Pour le chef du Kohelet Forum, la clause « dérogatoire » est « complètement idiote »
Moshe Koppel déclare que seul le parti haredi Yahadout HaTorah insiste pour conserver la mesure dans le cadre de la refonte alors que son think-tank réclame son abandon
Le dirigeant d’un think-tank qui a été profondément impliqué dans le projet de réforme du système judiciaire en Israël a fait savoir que son organisation avait conseillé aux députés d’abandonner un texte de loi qui permettrait à la Knesset de passer outre une décision prise par la Haute-cour concernant l’invalidation d’une législation.
Dans des propos qui ont fuité et qui ont été rendus publics par la Treizième chaîne, le professeur Moshe Koppel, chef du Kohelet Policy Forum, a expliqué que les intérêts politiques des ultra-orthodoxes expliquaient l’inclusion de cette clause « dérogatoire » dans l’enveloppe de réformes controversées du système de la justice. Il a prédit qu’elle ne serait pas adoptée.
« L’avis que nous avons donné au ministre de la Justice Yariv Levin et au député de Hatzionout HaDatit Simcha Rothman est que cette clause est complètement idiote », a dit Koppel devant un petit auditoire. « Nous n’avons jamais voulu une telle clause. Elle est politique ».
S’il ne soutient pas cette clause dite « dérogatoire », le Kohelet Policy Forum défend par ailleurs le projet de loi prévoyant de placer sous le contrôle de la coalition les nominations des juges à la Cour suprême, notamment celle de son président. Les détracteurs de cette mesure affirment qu’elle politisera le tribunal, qu’elle ôtera un contre-pouvoir déterminant face à la toute-puissance gouvernementale et qu’elle portera gravement atteinte au caractère démocratique d’Israël.
Ces propos ont été tenus pendant une conférence privée où Koppel est intervenu au sein de l’organisation orthodoxe Aish HaTorah à New York, mercredi dernier. Alors qu’il était en train de s’exprimer, 200 manifestants à peu près se tenaient à l’extérieur du bâtiment. Le Kohelet a eu un rôle essentiel dans la défense du projet de refonte judiciaire.
Koppel a déclaré aux personnes présentes qu’il ne pensait pas que la clause « dérogatoire » serait approuvée, affirmant même que la coalition au pouvoir serait heureuse de l’offrir dans le cadre d’un marchandage à l’occasion de négociations avec l’opposition.
« Il n’y aura pas de clause ‘dérogatoire’, personne n’a jamais pensé qu’il y en aurait une », a-t-il expliqué dans l’enregistrement. « Je vous le dis, écoutez-moi, lisez-le bien sur mes lèvres : Il n’y aura pas de clause ‘dérogatoire’. »
« Si Benny Gantz [le chef de HaMahane HaMamlaht] devait se présenter demain et dire ‘Débarrassez-vous de la clause dérogatoire, réglez certains des autres problèmes et nous serons prêts à conclure un accord avec vous’, la clause serait abandonnée dans la seconde », a continué Koppel.
Selon Koppel, les partis haredim insistent sur l’adoption d’une clause « dérogatoire » dans la mesure où il veulent pouvoir faire adopter une loi qui officialiserait les exemptions de service militaire de leurs électeurs. Les législations antérieures qui avaient répondu à cette demande des ultra-orthodoxes avaient été rejetées par la Haute cour. Il a fait remarquer que les partis haredim voulaient également trouver un moyen de contourner une éventuelle intervention de la Haute-cour sur la question de la séparation entre les sexes dans les lieux publics.
Il a précisé que le parti ultra-orthodoxe séfarade du Shas était revenu sur sa demande d’une clause dérogatoire, préférant s’aligner sur l’adoption d’une loi sur le service militaire dont le réexamen par les juges serait interdit. Pour sa part, le député de Yahadout HaTorah Moshe Gafni a insisté sur le fait que la clause controversée figurait encore dans l’enveloppe de réformes du système judiciaire israélien.
Une personne qui se trouvait dans l’assistance a confié que Koppel, né aux États-Unis, avait dit à l’auditoire que la crise actuelle en Israël lui ôtait le sommeil, a annoncé le journal New York Jewish Week, ajoutant qu’il avait semblé distrait par le mouvement de protestation en cours à l’extérieur du bâtiment.
היו״ר והמייסד של פורום קהלת משה קופל מנסה לדבר בכנס בניו יורק – אבל המפגינים הישראלים עושים כל כך הרבה רעש בחוץ שזה כמעט בלתי אפשרי. pic.twitter.com/MPV6ddyomQ
— נריה קראוס Neria Kraus (@NeriaKraus) March 23, 2023
Koppel a d’ores et déjà dénoncé certains aspects de la refonte judiciaire.
Le mois dernier, il avait publié un article dans le journal Makor Rishon où il affirmait que l’abandon de la clause dite « dérogatoire » en échange d’un large soutien en faveur d’autres éléments importants de la refonte judiciaire serait « bénéfique » au vu de « l’inquiétude compréhensible qu’elle puisse être exploitée et du danger qu’elle puisse contribuer à une escalade des tensions entre les branches du gouvernement ».
Il avait aussi dit à des étudiants que la clause « dérogatoire » était « une idée stupide », disant qu’il était « compréhensible » de s’inquiéter de possibles abus.
Au début du mois, le Kohelet Policy Forum a publié un communiqué appelant le gouvernement au compromis et à réfléchir à l’abandon de la clause « dérogatoire ».
Les chercheurs du think-tank ont joué un rôle déterminant dans la mise au point d’un grand nombre des politiques gouvernementales en matière de système judiciaire, et Levin a cité le docteur Aviad Bakshi, chef du département juridique de l’institution, comme ayant été l’un des conseillers consultés lors de l’élaboration de ses propositions.
De leur côté, les critiques ont souligné les sources de financement douteuses du groupe et elles ont noté l’influence démesurée de l’argent sale sur les politiques publiques israéliennes.
Video shared by protesters shows a demonstration in New Jersey outside an appearance by Moshe Koppel, head of Kohelet, for its role in the Israeli judicial overhaul pic.twitter.com/OpRSo9mcPq
— Luke Tress (@luketress) March 25, 2023
L’organisation est devenue une cible du mouvement de protestation contre la refonte. Le groupe « Frères d’Armes » a manifesté devant les bureaux du think-tank à Jérusalem, barricadant ses locaux à l’aide de sacs de sable et de fils barbelés, le mois dernier.
Des manifestants ont encore interpellé Koppel, samedi, à l’extérieur d’une synagogue d’Englewood, dans le New Jersey, où il devait prendre la parole.