Pour Trump, le laxisme de Biden est responsable de l’attaque de Boulder, commise par un clandestin
Le président américain n'a mentionné ni Israël ni l'antisémitisme dans sa déclaration sur l’attaque à la bombe incendiaire qui a fait 12 blessés ; pour l'envoyé des États-Unis en Israël, l’incident est lié à la couverture médiatique de Gaza

Lundi, le président américain Donald Trump a déclaré que l’attaque ayant pris pour cible des manifestants pro-israéliens au Colorado était le résultat de la politique frontalière menée par son prédécesseur Joe Biden. Son représentant en Israël Mike Huckabee a quant à lui fait savoir que la couverture de l’actualité à Gaza par les principaux organes de presse contribuait à attiser la haine antisémite.
Mohamed Sabry Soliman, un ressortissant égyptien résidant illégalement aux États-Unis, a été accusé par des responsables fédéraux et étatiques d’avoir lancé des cocktails Molotov et tenté d’utiliser un lance-flammes de fortune pour attaquer, dimanche, des manifestants qui appelaient à la libération des otages enlevés en Israël par des terroristes de Gaza. Douze personnes avaient été blessées au cours de l’attaque.
Soliman « a pu entrer [sur le sol américain] à cause de cette politique ridicule d’ouverture des frontières de Biden, qui a fait tellement de mal à notre pays. Avec la politique ‘TRUMP’, il sera obligé de s’en aller », a écrit le président sur sa plateforme Truth Social.
Selon le Département américain de la Sécurité intérieure, Soliman, un ressortissant égyptien de 45 ans, était entré aux États-Unis avec un visa de non-immigrant en 2022, sous la présidence de Biden. À l’expiration de son visa, il avait décidé de rester dans le pays.
D’après un affidavit du FBI, Soliman a avoué être l’auteur des faits après avoir été placé en garde à vue à la suite de l’attaque de dimanche. Il a expliqué aux forces de police qu’il était mû par un désir « de tuer tous les sionistes ».
Il est accusé de tentative de meurtre, ainsi que de crime de haine au niveau fédéral pour avoir attaqué des bénévoles de l’association Run for Their Lives, qui organise des courses et des marches pour appeler à la libération sans délai des Israéliens détenus à Gaza.
Des témoins ont rapporté avoir entendu Soliman crier « Palestine libre » en lançant son attaque. Ces faits surviennent moins de deux semaines après le meurtre de deux employés de l’ambassade israélienne à Washington par un attaquant qui a scandé ce même slogan au moment de son arrestation. Le FBI a qualifié l’incident « d’attaque terroriste ciblée ».

« Ces actes de terrorisme feront l’objet de poursuites dans toute la mesure permise par la loi. Voilà encore un autre exemple de la raison pour laquelle nous devons sécuriser nos frontières et expulser les radicaux clandestins et anti-américains hors de notre patrie », a écrit Trump, ajoutant : « Mes pensées vont aux victimes de cette terrible tragédie. »
Il n’a mentionné ni la problématique de l’antisémitisme, ni Israël dans cette déclaration.
Soliman vivait illégalement aux États-Unis. Il était entré dans le pays en août 2022 avec un visa B2 qui a expiré en février 2023, a fait savoir la secrétaire adjointe au Département de la Sécurité intérieure Tricia McLaughlin dans une publication sur le réseau social X.
D’après McLaughlin, Soliman avait déposé une demande d’asile en septembre 2022. Il avait obtenu un permis de travail en mars 2023, expiré depuis. Le Département de la Sécurité intérieure n’a pas donné suite à nos demandes d’informations supplémentaires.

Selon des documents de la cour de l’État, Soliman est né en Égypte. Il a vécu 17 ans au Koweït avant de déménager il y a 3 ans à Colorado Springs, où il vivait avec sa femme et ses 5 enfants.
Il travaillait comme chauffeur Uber. Il avait satisfait aux critères d’embauche de l’entreprise, incluant une vérification des antécédents criminels, selon un porte-parole d’Uber.
Dans un CV au nom de Soliman posté en ligne, il est indiqué que l’homme avait travaillé à la comptabilité et au contrôle des stocks pour une entreprise de soins de santé de la région de Denver, avec d’anciens employeurs en Égypte. Soliman avait aussi mentionné, sur son CV, l’université Al-Azhar, ainsi qu’un centre historique d’apprentissage de l’islam et de l’arabe situé au Caire.
« Climat antisémite »
Huckabee a lié les attaques mortelles de Washington et de Boulder à la couverture médiatique des tirs qui ont visé dimanche des Gazaouis qui s’approchaient d’un site de distribution d’aide humanitaire par les principaux médias américains, les accusant de « possiblement contribuer au climat antisémite ».
Une déclaration qui a fait écho à la réponse apportée par Israël à l’attaque de Boulder.
« Sans vérifier aucune source autre que le [groupe terroriste du] Hamas et ses collaborateurs, le New York Times, CNN et l’agence Associated Press ont rapporté que plusieurs personnes qui venaient chercher des colis alimentaires humanitaires auprès du Gaza Humanitarian Fund avaient été blessées ou tuées par l’armée israélienne », a rapporté Huckabee dans un communiqué.
« Ces informations sont FAUSSES. Des vidéos prises par un drone et des témoignages directs montrent clairement qu’il n’y a eu ni blessés, ni morts, ni coups de feu, ni chaos », a-t-il affirmé, exigeant que les sites d’actualité « se rétractent immédiatement ».

« Les seules sources de ces récits trompeurs, exagérés et totalement inventés proviennent du [groupe terroriste du] Hamas, qui cherche à attiser la haine antisémite, contribuant sans doute au climat de violence contre les Juifs aux États-Unis », a ajouté Huckabee.
Plusieurs témoins ainsi que des responsables du [groupe terroriste du] Hamas ont rapporté dimanche que les soldats israéliens avaient ouvert le feu sur des Gazaouis alors que ces derniers se dirigeaient vers un site de distribution d’aide humanitaire géré par le Gaza Humanitarian Fund à Rafah.
Dimanche soir, Tsahal a fait savoir que ses combattants n’avaient pas tiré sur des Gazaouis sur ou à proximité du site de distribution d’aide humanitaire. Un responsable militaire israélien a simplement expliqué que les soldats avaient, durant la nuit, tiré des coups de semonce en apercevant plusieurs personnes suspectes qui avançaient vers eux, à environ un kilomètre.
Les images de drones et témoignages directs ayant servi de base aux déclarations de Huckabee n’ont pas été clairement définis.
Le GHF, l’organisme en charge de la distribution de l’aide humanitaire soutenu par les États-Unis et Israël, a souligné que « la distribution de l’aide a pu reprendre aujourd’hui sans incident ». Il a publié des vidéos montrant ostensiblement qu’aucun civil palestinien n’avait été abattu sur le site après le lever du jour.
L’agence Associated Press a toutefois cité des témoins oculaires. Selon ces derniers, l’incident à Rafah s’était produit avant l’aube, alors que des milliers de personnes marchaient en direction du site humanitaire. Les soldats israéliens leur avaient ordonné de se disperser et de revenir plus tard. Alors que la foule arrivait à un rond-point, à environ 1 kilomètre de là et à 3 heures du matin, Tsahal avait ouvert le feu.

D’après le ministère de la Santé du Hamas, dont les chiffres sont invérifiables, 31 personnes avaient été tuées et 170 autres blessées par les tirs israéliens au cours de l’incident.
Un porte-parole de l’ambassade américaine a indiqué au Times of Israel que les déclarations de Huckabee se basaient sur les témoignages directs d’employés du GHF.
Le porte-parole de l’ambassade a également cité des images prises par des drones de l’armée israélienne, mais les images publiées par Tsahal n’avaient pas été tournées au moment ni à l’endroit où l’incident est survenu. Ce porte-parole n’a fourni aucune autre information.
« Les médias qui reprennent volontiers ces allégations diffamatoires devraient retirer leurs fausses informations, présenter des excuses et s’engager à relayer les faits réels au lieu de se livrer à une propagande dangereuse qui aide le groupe terroriste du Hamas, qui continue de retenir des otages innocents depuis plus de 600 jours après avoir massacré plus de 1 200 personnes le 7 octobre [2023] », a indiqué Huckabee.
Le 7 octobre 2023, des milliers de terroristes du Hamas avaient pris d’assaut le sud d’Israël, tuant quelque 1 200 personnes et enlevant 251 otages, déclenchant la guerre à Gaza, et provoquant dans le monde entier une flambée d’antisémitisme alimentée par la colère suscitée par la réponse militaire d’Israël.

L’attaque de dimanche est survenue au centre commercial piétonnier Pearl Street. Située dans le centre-ville de Boulder, cette zone composée de 4 pâtés de maisons est fréquentée par les touristes et les étudiants. Selon un affidavit, Soliman planifiait son attaque depuis un an.
Il a expliqué à la police qu’il avait choisi une tenue de jardinier avec un gilet orange afin de pouvoir se placer au plus près du groupe. Il avait même acheté des fleurs chez Home Depot. Il portait un pulvérisateur dorsal rempli de gaz, mais il a affirmé aux enquêteurs qu’il n’avait épandu ce gaz que sur lui-même « parce qu’il avait prévu de mourir ».
Il a déclaré aux enquêteurs n’avoir lancé que deux cocktails Molotov sur le groupe « parce qu’il avait peur, et qu’il n’avait jamais blessé personne auparavant », ont fait savoir les forces de police.
Selon le procureur local Michael Dougherty, les forces de l’ordre ont récupéré 16 cocktails Molotov inutilisés. Ces engins étaient constitués de bouteilles de vin ou de bocaux en verre contenant un liquide clair dans lequel trempaient des chiffons rouges, a indiqué le FBI.
D’après l’affidavit, les policiers ont trouvé des papiers sur lesquels étaient inscrits les mots « Israël », « Palestine » et « USAID » dans la voiture du suspect.
Soliman a rapporté aux enquêteurs qu’il avait fabriqué ses cocktails Molotov en suivant des conseils trouvés sur YouTube et après avoir acheté les ingrédients.
Les autorités ont d’abord annoncé que l’attaque avait fait huit victimes, un chiffre rectifié après l’identification de quatre autres blessés légers.

Dimanche soir, la police a fait savoir que l’une des victimes se trouvait dans un état critique, et que deux autres qui souffraient de brûlures graves avaient été transportées par avion dans un hôpital de Denver pour y être soignées.
Ce sont une femme de 88 ans et son mari qui ont été les plus grièvement blessés dans l’attaque, a indiqué un organisateur. Interrogé par CBS Colorado, le rabbin Yisroel Wilhelm, directeur du mouvement ‘Habad à l’Université du Colorado à Boulder, a expliqué que cet homme de 88 ans était un réfugié qui avait fui l’Europe et la Shoah.
« Nous avons reçu une immense vague de messages positifs : c’est un autre signe de la bonne santé et de la force d’esprit de notre communauté », ont rapporté Wilhelm et sa femme dans un communiqué. « Nous encourageons chacun à réagir à cette attaque en montrant son dynamisme, en célébrant Shavouot dans la joie, en assistant à la lecture des Dix Commandements et en renouvelant son engagement envers le patrimoine et les traditions que nous chérissons tant. »
Lundi, le ministère des Affaires étrangères des Émirats arabes unis a condamné l’attaque, souhaitant un prompt rétablissement aux victimes, et exprimant sa solidarité avec le peuple et gouvernement américains.
« Les Émirats arabes unis condamnent fermement ces actes criminels et terroristes. Ils refusent et refuseront toujours toute forme de violence et de terrorisme prenant pour cible des innocents », a fait savoir le communiqué.