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Pour Marwan Muasher, le Jordanie doit changer d’approche

L'ex-ministre des Affaires étrangères ne croit plus en la solution à deux États, ajoutant que la diplomatie avec le gouvernement de Netanyahu ne fonctionne pas

Marwan Muasher donne une interview à Radio Al-Balad (Crédit : capture d'écran/YouTube)
Marwan Muasher donne une interview à Radio Al-Balad (Crédit : capture d'écran/YouTube)

Le tout premier ambassadeur jordanien en Israël – qui est ultérieurement devenu ministre des Affaires étrangères du royaume hachémite – a déclaré que la solution à deux États pour résoudre le conflit israélo-palestinien n’était plus possible et qu’Amman devait changer son approche face à l’État hébreu et aux relations entretenues par les deux pays au vu du gouvernement de la ligne dure de Benjamin Netanyahu.

« Nous faisons face à un gouvernement israélien extrémiste, du point de vue religieux comme du point de vue ethnique… un gouvernement avec lequel il est impossible de se montrer flexible, de s’adapter », a commenté Marwan Muasher, selon une traduction non officielle d’une interview réalisée par la Radio Al-Balad et qui a été publiée sur le site d’information Ammanet.

« Les outils qu’utilisait la Jordanie dans ses relations avec les gouvernements israéliens ne fonctionnent plus avec celui-là », a ajouté Muasher, déclant qu’Amman devait changer son approche et cesser de travailler « diplomatiquement et flexiblement » avec Jérusalem.

« Quand l’extrémisme est la marque de fabrique d’un gouvernement, les outils diplomatiques ne fonctionnent pas. Ce gouvernement ne donne aucun poids aux outils diplomatiques », a dit Muasher. « Et si le gouvernement est extrémiste sous deux angles, l’angle ethnique et l’angle religieux ? Jamais, dans l’Histoire d’Israël, il n’y avait eu un tel gouvernement, dont certains membres affirment ouvertement que les Palestiniens n’ont pas le droit d’exister et qui dessinent la carte de la Terre d’Israël en y incluant la Jordanie et la Palestine ».

Le mois dernier, la Jordanie avait convoqué l’envoyé israélien à Amman en signe de protestation contre un discours prononcé par le ministre des Finances d’extrême-droite, Bezalel Smotrich, lors d’un événement à Paris en l’honneur de l’activiste sioniste, Jacques Kupfer. Il avait ainsi déclaré que le peuple palestinien était une « invention » alors qu’il se tenait à la tribune avec, derrière lui, une carte du « Grand Israël » qui comprenait la Jordanie. Quelques jours auparavant, Smotrich avait suscité l’indignation de la communauté internationale quand il avait appelé à « anéantir » Huwara, une ville palestinienne de Cisjordanie suite à la mort de deux Israéliens, deux frères, dans le cadre d’un attentat terroriste.

L’ancien ambassadeur a aussi estimé que le traité de paix entre la Jordanie et Israël « doit être réexaminé ».

« Nous agissons encore conformément aux Accords d’Oslo qui se sont terminés il y a trente ans et il est clair qu’un État palestinien n’est pas en cours d’établissement actuellement. Il y a donc une nécessité, pour la Jordanie, de réviser le traité », a-t-il dit.

Muasher a aussi indiqué qu’un transfert forcé des Palestiniens par Israël était un risque réel.

« Il y a un vrai danger. Israël ne veut pas d’un État palestinien en Cisjordanie et à Jérusalem, et il ne veut pas d’une majorité palestinienne dans les territoires placés sous son contrôle », a noté l’ancien ambassadeur.

« Il est évident que ce gouvernement ne reconnaît pas le droit des Palestiniens à exister sur les terres qui sont les leurs. Il ne reste donc qu’une seule solution : le transfert, qui touchera directement la sécurité nationale jordanienne. Nous sommes incroyablement inquiets face à ce problème parce que ce n’est pas seulement un problème entre Palestiniens et Israéliens mais c’est aussi un problème jordanien par excellence », a-t-il continué.

Muasher a indiqué que tout transfert potentiel de population représenterait une menace pour la sécurité intérieure au sein du royaume hachémite.

Le chef du parti HaTzionout HaDatit Bezalel Smotrich s’exprimant lors d’un service commémoratif pour Jacques Kupfer, militant de droite du Likud et membre du conseil d’administration de l’Agence juive, qui est décédé après une longue bataille contre le cancer en 2021, à Paris, le 19 mars 2023. (Crédit : Capture d’écran via Ynet, utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur les droits d’auteur)

Le mois dernier, Muasher avait publié une Opinion sur le site internet de la Fondation Carnegie pour la paix internationale dans laquelle il établissait clairement qu’il n’espérait plus de solution à deux États dans le cadre du conflit israélo-palestinien.

« Il est temps d’admettre ce qui est évident depuis quelques années : la solution à deux États pour mettre un terme au conflit israélo-palestinien est morte et elle ne pourra pas ressusciter. Plus la communauté internationale s’accrochera longtemps à cette solution impossible, plus elle s’ensevelira dans ce trou profond et elle devra commencer à s’attaquer à un problème potentiellement plus difficile, celui de la violation quotidienne des droits des Palestiniens dans les territoires occupés », a dit Muasher dans ce texte publié le mois dernier.

Dans l’entretien le plus récent, il a estimé que continuer à se cramponner à la possibilité de la solution à deux États était un simple moyen de gagner du temps – un temps utilisé par Israël pour ancrer encore davantage sa présence en Cisjordanie.

« Continuer à laisser traîner l’idée d’une solution à deux États sans la soutenir dans les faits en programmant de l’inscrire dans la réalité donne à Israël plus de temps pour construire des implantations et pour enterrer définitivement cette solution que nous soutenons tous », a-t-il dit.

Construction de nouveaux logements dans l’implantation d’Alon Shvut en Cisjordanie, dans le Gush Etzion, le 3 octobre 2022. (Crédit : Gershon Elinson/Flash90)

Muasher a aussi fait remarquer que le plan controversé de réforme du système judiciaire israélien, qui est avancé par le gouvernement Netanyahu, signifiait qu’Israël cesserait de pouvoir se définir comme un État démocratique.

« L’État d’Israël s’est vendu au monde et à lui-même comme un État démocratique, avec une séparation et un équilibre des pouvoirs, ce qui ne permet pas à un pouvoir de prendre le dessus sur l’autre. Aujourd’hui, Israël s’efforce d’affaiblir le système judiciaire à travers la prise de contrôle de ce dernier par l’exécutif et le législatif. Ce qui est une négation des fondements même d’un État pouvant se targuer d’être un régime démocratique », a-t-il déclaré.

« L’État d’Israël ne peut plus dire qu’il est un État doté d’un régime démocratique. Les États-Unis ne peuvent plus dire qu’Israël est un État démocratique. Toutefois, comme je vous l’ai déjà dit, ces divisions n’incluent pas les Palestiniens. Les manifestants israéliens ont entonné le slogan de ‘la démocratie pour tous’ mais ce ‘tous’, pour eux, ce sont les Juifs, ce ne sont pas tous les citoyens d’Israël », a-t-il estimé.

Muasher était devenu le tout premier ambassadeur jordanien en Israël en 1995, un an après la signature du traité de paix. Il avait servi jusqu’en 1996 et il avait occupé par la suite un grand nombre de postes politiques de premier plan. Il avait notamment été ambassadeur aux États-Unis de 1997 à 2002 et ministre des Affaires étrangères entre 2002 et 2004. Après son retrait de la politique en 2010, il est devenu membre du think-tank de la Fondation Carnegie pour la paix internationale.

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