qui est actuellement menée par Ronen Bar mais elle relève également de la diffamation », a indiqué le bureau de Ben Gvir dans un communiqué.
« Un certain nombre de journalistes ont diffusé ce mensonge et ils ont été contraints de publier une clarification ou de le supprimer. Le ministre précise que toute publication mensongère sur ce sujet donnera lieu à un procès en diffamation » a poursuivi le communiqué.
Ben Gvir a admis qu’il avait critiqué Bar avec vivacité et qu’il avait élevé la voix, mais il a affirmé qu’il n’y a eu « aucun incident s’approchant d’une confrontation physique. C’est un mensonge complet ».
S’adressant aux journalistes à la Knesset dans la journée, Ben Gvir avait accusé Bar d’avoir recueilli des informations sur le commissaire de police Daniel Levy, déclarant qu’il « devrait être en prison » pour avoir ourdi « une conspiration » à l’encontre de la démocratie israélienne.
« Ronen Bar a tramé une conspiration à l’encontre de l’État démocratique ; il a ordonné de collecter des informations compromettantes pour attaquer un ministre ; c’est un criminel, c’est un danger pour la démocratie, il devrait être en prison », avait dit Ben Gvir aux journalistes avant la réunion hebdomadaire de son parti d’extrême-droite, Otzma Yehudit, à la Knesset.
Les agissements présumés de Bar ont visé, selon le ministre, à saper les nominations de haut-rang qui avaient été effectuées par Ben Gvir, des agissements qui constituent une attaque à l’encontre de « tous mes électeurs » et de la droite israélienne.
« Aucun individu prétendument kahaniste n’a été nommé ou n’a infiltré la police israélienne », avait assuré le chef d’extrême-droite. « Toutes mes nominations ont concerné des officiers chevronnés, respectés, des officiers de premier plan qui étaient issus des forces de police. »
« Je n’ai pas l’intention de rester silencieux face à tout ça. J’ai l’intention d’exiger que le Premier ministre mette immédiatement en place une commission d’enquête gouvernementale pour lancer des investigations sur la tentative de coup d’État et sur la conduite criminelle du chef du Shin Bet », avait-il poursuivi.
Le Bureau de Benjamin Netanyahu a aussi accusé lundi dans un communiqué Bar d’avoir enquêté sans l’accord du Premier ministre sur le ministre d’extrême droite.
« Le document publié, qui contient une directive explicite du chef du Shin Bet de recueillir des preuves contre l’échelon politique, s’apparente (aux méthodes) de régimes (obscurantistes), sape les fondements de la démocratie et vise à faire tomber le gouvernement de droite », ajoutent les services de M. Netanyahu.

Vendredi dans la matinée, le cabinet a voté à l’unanimité le renvoi de Bar. C’est la première fois dans l’histoire d’Israël qu’un gouvernement limoge ainsi un dirigeant de l’agence de sécurité intérieure. Netanyahu a déclaré au cabinet, lors d’une réunion qui a débuté tard dans la nuit de jeudi à vendredi, qu’il avait perdu confiance en Bar après le 7 octobre – même si les critiques affirment, de leur côté, que Bar est aujourd’hui licencié à cause d’une enquête du Shin Bet qui est consacrée à l’influence qatarie au sein du bureau du Premier ministre.
Interrogé par un journaliste sur ce que ferait le gouvernement si la Haute Cour de Justice – qui a émis une injonction temporaire empêchant le départ de son poste de Bar – se prononçait contre son renvoi, Ben Gvir a répondu que le tribunal ne pouvait pas laisser ce dernier à la tête du Shin Bet, l’accusant d’œuvrer à renverser le chef de gouvernement.
« Ce n’est plus une affaire de destitution, Ronen Bar devrait être en prison » dans la mesure où il est soupçonné de vouloir lancer « un coup d’État », a-t-il insisté.
Ben Gvir a évoqué un « tremblement de terre » qui, selon lui, justifie la récente décision prise par le gouvernement de l’écarter.
S’adressant au site d’information de droite Arutz Sheva avant la réunion de lundi après-midi, le ministre du Patrimoine Amichaï Eliyahu, membre du parti de Ben Gvir, a estimé que Bar devait être interrogé pour savoir « s’il a tenté de fomenter un coup d’État ».
En réponse aux allégations de Ben Gvir, le chef de l’opposition Yaïr Lapid a déclaré que « le responsable de la sécurité nationale qui ose parler ainsi du chef du Shin Bet est la preuve que le gouvernement israélien a perdu toutes ses inhibitions ».
Dans une déclaration, l’ancien Premier ministre a déclaré que les propos de Ben Gvir « sont une incitation violente et dangereuse » et « qu’un Premier ministre dans un pays civilisé l’aurait démis de ses fonctions et ne se serait pas traîné à ses pieds pour revenir sauver son gouvernement ».
Le chef du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, a pour sa part accusé le Premier ministre d’avoir fait entrer les kahanistes au gouvernement.
« Netanyahu a choisi de faire entrer Ben Gvir à la Knesset, il a choisi de former un gouvernement avec lui, il a choisi de le réintégrer au gouvernement », a écrit Gantz sur le réseau social X.
« Il n’est pas ‘soumis au chantage’ des kahanistes, il choisit de les faire entrer dans le saint des saints de la sécurité de l’État – et de nuire à notre sécurité à tous. »
Ben Gvir n’a pas qualité pour juger Bar « et la première personne responsable des énormes préjudices causés par Ben Gvir est Netanyahu », a-t-il ajouté.
Des dizaines de milliers d’Israéliens sont descendus ces derniers jours dans les rues pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme une dérive autocratique du chef du gouvernement, dont le renvoi de M. Bar serait l’un des derniers avatars.
La Cour suprême a suspendu cette décision quelques heures plus tard jusqu’au 8 avril afin de pouvoir examiner cinq recours, dont un de l’opposition.
Face au durcissement de la contestation, M. Netanyahu a défié les manifestants samedi soir en affirmant : « Ronen Bar ne restera pas à la tête du Shin Bet, il n’y aura pas de guerre civile, et Israël restera un État démocratique ».
La procureure générale, qui est aussi conseillère juridique du gouvernement, est également dans le viseur du gouvernement. Elle a ouvertement critiqué la destitution de M. Bar sur le plan juridique et soupçonne M. Netanyahu de « conflit d’intérêts » dans cette affaire.
En décembre 2022, elle avait estimé que le projet de réforme de la justice porté par le gouvernement de M. Netanyahu menaçait de faire d’Israël une « démocratie qui en a le nom, mais pas l’essence ».
Cette réforme a profondément divisé le pays en 2023. Le gouvernement l’a officiellement suspendue avec le déclenchement de la guerre mais l’a réactivée ces derniers mois.