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Analyse

Pourquoi fêter le transfert de l’ambassade roumaine est prématuré

Malgré la promesse faite par Viorica Dăncilă à l'AIPAC, dimanche, c'est le président Klaus Iohannis qui aura le dernier mot sur cette localisation. Et il y est fermement opposé

Raphael Ahren

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

La Première ministre roumaine Viorica Dăncilă à la conférence politique de l'AIPAC à Washington, le 24 mars 2019. (Capture d'écran/AIPAC)
La Première ministre roumaine Viorica Dăncilă à la conférence politique de l'AIPAC à Washington, le 24 mars 2019. (Capture d'écran/AIPAC)

WASHINGTON — L’annonce-surprise qui a été faite par la Première ministre roumaine Viorica Dăncilă dimanche, qui a fait savoir que son pays transférerait son ambassade de Tel Aviv à Jérusalem, a été immédiatement célébrée par les partisans d’une telle démarche dans le pays et à l’étranger.

Eduardo Bolsonaro, fils du président brésilien Jair Bolsonaro, a félicité, par exemple, ce pays d’Europe centrale pour sa décision – que Dancila a annoncée dimanche lors de la session d’ouverture de la conférence politique de l’AIPAC organisée à Washington. Le père de Bolsonaro lui-même évoque depuis longtemps la possibilité du transfert de sa propre mission diplomatique dans la ville sainte.

Mais curieusement, le ministre des Affaires étrangères de Jérusalem est resté silencieux dans un premier temps. « Nous serions très heureux de voir l’ambassade de Roumanie à Jérusalem », ont commenté des sources diplomatiques israéliennes, s’exprimant sous couvert d’anonymat.

Plusieurs heures après l’annonce, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a écrit sur Twitter un post mesuré pour « féliciter mon amie » Dăncilă pour avoir dit « qu’elle ferait en sorte de mener à bien les procédures nécessaires pour l’ouverture de l’ambassade roumaine à Jérusalem ».

La réponse de Netanyahu pleine de retenue souligne bien qu’à ce point, il semble clair que Dancila est dans l’incapacité de tenir sa promesse. En Roumanie, c’est le président, et non le Premier ministre, qui a le dernier mot concernant le statut des missions diplomatiques à l’étranger – ce qui revient à dire qu’elle s’est contentée, dans ses propos, de (re-)signer un chèque sans provision à l’Etat juif.

Cette annonce a pourtant semblé laisser entendre que le transfert de l’ambassade était dorénavant tenu pour acquis.

« Comme nous le savons tous, le président Donald Trump a ouvert l’ambassade américaine à Jérusalem. Cette initiative admirable et courageuse m’a impressionnée, et a également impressionné mon gouvernement et le peuple roumain », a-t-elle dit. « Cette démarche a également lancé un processus international de réflexion. Le gouvernement de Roumanie a, depuis, amorcé un processus d’évaluation de l’opportunité de relocaliser l’ambassade de notre pays à Jérusalem », a-t-elle expliqué.

« C’est la raison pour laquelle j’ai le bonheur aujourd’hui de vous annoncer à vous, le public de l’AIPAC, qu’à l’issue des conclusions qui ont été tirées des analyses conduites par tous les acteurs constitutionnels impliqués dans le processus décisionnaire de la Roumanie et qu’après être parvenus à un consensus complet, je dirigerai – en tant que Première ministre du gouvernement que je préside – le transfert de l’ambassade roumaine à Jérusalem, capitale d’Israël ».

Mais le président Klaus Iohannis s’est immédiatement et sans ambiguïté opposé à la relocalisation de l’ambassade. Et il l’a rappelé dans sa réponse cinglante au discours prononcé par la cheffe de gouvernement dimanche : « Le Premier ministre affiche sa complète ignorance en ce qui concerne les Affaires étrangères », a-t-il dit.

Selon la loi roumaine, il relève des prérogatives exclusives du président « d’approuver l’ouverture, la fermeture ou le changement de rang des missions diplomatiques ».

Au mois d’avril 2018, après que Dăncilă a pour la première fois annoncé son intention de transférer l’ambassade à Jérusalem, Iohannis avait émis un long communiqué réaffirmant que le positionnement adopté par Bucarest sur le statut de Jérusalem « reste conforme à celui qui a été déterminé par les résolutions votées par le Conseil de sécurité et par l’Assemblée générale des Nations unies ».

L’initiative prise par la Première ministre pouvait ainsi « peut-être et au mieux représenter le début d’un processus d’évaluation sur le sujet – un processus qui ne pourra s’achever définitivement qu’au terme des négociations de paix au Moyen-Orient, le statut de Jérusalem étant l’une de ses thématiques centrales », avait-il déclaré à l’époque. « Ce statut ne pourra être établi que selon les termes d’un accord direct et final conclu entre les deux parties ».

Répétant que, « d’un point de vue constitutionnel », le pouvoir de mettre en place une telle initiative lui revenait pleinement, le président avait souligné que « la relocalisation de l’ambassade roumaine à Jérusalem représenterait une violation de la loi internationale ».

Le président de la Roumanie Klaus Werner Iohannis lors de la 73ème session de l’Assemblée générale des Nations unies au siège de l’ONU, à New York, le 26 septembre 2018 (Crédit : Richard Drew/AP)

Quelques semaines plus tard, il avait exprimé l’inquiétude de ce qu’un déplacement unilatéral de l’ambassade aurait un impact négatif sur le positionnement international de la Roumanie et insisté sur le fait que cette décision « ne revient pas au gouvernement ».

Dans sa déclaration de dimanche après-midi, Iohannis a indiqué qu’aucune décision n’avait été prise concernant Jérusalem, notant que ses opinions personnelles sur le sujet étaient connues.

L’ambassade ne pourra être relocalisée qu’une fois que « l’analyse » conduite par la Roumanie sera achevée et seulement si toutes les institutions nationales chargées de la politique étrangère et de la sécurité nationale le recommandent, a-t-il continué. Et son bureau n’a pas encore reçu de copie de l’analyse du gouvernement.

Joint par téléphone par le Times of Israel, un employé de l’ambassade de Roumanie a indiqué dimanche ne pas avoir de commentaires à faire sur le sujet.

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