Pour un officier de l’armée de l’air, « la Syrie est un théâtre international, tout le monde y joue »
Un officier donne la vision militaire de la guerre civile en Syrie et la façon dont les avions israéliens naviguent dangereusement dans les cieux presque saturés
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
Pendant des années, Israël ne comptait pas d’ennemis dans les espaces aériens du Moyen-Orient, mais avec le placement du S-400, un système de défense anti-aérienne en Syrie, cette dynamique a changé et a transformé les espaces aériens autrefois ouverts en des couloirs aériens difficiles à traverser, selon un officier de l’armée de l’air israélienne.
« Nous vivons une période intéressante », a déclaré le militaire aux journalistes dimanche soir, qui a parlé sous condition d’anonymat.
La guerre civile en Syrie, qui ravage le pays depuis 5 ans, est devenu une sorte de mêlée internationale, avec, non seulement des centaines de milices locales, mais également des pays du monde entier qui prennent part au combat.
Une coalition de 17 pays, menée par les États-Unis dirigent une campagne aérienne contre l’État islamique en Syrie et en Irak. Pendant ce temps, la Russie, l’Iran et le Hezbollah se sont associés au régime de Bashar el-Assad pour lutter contre les groupes rebelles qui menacent de renverser le chef alaouite.
« La Syrie est une scène internationale, et tout le monde y joue », explique l’officier.

Et au risque de mélanger les métaphores, l’officier a également comparé la situation en Syrie à un « laboratoire » dans lequel les armées viennent tester leur armement et leurs stratégies.
« On peut y vérifier des armements, des doctrines », dit-il.
Les Russes ont essayé et utilisé « tout ce qu’ils avaient », depuis l’envoi de missiles balistiques depuis la Russie vers la Syrie, à l’envoi de leur seul porte-avion dans la région, en passant par le pilotage de sorties en quittant l’Iran.
« Et ce ne sont pas les seuls », ajoute-t-il.
On estime à 400 000 le nombre de victimes depuis mars 2011, lorsque la guerre a commencé, et que des millions de personnes ont été déplacées à cause des combats. Les chiffres varient en fonction des organisations.
La Russie en Syrie : un défi pour Israël
Au regard de la situation en Syrie et des tentatives d’Israël pour opérer dans le pays, l’implication des russes a été le facteur le plus important dans la création de la dynamique actuelle de la région, analyse l’officier.

Il explique que depuis leur arrivée en Syrie, il y 14 mois de cela, les Russes ont dévié le combat en faveur d’Assad et contre l’État islamique.
Si l’on exclut un « changement dramatique », cette trajectoire se poursuivra, et atteindra une sorte d’équilibre, « qui ne sera pas une solution », dans les prochains mois, prédit l’officier.
Pour Israël, qui avait par le passé, joui d’une supériorité aérienne incontestée dans la région, l’arrivée de l’armée russe et de son S-400 système de défense antiaérienne, l’un des plus pointus du monde, la situation en Syrie est devenu « un défi ».
Bien qu’Israël soit resté à l’écart de la guerre civile syrienne, l’État hébreu surveille de près le groupe terroriste chiite du Hezbollah et ses tentatives d’importer au Liban des armes d’Iran via la Syrie, et qui mène des frappes aériennes quant c’est nécessaire, pour empêcher la marchandise d’arriver à bon port, avait indiqué le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
À la lumière de le présence russe, en septembre 2015, Israël a mis au point un mécanisme avec Moscou ; qui implique des groupes de travail dirigés par les directeurs adjoints des deux armées pour éviter les conflits et les quiproquos potentiellement fatals.
Cependant, l’officier a souligné que ce système avait ses limites : Israël n’informe par la Russie de ses frappes aériennes, et la Russie ne communique pas avec Israël sur ses projets.
Depuis que cet accord russo-israélien a été conclu l’an dernier, l’officier israélien a souligné la distinction entre cet accord et une coopération militaire.
« Coopérer n’est pas le bon terme. Nous ne coopérons pas avec [la Russie]. Il s’agit de désamorcer le conflit et d’adopter des mesures de sécurité afin qu’ils ne nous fassent pas de mal, et inversement », précise l’officier dimanche.
« Je pense que l’on se débrouille bien », ajoute-t-il
Des failles ont tout de même été signalées.

En juillet, par exemple, un drone russe est entré dans l’espace aérien israélien, apparemment accidentellement.
Après de multiples tentatives ratées de la part de l’armée de l’air israélien de le faire atterrir, l’aéronef télécommandé est retourné dans l’espace aérien syrien.
En avril, les médias israéliens ont signalé que les Russes avaient tiré sur des avions israéliens à deux reprises, mais le Kremlin avait démenti ces accusations.