Pour ces expatriés israéliens, la distance n’empêche pas de voter
Un groupe de citoyens israéliens étrangers bousculent leurs vies pour se rendre à l'isoloir le 17 mars

La majorité du matériel qu’Alan Teitleman enseigne dans ses cours de sciences politiques au Collège communautaire du Sud Piémont en Caroline du Nord est théorique. Mais le 17 mars, Teitleman entreprendra un acte politique des plus pratiques.
Teitleman annule deux jours de cours pour se rendre de sa banlieue, Charlotte, en Israël afin de mettre son bulletin de vote. De l’atterrissage de son avion à l’aéroport Ben Gourion, à 13 heures lundi, jusqu’au décollage de son vol de retour mardi juste après minuit, Teitleman aura passé seulement 36 heures en Israël.
Les vols – trois dans chaque sens via New York et Moscou – lui coûtent 570 dollars. Mais pour Teitleman, cela en vaut la peine.
« Ce serait hypocrite de ne pas voter », déclare Teitleman, 29 ans, qui reste indécis entre le Likud du Premier ministre Benjamin Netanyahu et l’un des autres factions de centre-droit, comme Koulanou ou HaBayit HaYehudi.
« Pour avoir un Etat fort, tous les secteurs doivent participer. Je veux pouvoir avoir mon mot à dire concernant l’avenir du gouvernement et de l’Etat. »
Teitleman fait partie d’un groupe de citoyens israéliens vivant à l’étranger qui bousculent leurs emplois du temps pour aller voter. Israël prévoit un scrutin par correspondance limité pour ses citoyens basés à l’étranger, réservé principalement aux diplomates et autres émissaires officiels. Le 5 mars, les employés de l’ambassade à Washington ont bravé une forte tempête de neige pour gagner le bâtiment et voter.
Un responsable de l’ambassade a déclaré qu’Israël ne conserve pas de données sur le nombre de citoyens résidant aux Etats-Unis qui reviennent en Israël pour voter. Mais parmi ceux qui font le voyage, l’engagement civique semble être une force motrice.
« C’est une grande opportunité d’opérer un changement », affirme Yaël Shapira, native de Jérusalem qui travaille à l’Université George Washington et sera de retour en Israël de voter pour le parti de gauche Meretz.
Amos Geva, étudiant en cinéma de 28 ans inscrit à un programme d’un an en Europe, a voulu affréter un avion pour rapatrier d’autres Israéliens le jour J. Quand cela n’a pas marché, Geva a réussi à obtenir un rabais de 20 % de la compagnie El Al Israel, réservé à ceux qui voyagent le jour des élections.
En janvier, Geva a réservé un billet aller-retour de Berlin à Tel Aviv. Avec les billets de train à Berlin, le voyage coûte environ 250 dollars.
Pour Geva, l’argent est bien dépensé.
« J’ai grandi en Angleterre et en Israël, donc je sais ce que c’est d’être connecté à Israël ou de se trouver à l’extérieur [du pays] », affirme Geva.
David Mattan, un Israélien résidant à Leeds, au nord de la Grande-Bretagne, est rentré chez lui pour voter à chacune des cinq élections depuis son retour en Angleterre en 2002.
« Revenir voter est une tentative de vivre par procuration », observe Mattan, un avocat qui votera pour Meretz. »
Tous les Israéliens ne soutiennent pas le droit de leurs compatriotes de rentrer chez eux pour voter.
Selon Shachar Loshinsky, qui vit à Maale Adumim près de Jérusalem, il n’y a pas lieu de permettre à ceux qui vivent à l’étranger d’avoir un mot à dire sur les questions la touchant, elle et les autres résidents permanents. C’est un principe qu’elle applique dans l’autre sens : même si elle est née et a grandi à New York, elle n’a jamais voté par correspondance aux élections américaines après avoir passé plus de trente ans de sa vie en Israël.
« Selon moi, vous n’avez pas le droit d’exprimer un avis qui aurait des implications profondes sur d’autres personnes. C’est aussi simple que cela », déclare Loshinsky, qui enseigne à l’Université hébraïque de Jérusalem. « Je ne pense pas que ce soit un acte sioniste de décider de quitter le pays, puis de revenir seulement pour voter. »
Mattan admet être « un peu embarrassé » de voter tout en résidant à l’étranger, mais maintient qu’il se soucie passionnément d’Israël et travaille dur pour préserver son identité israélienne en diaspora.
« Il y a toujours des gens qui vivent dans une société et ne sont pas engagés politiquement », pointe Shapira, qui reviendra voter pour la première fois au cours de la décennie où elle vit à l’étranger.
« Je ne vois pas pourquoi ils ont plus le droit de vote que moi, qui suis très engagée. »